13 mars 2013

Renan : La Vie de Jésus

 
       Lu La Vie de Jésus, d’Ernest Renan, avec beaucoup de plaisir et d’intérêt. Renan n’a pas bonne réputation. Nietzsche le détestait, Gide ne supportait pas son style empreint de « mollesse ». Force est de reconnaître que toutes ces critiques ne sont pas totalement infondées. Il y a une onction tout ecclésiastique chez cet ancien séminariste, une certaine langueur de la phrase et de la pensée (avec une profusion de termes vagues comme « l’a- mour », « l’infini », « les siècles », etc.) qui, certes, ne constituent pas la meilleure des écoles qui soient en ce qui concerne l’art d’écrire.  
      Mais malgré ces défauts, je ne peux pas me défendre d’une grande sympathie pour cette race de penseurs un peu oubliés qui, comme Renan, n’aspiraient pas à se distinguer, mais simplement à exprimer ce qu’ils pensaient. Quand on lit Ernest Renan, Émile Faguet, tous ces professeurs honnêtes et consciencieux de la fin du dix-neuvième siècle, c’est un peu comme si l’on avait une conversation avec eux. Ils s’attardent sur les idées qui leur sont chères, étalent partout leurs propres sentiments, leur propre personnalité, n’économisent ni l’encre ni le papier. Il en résulte une impression de bonhommie, de naïveté parfois, d’humilité aussi, qui n’est pas du tout déplaisante. On revient vers leurs ouvrages comme vers de vieux compa- gnons, affables et un peu trop bavards... L’esprit d’objectivité scientifique devait fatalement se soulever contre une telle manière d’envisager les sciences humaines. On sait ce qu’il en est résulté au vingtième siècle : le charabia, la glose, l’orgueil. Comme souvent, la réaction a causé plus de dégâts que le mal, et l’on ne peut s’empêcher de penser, en considérant cette évolution, qu’il vaut encore mieux être un dilettante sincère et passionné plutôt qu’un expert formaté et complètement à côté de la plaque.

4 commentaires:

  1. Ah, une petite chronique littéraire, ça faisait longtemps et je dois dire que ça me manquait, car vous excellez dans ce domaine, cher Laconique.
    Je me fie d'ailleurs les yeux fermés à votre avis : celui-ci a le pouvoir d'initier une de mes prochaines lectures ou de m'en détourner. Pour vous dire quelle influence vous avez sur l'insoumis Marginal Magnifique !
    En plus, je ne connais pas du tout Renan, alors, hormis wikipedia, il ne me reste plus que l'excellentissime et flamboyant "Goût des lettres" pour éclairer ma faible lanterne.

    Vous donnez ici vos impressions de lecture en une langue claire et agréable et vous parvenez parfaitement à nous les faire ressentir. Vous ne vous étendez pas sur le fond et la manière de Renan de le traiter, ce qui est bien agréable, et évite de sombrer dans ce qui pourrait se rapprocher d'une lourdeur universitaire, par trop rébarbative et coupée de l'humain, en l'occurrence la cohorte toujours plus prodigieuse de vos lecteurs innombrables.

    Ainsi, cher Laconique, je comprends parfaitement ce que vous voulez dire au sujet de la "sympathie" que vous entretenez pour "cette race de penseurs un peu oubliés qui, comme Renan, n’aspiraient pas à se distinguer, mais simplement à exprimer ce qu’ils pensaient" au point qu'on a le sentiment de leur faire "la conversation".
    Moi aussi, en bon anachorète, j'apprécie ce genre d'ouvrage qui nous permet de nous colleter avec des types brillants plutôt qu'avec nos semblables, ce qui pose ensuite le problème du retour à la vie réelle et de son corollaire, la fréquentation des blaireaux de tout poil sans une once de réflexion qui nous entourent. Mais ceci est une autre histoire, cher Laconique...

    Reste à savoir maintenant si vous m'avez donné envie de lire cette "Vie de Jésus". Éh bien, disons que vous ne m'en avez pas dégoûté, cher Laconique, je serais même tenté d'y jeter un œil pour tout vous dire, et pourtant vous savez à quel point Le marginal Magnifique n'est pas fan des œuvres ayant trait de près ou de loin à la religion.
    Je ne suis pas un passionné de la question comme vous, cher Laconique, que voulez-vous sans doute faut-il en chercher les raisons dans nos primes enfances, lorsque vous faisiez avec ferveur votre catéchisme pendant que moi me droguais devant les premières consoles de salon ou m'envoyais toutes sortes de films interdits pour mon âge.
    Cependant, bien entendu, je reste ouvert, cher Laconique, un peu à l'image d'une chatte rutilante de jeune pucelle nouvellement titillée. Vous êtes là pour me faire découvrir de nouveaux territoires moins débridés que ce que je parcours habituellement et vous en sais gré.

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  2. Oui, cher Marginal, un peu de critique littéraire ne fait pas de mal, après tout c’est la vocation première de ce site ! Je remarque d’ailleurs en passant que, parmi les excellents liens dont vous avez enrichi votre commentaire, vous avez inséré, à côté de l’incontournable Marginal magnifique , celui du Goût des lettres (et ce n’est pas la première fois d’ailleurs). Ma foi, je vous remercie pour cette promotion que vous m’offrez, mais je me pose quand même une question : à quoi cela sert-il de mettre un lien du Goût des lettres alors que l’on se trouve déjà sur le site du Goût des lettres ? On aurait beau indiquer cent fois sur ce site la voie du Goût des lettres , mes innombrables lecteurs, comme vous le dites si justement, ont bien trouvé ce chemin d’une manière ou d’une autre, puisqu’ils sont sur Le Goût des lettres , et cliquer sur un tel lien ne ferait que les ramener là où ils sont déjà… Vous avez inventé un concept, cher Marginal : le lien tautologique ! Bien plus utiles (et avantageux pour vous, étant donné l’affluence considérable dont jouit ce site) sont les excellents liens que vous proposez vers les poèmes du Marginal magnifique . On ne peut en effet que souhaiter qu’un maximum de lecteurs découvrent vos textes, ce qui leur offrira à coup sûr, comme à la lecture du Priape magnifique par exemple, une expérience tout à fait originale, propre à renouveler toutes leurs conceptions du plaisir littéraire.

    Comme vous l’avez bien noté, je ne m’étends pas ici sur le fond de la « Vie de Jésus » de Renan. Ce n’est pas par paresse, je vous conjure de le croire, ni d’ailleurs pour ménager mes lecteurs qui, s’ils trouvent mes articles trop rébarbatifs, sont instamment invités à aller voir ailleurs si j’y suis, mais bien plutôt parce que je n’ai pas grand-chose à dire sur ce fond : Renan a raconté la vie du Christ de façon objective, en se basant sur les connaissances scientifiques de son époque, et il l’a fait de manière tout à fait honnête. Que demander de plus ? C’est plutôt son style qui porte la marque de sa personnalité, et c’est pourquoi j’en ai touché deux mots.

    Vous pouvez tout à fait vous lancer dans « La Vie de Jésus » si cela vous tente. Le style est clair, propre, c’est très agréable à lire, jamais obscur quoique très détaillé, et cela brosse un portrait du Christ comme une sorte de saint François d’Assise qui vous plairait je pense. Mais bon, comme je l’ai dit, c’est aussi bien redondant, et cela fait plus de cinq cents pages tout de même… Je sais que le temps du Marginal est précieux, et que, notamment, de nombreuses « ch… rutilantes » languissent après ses bons offices ! Il faut choisir, vous ne pouvez pas tout faire à la fois !

    Oh croyez-moi cher Marginal, j’ai passé bien plus d’heures devant les consoles de jeux vidéo qu’en cours de catéchisme ! Je suis loin d’être un capucin, contrairement à ce que mon intégrité morale incontestable pourrait laisser croire. Mais cet univers des religions me plaît car il est diamétralement opposé à celui des « blaireaux de tout poil » qui pullulent de nos jours. Disons que c’est ma façon à moi d’être un marginal !

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  3. Détrompez-vous cher Laconique ! Si je mets des liens du "Goût des lettres"
    sur l'excellentissime site du "Goût des lettres", c'est qu'il y a bien une utilité à mettre des lien du "Goût des lettres"
    sur le brillantissime site du "Goût des lettres" !

    Ce n'est pas pour orienter votre infini lectorat que j'insère dans mes commentaire des liens du "Goût des lettres" conduisant vers "Le Goût des lettres", puisque effectivement vos innombrables lecteurs connaissent bien le chemin qui mène au "Goût des lettres".

    En fait, et bien que "Le Goût des lettres" n'ait pas besoin de tels procédés pour attirer foule, il semblerait que les liens internes améliorent le référencement dans les moteurs de recherche, aussi ne voudrais-je pas priver un site aussi exceptionnel que "Le Goût des lettres" d'une visibilité améliorée et si, par la même occasion, je peux détourner une toute petite partie de la masse considérable de visiteurs qui transite sur le génial "Le Goût des lettres" et les amener sur "Le Marginal Magnifique", pourquoi m'en priverais-je ? Peut-être alors "Le Marginal Magnifique" pourra-t-il atteindre une notoriété aussi forte que "Le Goût des lettres"...

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  4. Vous me faites bien rire, cher Marginal ! Si c'est pour la bonne cause, alors allez-y, ne vous en privez pas ! On ne saurait en effet trop promouvoir Le Marginal magnifique et Le Goût des lettres !

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