23 avril 2020

Homère : L'Iliade, l'Odyssée



Fini l’Iliade d’Homère, ainsi que l’Odyssée, les deux célèbres épopées dont j’avais entamé la lecture parallèle il y a longtemps déjà (dans les traductions respectives de Robert Flacelière, Paul Mazon et Philippe Jaccottet). Lecture extrêmement intéressante. On sent le souffle de l’œuvre primordiale, destinée à traverser les siècles. Très grand plaisir de lecture, malgré des « tunnels » (surtout dans l’Iliade). Quelques observations :
- On connaît la formule de Victor Hugo : « Le monde naît, Homère chante.  » Il est tentant de considérer Homère comme un écrivain « originel », qui invente la poésie et le mythe à partir d’une page blanche. Ce qui m’a frappé au contraire, dans ces deux épopées, c’est le côté savant, la superposition visible des mythes et des légendes. Très fréquemment, dans l’Iliade comme dans l’Odyssée, le récit est interrompu par des parenthèses, des rappels d’épisodes passés, sans rapport direct avec la narration. On sent que les aèdes qui ont créé ces poèmes ont voulu en faire des sortes de « mémoriaux », qu’ils ont voulu greffer sur un tronc stable toutes sortes de récits, de généalogies, dont ils ne voulaient pas que la mémoire se perdît. Ces poèmes sont donc nés dans une société à la culture riche, complexe, ancienne, dans un monde vieillissant plutôt que dans un monde qui venait d’éclore comme la fameuse « aurore aux doigts de rose ».
- L’Odyssée est bien plus accessible que l’Iliade. Il y a entre les deux un peu le même rapport qu’entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans le texte le plus ancien ce sont surtout des enjeux collectifs qui sont traités, avec une grande attention aux rites, aux sacrifices, etc. Et dans le texte récent, l’individualité personnelle émerge, avec des préoccupations individuelles : la famille, l’histoire personnelle, etc. C’est pourquoi l’Odyssée est bien plus proche de nous, étonnamment proche même : on retrouve les thèmes du couple, de la séparation, de la fidélité, etc. L’Odyssée est optimiste, l’histoire se finit bien, tandis que l’Iliade est incroyablement pessimiste, un noir destin plane sur les personnages, sur Hector, sur Achille. Mais quelle grandeur dans ce texte ! Il y a là toute la douleur de la condition humaine, son côté absurde, l’horreur de la guerre, l’horreur de la mort, inévitable, brutale et irrémédiable. Et la douleur des survivants. Tout est déjà dit, il n’y a rien à ajouter, et aucun espoir consolateur, seulement le destin, inexorable pour chacun. Toute une civilisation pouvait naître à partir de ce seul texte, et c’est bien ce qui s’est produit.
- Je ne peux pas m’empêcher de comparer Homère et Euripide. Euripide est comme nous, il est moral, politique, il cherche à tirer un enseignement de chaque épisode, il généralise à outrance, il est rationnel et analytique. Rien de tel chez Homère, et c’est ce qui fait sa grandeur. On sent qu’il appartenait à une société moins sophistiquée, moins hypocrite, les rapports entre les hommes reposaient plus sur des valeurs que sur des lois et des règlements. Il est réaliste, il ne se réfugie pas dans la morale, il y a la situation et la manière dont on essaie de se débrouiller avec elle, et pas de monde abstrait des « Idées » qui recouvrirait le monde sensible. Et je trouve Homère plus agréable à lire. Euripide est prisonnier de son intrigue, tendu vers le dénouement, chaque réplique s’efface pour donner naissance à la suivante. Homère, lui, a les deux pieds dans le présent. Il prend son temps. Chaque épisode est vécu pour lui-même, se suffit à lui-même. Tous les possibles semblent rester ouverts, malgré le destin, malgré les annonces prémonitoires. C’est un autre rapport au temps. Le récit semble en train de s’écrire, on prend le temps des banquets, des sacrifices, du sommeil, des danses, de l’amour charnel, de toutes ces choses qui font le quotidien. C’est la substance même de la vie, et rien n’est plus vertigineux que de mesurer ce qui a changé, et ce qui demeure.
Il y aurait beaucoup de choses à dire sur Homère. Le texte a survécu, il a fondé une civilisation, la plus brillante civilisation de l’histoire humaine peut-être, et pourtant c’est un texte mort, qui ne régente plus la vie de personne, contrairement à la Bible. Que lui a-t-il manqué, pour que nous soyons « homériques », au lieu d’être chrétiens, juifs ou musulmans ? Platon se posait déjà la question à la fin de La République. Sans doute Homère était-il trop sauvage, et tout le monde ne peut pas être Alexandre le Grand – lequel, aux dires de Plutarque, dormait avec l’Iliade sous son oreiller.

4 commentaires:

  1. Bonjour.
    Deux mots sur Homère et l'Iliade.
    Hemœra est une Déesse dont le nom et l'histoire remplissaient l'Europe, qui joua un grand rôle en Grèce et particulièrement dans l'ancienne Achaïe. On confond Eôs, l'aurore, avec Hemœra, Déesse du jour ; elle a des ailes aux épaules, elle plane dans l'espace et verse la rosée sur la terre.
    De ce nom Hemœra, on fit, par la suite, un nom collectif : les Hemœrides, désignant les prêtresses de la grande Déesse. Dans de nombreuses inscriptions trouvées sur les bords de la Méditerranée, les Prêtresses sont appelées Mœres, d'où le mot Mère. Hemoera, c'est la mère spirituelle. Les Muses sont surnommées Moemonides.
    Il est facile de comprendre comment le nom fut altéré : en voulant le masculiniser, on remplaça l'article féminin He par l'article masculin Ho, et Hemœra devint alors Homeros (Homère). Ce fut tout simplement un changement de genre pour consacrer un changement de sexe.
    Donc, c'est par antithèse que de mœra, lumière, voyance, on fait d'Homère un aveugle.
    Le sujet de l'Iliade est la colère d'Achille. Or, pour qu'Achille ait été en colère, comme Médée, à propos de la conquête du pays par les hommes, il faut qu'Achille ait été, dans le poème primitif, une personne bien attachée à l'ancien régime gynécocratique. Du reste, on nous dit que sa Mère l'avait rendu invulnérable, excepté au talon, en le trempant dans le Styx.
    Or, nous savons que cette légende représentait alors la Femme « mordue au talon » par le serpent, qui représente l'homme vil, celui qui l'attaque lâchement, « par en bas », c'est-à-dire dans son sexe.
    Alors, Achille, c'est la Femme outragée ! On en fait...
    Suite : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/la-grece-antique.html
    Cordialement.

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    1. Bonjour Etirev. Mort aux hommes !

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    2. Bonjour Eritev. Je vous la mets dans le cul ou dans la bouche en premier ?

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    3. Lol. Etirev ne répond jamais, cher Marginal.

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