30 novembre 2010

Les années 90

      Je pense aux jeunes, à ceux qui sont nés entre 1990 et 2000. Ces jeunes n’ont pas connu les années 1980 et 1990. Ils ne savent pas ce que c’est que de vivre dans un pays où les dirigeants disent la vérité, où le présent semble préparer l’avenir, où le lendemain est appelé à être meilleur que le présent. Sans doute, à travers des films, des livres, peuvent-ils se faire une idée de cette époque, une époque de courage, de confiance et d’optimisme. Aujourd’hui, nous sommes plongés dans les ténèbres, par la faute de leurs parents et de leurs grands-parents qui ont voté contre l’intérêt général. Sans doute y a-t-il là aussi une détermination métaphysique : la vie fonctionne par cycles, et une période de déclin doit nécessairement suivre une période de croissance et préparer une nouvelle phase de ressaisissement. Ce n’est pas encore l’aube, c’est la nuit noire. Mais plus la nuit avance, plus les ténèbres s’épaississent, plus le moment du basculement vers un jour nouveau approche.

22 novembre 2010

Zola n'est pas un classique

      Je lis en ce moment, sur la suggestion d’un ami, Thérèse Raquin, un roman de jeunesse d’Emile Zola. Je n’ai jamais pu renter dans l’œuvre de Zola. J’avais lu L’Œuvre au lycée, sans enthousiasme. Quelques années plus tard, j’ai tenté de lire Germinal, mais j’ai abandonné après quelques dizaines de pages, ce qui est très rare chez moi. Je ne pouvais pas aller plus loin, l’envie n’y était pas, cela m’ennuyait. Je me suis dit alors que décidément Zola n’était pas fait pour moi, que je devais me résigner à ignorer à jamais ce grand classique de notre littérature. Et puis, il y a quelques semaines, je me suis donc lancé dans Thérèse Raquin. Et, à nouveau, je ressens un blocage, presque de la répulsion face à ce livre. Quel est donc mon problème avec Zola ? Je vais tenter d’expliquer la cause de ce rejet.
       Ma conception de la littérature est une conception classique. Par « classique », j’entends la conception suivante : exprimer ce que l’on a à dire de manière brève, élégante si possible, en s’attachant toujours à la propriété des termes, dans le double dessein de plaire au lecteur et de le faire réfléchir. Il s’agit d’un idéal de concision, de clarté, d’équilibre et d’harmonie. Un tel idéal, en raison de sa nature même, requiert des sujets empreints d’une certaine noblesse. La Fontaine, Racine, Voltaire sont des auteurs classiques par excellence. Or, l’esthétique de Zola est aux antipodes de celle-ci. En ce qui concerne les sujets, ce qui lui plaît, c’est de représenter non pas des choses belles ou piquantes, mais des chose vraies. Il met une certaine complaisance à décrire des endroits insalubres, sales et malodorants, ainsi que des êtres maladifs et pervers. En ce qui concerne la forme, il n’a aucun souci d’harmonie ou de concision. Il s’étale longuement sur ce qui lui semble significatif, alors que le classique passe outre dès que son lecteur a compris de quoi il s’agissait. Oh, je ne nie ni l’intelligence de Zola, ni ses dons d’observation, ni les qualités de son style, toujours ferme et assuré. Je ne nie surtout pas son énergie et sa formidable capacité de travail. Mais il y a dans le naturalisme quelque chose qui s’oppose directement à l’idéal classique, et je dirais même au génie de la nation française, lequel est directement relié à la simplicité et au rationalisme de l’Antiquité. Zola est sans aucun doute une grande conscience de son époque, il est peut-être un grand écrivain, mais il n’est sûrement pas un classique.