8 septembre 2017

Khalil Gibran : Le Prophète


Lu Le Prophète, de Khalil Gibran. Cela faisait longtemps que je tournais autour de cet ouvrage, et je savais que je le lirais un jour ou l’autre. Livre difficile, ardu, par la constante position d’inconfort dans laquelle il place son lecteur. Je crois que le style de Gibran est particulièrement représentatif de ce que l’on peut appeler le langage littéraire, ou poétique : c’est une langue dans laquelle la liberté est totale à chaque instant, où l’on ne peut jamais deviner la fin de la phrase que l’on commence, où l’on se sent sans cesse suspendu au bord du vide, où chaque mot est un nouveau commencement. Cela donne des phrases comme celle-ci : « Assurément, il n’est pas de don plus grand pour un homme que de transformer toute ambition en lèvres brûlantes et toute vie en fontaine. » En cela, la langue poétique est à l’opposé de la langue sacrée, faite de formules limpides et aisément mémorisables, telles que : « O croyants ! courbez-vous, servez, adorez le seigneur ; faites le bien, et vous serez heureux. » (Coran, 22, 76).
Mais ce n’est pas seulement par son style que Le Prophète s’élève sur des cimes inhospitalières, c’est aussi par une pensée prodigieusement noble, ouverte, au rebours de tous nos conforts et de toutes nos petitesses. Le prophète de Gibran prône le dépassement de nos limites, la coexistence des contraires, l’union avec ce que la vie a de plus authentique. En somme, une vie invivable, une vie de saint, un don absolu de soi.
Ah ! prophète d’Orphalèse, je t’ai bien compris, mais qui peut t’entendre aujourd’hui ? Les paroles de ta voix furent comme un éclat resplendissant dans la lumière d’un été trop court, et maintenant que je m’enfonce dans les ténèbres d’un monde barbare, que pourrai-je emporter de toi, sinon l’amère certitude qu’il fut, autre part, autrefois, un homme dont les rêves, peut-être, n’auraient pas été indignes des miens ?

Citations

Quand l’amour vous fait signe, suivez-le, 
Bien que ses chemins soient raides et ardus.
Et quand il vous parle, croyez en lui,
Même si sa voix brise vos rêves comme le vent du nord dévastant un jardin.

Tous vos biens seront un jour distribués.
Donnez donc dès maintenant : que la saison du don soit vôtre et non celle de vos héritiers.

Le travail est amour rendu visible. 
Et si vous ne pouvez œuvrer avec amour mais seulement avec répugnance, il vaudrait mieux quitter votre travail et vous asseoir devant le portail du temple pour recevoir l’aumône de ceux qui œuvrent dans la joie.

Plus profonde est l’entaille découpée en vous par votre tristesse, plus grande est la joie que vous pouvez abriter.

Personne ne peut vous apprendre quoi que ce soit qui ne repose déjà au fond d’un demi-sommeil dans l’aube de votre connaissance.

Votre ami est vos aspirations comblées. 
Il est le champ que vous ensemencez avec amour et moissonnez avec gratitude.

Au cours de vos rêveries, vous ne pouvez vous élever au-dessus de vos réalisations, ni tomber plus bas que vos échecs.

La vie et la mort sont une, comme la mer et le fleuve sont un.

Mourir, qu’est-ce d’autre que se tenir nu sous le vent et se dissoudre dans le soleil ? 

3 commentaires:

  1. Que la lumière soit, cher Laconique ! Je suis un peu comme le Prophète de Khalil Gibran, sauf que ma poésie ne s'élève pas plus haut que mes burnes...

    J'ai moi aussi "tourné" autour de ce livre culte, mais sans jamais me laissé tenter, parce qu'il me fait penser à "L'alchimiste" de Coelho et que j'ai l'impression que je vais y trouver un lot de formules toutes faites un peu cucul la praline au sujet du bonheur et de la vie. Rien qu'en le feuilletant j'avais l'impression de bouffer des pâtisseries orientales trop chargées en miel...

    Hum, je devrai maintenant reconsidérer mes idées préconçues, vu que le puissant Laconique fait l'éloge de ce livre.

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    1. Oui, c’est vrai, cher Marginal, je vous comprends, notre époque n’est plus faite pour ce genre de littérature solaire, on veut du sombre ou du trash. Moi-même j’ai dû me forcer pour le lire. Mais j’ai pas regretté au final, je me suis senti tiré vers le haut, j’ai respiré un air plus pur. Mais bon, après c’est vrai que je retournais chez Stephen King… J’ai pas lu L’Alchimiste de Coelho, mais je sais que c’est inspiré du Prophète de Gibran. Que voulez-vous cher Marginal, il faut se faire un peu violence, si je m’écoutais j’en resterais à Iron Maiden et King

      En tout cas c’est pas du tout « culcul la praline », ça va contre tous nos conforts bourgeois, c’est assez gidien dans l’esthétique du dénuement.

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    2. Non, non, cher Laconique, ne vous méprenez pas, je suis pour les lectures positives, qui créent des sensations pures et simples en nous ! Mais je n'aime pas quand c'est trop sucré quand même.

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