tag:blogger.com,1999:blog-2653333971365440152024-03-16T14:29:24.093+01:00Le goût des lettresLaconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.comBlogger361125tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-75834012188622347512024-03-13T18:30:00.002+01:002024-03-13T18:30:00.189+01:00Goku<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; line-height: 150%; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggEbypve2aj1O40sJqxJEaIUR56qwcTPsXNI0gl8-RIub_3Wt-oloJpVRDuhDyI-kKxGQGMsgCI8nff1w_Dn7ZbnP13DKkrSqk9NhdD558jh4NVCgFper_Zmek9i8M7hNzKMZDuM2ereuriyXbXrffhfkASLzaf0oJMB_q3niKcGjw13vhFbOTmT09L1Mu/s158/goku.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="148" data-original-width="158" height="148" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggEbypve2aj1O40sJqxJEaIUR56qwcTPsXNI0gl8-RIub_3Wt-oloJpVRDuhDyI-kKxGQGMsgCI8nff1w_Dn7ZbnP13DKkrSqk9NhdD558jh4NVCgFper_Zmek9i8M7hNzKMZDuM2ereuriyXbXrffhfkASLzaf0oJMB_q3niKcGjw13vhFbOTmT09L1Mu/s1600/goku.jpg" width="158" /></a>
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<div style="text-align: center; text-indent: 0px;">
Pastiche de Gérard de Nerval
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<div style="text-align: justify; text-indent: 0px;">
Je suis Gokù, – le Blond, – le Volant, – l’Orphelin,
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La Saïen justicier à la queue sectionnée ;
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L’innocente Bulma et le chauve Krilin
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Seuls virent les premiers chocs de ma destinée.
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J’ai vaincu, tu le sais, Paï-Paï et Tenshinhan ;
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Moi seul pus chevaucher le nuage magique ;
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Mon épouse Chi-Chi me donna Songohan,
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Fils maître comme moi du Kameha mystique.
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J’ai rencontré Kaïo au Royaume des morts ;
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J’ai conquis sur Namek le prix de ma souffrance ;
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Demain je vaincrai Cell sans peine et sans remords…
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Sache enfin, Végéta, que durant mon enfance
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J’ai trois fois réuni les boules de cristal
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Et du dragon Shenron crié le nom fatal.
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</span>
Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-12154796022976446192024-02-28T18:00:00.067+01:002024-02-28T18:00:00.205+01:00Considérations sur le déploiement historique du principe de singularité<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjwkA4a1K7mIYARQmw95ZWoQnnrvRJ1q6OLvXcxNKpyD57bV1hVKMLGppK4hYzt4MiaCuNvo1v7E-c8q2xEElqEULeiaQeiWxnv3-CtOQ4wPla4Qpk8HkwWNq7c466CJygz-AtzJKlpQaRnaPAVbYa7XV0hWWvoaW2ivxMk4ixqhB-M7gmRh-zdg0NB8iAs/s231/singularit%C3%A9%20licence.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="231" data-original-width="219" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjwkA4a1K7mIYARQmw95ZWoQnnrvRJ1q6OLvXcxNKpyD57bV1hVKMLGppK4hYzt4MiaCuNvo1v7E-c8q2xEElqEULeiaQeiWxnv3-CtOQ4wPla4Qpk8HkwWNq7c466CJygz-AtzJKlpQaRnaPAVbYa7XV0hWWvoaW2ivxMk4ixqhB-M7gmRh-zdg0NB8iAs/s16000/singularit%C3%A9%20licence.jpg" title="Considérations sur le déploiement historique du principe de singularité" /></a>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
La présente réflexion se propose d’étudier de façon purement <i>a priori</i> les modalités de manifestation du transcendant au sein d’un univers donné.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Il est bien évident que s’il n’y a pas de transcendant, si l’univers est la manifestation de son activité propre, d’un déploiement purement immanent de son essence propre, alors toutes les métaphysiques élaborées au sein de cet univers tendront à converger vers une doctrine unique, une doctrine de l’identité ultime de l’individu et du Tout. Au-delà des différences culturelles qui pourront affecter les multiples civilisations, les sages de tous les lieux et de toutes les époques se rejoindront sur ce constat immanentiste et métaphysique. Il n’y aura pas, en toute rigueur, de place, dans un tel univers, pour le singulier absolu, mais toutes les entités pourront être subsumées sous des catégories universelles dont elles tireront leur essence. En outre, une telle configuration impose nécessairement une disjonction entre la réalité perçue immédiatement (trivialement) et la réalité profonde et cachée du monde, d’où l’émergence, précisément, de doctrines de type « métaphysique ». Cette disjonction entre l’essence et la manifestation entraînera, chez ceux qui s’engageront dans cette voie de l’élucidation de la nature de l’univers, un type de comportement commun, visant à s’abstraire de la manifestation pour rejoindre l’essence, type de comportement qui impliquera un détachement de plus en plus radical à l’égard de la manifestation dans le but de réaliser l’unité primordiale, détachement universel que l’on peut désigner sous le terme générique d’« ascèse ». Dans cette hypothèse, toutes les entités individuelles, quels que soient leur culture d’origine ou leur milieu, qui aspireront à réaliser en elles cette unité métaphysique, devront s’engager dans ce comportement universel et normatif, dans cette ascèse.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Il est dès lors bien évident, si l’on envisage l’hypothèse opposée, celle d’un transcendant originel, que ce transcendant, s’il aspire à établir un dialogue avec sa création, ne pourra absolument pas s’engager dans la voie d’une métaphysique comparable aux innombrables métaphysiques naturelles, élaborées dans l’optique d’une immanence de l’univers. Il lui faudra, bien au contraire, s’il est vraiment le Transcendant, choisir la voie opposée, celle de l’arbitraire pur, de la pure liberté et de la complète gratuité. Or, la chose la plus arbitraire qui soit, la seule chose par conséquent propre à manifester une volonté extérieure à l’immanence de l’univers, c’est la législation. Dans cette hypothèse, la seule voie qui s’offre au transcendant est donc celle d’une <i>législation révélée</i>. Bien entendu, cette législation ne pourra jamais être purement individuelle, car dans ce cas l’arbitraire de l’entité individuelle ne pourrait en aucun cas être distingué de l’arbitraire du transcendant. Elle devra donc s’adresser à une communauté, à un « peuple », un peuple séparé des autres, qui sera porteur, au sein de l’immanence universelle et à travers l'histoire, de l’existence et de la volonté du transcendant. Nous aurons donc la mise en place d’une dialectique entre un peuple séparé, c’est-à-dire, étymologiquement, un « peuple saint », d’un côté, et les « nations » de l’autre. Cette dialectique entre le peuple saint et les nations sera génératrice d’une tension, d’une remise en cause de l’immanence et de toute métaphysique en général, qui témoignera de la présence du transcendant au sein de la création.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Il est bien évident que cette tension dialectique, comme toute tension dialectique, tendra nécessairement, à un moment ou à un autre, à une résolution, à un dépassement dialectique, à une réconciliation des deux pôles de tension au sein d’une synthèse supérieure. Il est absolument impossible de déterminer de façon <i>a priori</i> la forme que pourrait prendre ce dépassement dialectique. Le cas le plus extrême, sans doute, qui pourrait être envisagé, serait, puisque toute la démarche de révélation de la part du transcendant implique une volonté d’alliance entre ce Transcendant et l’entité individuelle, que le transcendant pousse cette alliance à son terme le plus absolu en adoptant la nature de l’entité individuelle. Il s’agit là, bien sûr, d’une hypothèse vertigineuse, celle d’une sorte « d’incarnation » du transcendant. En ce transcendant incarné, la totalité du principe de singularité serait préservée (ce qui implique une continuité et non une rupture), la réconciliation entre le transcendant et sa création serait opérée, et la dialectique entre le peuple saint et les nations se résoudrait de façon définitive.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Néanmoins, une telle hypothèse ne signifierait nullement la disparition, sur le plan historique, du principe de singularité introduit par le transcendant lors de sa révélation au peuple séparé. Bien au contraire, tant que durera la création, ce peuple séparé continuera à jouer son rôle prophétique de dissolution de toute métaphysique naturelle et de témoignage du transcendant. Ce rôle historique ne sera nullement remis en cause par l’Incarnation. Mais la pointe aigüe de témoin du transcendant et de moteur de l’avènement eschatologique des promesses du transcendant résidera nécessairement dès lors chez ceux qui se réclameront du dépassement dialectique opéré par le transcendant. Ceux-ci devront être à la fois porteurs du principe de singularité posé par le transcendant (c’est-à-dire de la liberté, par opposition à toutes les déterminations immanentistes), et de la réintégration de l’ensemble de la Création dans l’Alliance, laquelle constitue l’objet propre de ce dépassement dialectique.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Il résulte de tout ceci une conséquence bien évidente, c’est qu’il est rigoureusement impossible, pour ceux qui se réclament du dépassement dialectique, de s’en prendre au principe de singularité posé par le transcendant, et plus précisément à sa manifestation historique et concrète, c’est-à-dire au peuple saint. Il y aurait là, en effet, une négation absolue du transcendant, de la part de ceux qui se réclameraient de son Incarnation. Le dépassement dialectique n’est en effet nullement un retour à l’universalisme métaphysique des conceptions immanentes de l’univers, mais au contraire une sorte d’« exhaussement » de tout cet univers au niveau du principe de singularité. C’est là un point qu’il est absolument essentiel de comprendre. D’un point de vue purement historique et contingent, néanmoins, il est très probable que cette prise de conscience ne s’effectue pas aussi clairement qu’il serait souhaitable chez ceux qui se réclament du dépassement dialectique (quel qu’il soit). Mais il est évident qu’un retournement de ceux-ci contre le principe de singularité dont ils sont issus offrirait le triste spectacle d’un contresens complet quant à leur être même et à leur rôle eschatologique, et d’une trahison de la volonté et du message du Transcendant.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Il me semble que c’est là ce que l’on peut avancer de plus clair et de moins sujet à caution quant à la question délicate de savoir si l’on peut établir de façon <i>a priori</i> les modalités de manifestation d’un éventuel transcendant par rapport à un univers donné.
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Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-62836075530844144232024-02-15T18:00:00.015+01:002024-02-15T22:34:43.194+01:00Fragments, février 2024
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <i>Beau is afraid</i> : le problème de ce film, c'est qu'il viole une des lois fondamentales du cinéma, à savoir le strict respect de la <i>mimesis</i>. Le cinéma est beaucoup moins libre que la littérature à cet égard. Le spectateur a besoin de savoir que c'est bien la réalité qui lui est représentée, une version de la réalité, même si elle est fantastique (science-fiction, horreur). À cet égard, le cinéma s'est très peu affranchi de la photographie dont il est issu. Et le problème de <i>Beau is afraid</i>, c'est qu'assez vite on se rend compte que ce à quoi on assiste est une pure fantasmagorie, le délire d'un cerveau malade. Dès lors tout l'intérêt s'évapore, on n'adhère plus aux images puisqu'on a saisi leur caractère gratuit, arbitraire, imaginaire et pathologique. Et le film s'effondre littéralement sur lui-même. C'est vraiment là une des règles d'or du cinéma, règle respectée de façon scrupuleuse par Kubrick par exemple (qui limitait les séquences de rêve et de délire à de courts flashs) : le cinéma doit représenter la réalité, une version de la réalité, il est l'art de la réalité (cf. Ellul, <i>La Parole humiliée</i>).
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Le cinéma est un art de voyeurs (Hitchcock, Kubrick). Il faut <i>voir</i> les choses. Le symbolisme, la métaphore ne lui sont pas permis (ou alors de façon subliminale, superposée au réel, comme chez Hitchcock, mais jamais à la place du réel).
</div>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Ce qui s'est passé, entre Spinoza et Nietzsche, c'est la grande révolution musicale, illustrée en particulier par Mozart. Spinoza pense encore dans un monde de purs concepts, un monde simple et droit, un monde sans musique. La pensée chez lui se déploie purement et librement, nul tourment lyrique ne la trouble. Entre lui et Nietzsche, tout un univers musical s'est déployé, Mozart, Beethoven, Chopin, Wagner, etc. La pensée a perdu à la fois son innocence et sa simplicité. Elle est travaillée par quelque chose d'extérieur à elle, d'antérieur à elle, par l'inexprimable, par l'inquiétude. C'est ce qui explique l'accent de douleur rentrée qui émane de chaque phrase de Nietzsche. Le vieux Platon l'avait déjà vu de son temps : c'est la musique qui précède et qui détermine toute chose, et toute pensée de la sérénité, de la quiétude, de la certitude, ne peut être qu'une pensée amusicale, antimusicale (défiance de Platon à l'égard des artistes en général).</div>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Ce qui a totalement disparu du champ intellectuel contemporain, c'est la grande pensée métaphysique traditionnelle (grecque, allemande, indienne), cette immémoriale pensée holistique, spiritualiste, pessimiste, dont Platon, Schopenhauer et la Bhagavad-Gîtâ constituent sans doute les expressions les plus abouties. L'esprit libéral anglo-saxon a totalement triomphé de l'esprit païen germanique à cet égard. En dernier ressort, c'est la victoire de la conception biblique du monde (individualisme, anti-idéalisme, liberté) sur la métaphysique ancestrale.
</div>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Ce qui a été si traumatisant dans le moment Sarkozy, c'est que ça a vraiment été le moment du triomphe assumé de l'irrationalité. C'était quelque chose d'inconcevable auparavant. Pour la première fois, et je l'ai vu dans mon entourage, les gens assumaient clairement de se prononcer, dans le domaine politique, sur des critères purement émotionnels. On préférait avoir tort avec Sarko qu'avoir raison avec Royal ou Bayrou. Parce que Sarko leur « donnait des émotions ». Et ce qui est vraiment tragique, c'est que c'est un fonctionnement qui n'a jamais cessé depuis, qui s'est révélé irréversible. La plupart des gens, la plupart des médias, ne sont jamais remontés dans le train de la rationalité, la réactivité émotionnelle s'est inscrite en eux comme leur posture de base face à l'existence.
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Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-70618847813830982792023-10-11T18:30:00.004+02:002023-11-26T20:34:31.338+01:00Conversation au bord de la rivière<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgJJaBLQn3sDhwTXRMgAxO_KmSSnovIbIS04sfG8QGfOPJdPXb67Uica_B5tZL_nNSG36yjJ96hcbvNG2vHCytGsv9GKj9-wWTJ11EJyCpw80OK2rHjvs2B5XZbyMKT5c-HfbEN6IQaditqtcAFJN2UvXkEu4WIQRPZ3OFo7-xvZm6zbp_JPWJYGYhXB9_Y/s337/clairiere2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="225" data-original-width="337" height="214" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgJJaBLQn3sDhwTXRMgAxO_KmSSnovIbIS04sfG8QGfOPJdPXb67Uica_B5tZL_nNSG36yjJ96hcbvNG2vHCytGsv9GKj9-wWTJ11EJyCpw80OK2rHjvs2B5XZbyMKT5c-HfbEN6IQaditqtcAFJN2UvXkEu4WIQRPZ3OFo7-xvZm6zbp_JPWJYGYhXB9_Y/w320-h214/clairiere2.jpg" title="Conversation au bord de la rivière" width="320" /></a>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Je discutais l’autre jour avec un vieil ami paysan. Nous étions tous les deux assis au bord de la rivière, sous les ombrages, dans une belle fin d'après-midi d'octobre. Au bout d'un moment, il raffermit sa canne à pêche dans sa main droite, ôta sa pipe de sa bouche, puis : « Cela fait vingt ans que je te connais, me dit-il. Tu réfléchis trop. Sais-tu quel est le premier verset du <i>Yoga-Sutras</i> de Patanjali ? « Le Yoga est l'arrêt de l'activité automatique du mental. » « L'arrêt de l'activité automatique du mental. » Tu entends ? Voilà en quoi consiste la quintessence de la sagesse selon la plus ancienne et la plus noble tradition spirituelle du monde. Toutes tes grandes pensées ne sont que des flux pathologiques, parasites, comparées à la grande quiétude du sage véritable. On trouve la même injonction, mille fois répétée, chez Tchouang-tseu : « Pour connaître le Tao, dit-il, on ne doit ni penser ni réfléchir. »
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Tu ne connais pas la nature, tu es un homme de bibliothèques. L'intelligence a son rôle dans la nature, bien sûr, mais elle n'apparaît que très tardivement, pour des tâches périphériques, subalternes, ce n'est pas du tout le noyau de l'être. Un être vivant peut vivre sans cerveau, c'est un organe secondaire, qui est apparu très tard dans l'évolution, et qui cause souvent beaucoup plus de problèmes et de dysfonctionnements qu'il n'en résout. Il consomme énormément d'énergie, demande de longues heures de sommeil pour récupérer, son développement prolonge la durée de la grossesse sur des mois, celle de l'enfance sur des années entières. À tous égards, du point de vue de la nature, c'est un outil extrêmement coûteux. C'est la fleur de l'être, son produit ultime, mais l'essence de la vie se situe ailleurs.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« J'ai fait des études avant de me retirer à la campagne, et j'ai pu constater que la grande majorité des troubles qui rendent certaines personnes insupportables provient uniquement d'un usage excessif du cerveau et de l'intelligence. Les gens pensent trop, et mal. Ils s'imaginent que c'est gratuit de penser, que cela ne coûte rien, que cela n'engage à rien. Ils se trompent. La pensée est le portail de toutes les calamités, de tous les malheurs du monde. « La pensée précède toutes choses, déclare le Bouddha dans le <i>Dhammapada</i>. Elle les gouverne, elle en est la cause. Qui parle ou agit avec une pensée mauvaise, la souffrance le suit pas à pas, comme la roue suit le sabot du bœuf. »
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Arrête de penser, arrête de réfléchir. Tu t'en trouveras mieux, je t'assure.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Tu aurais d'ailleurs tort de t'imaginer que tout ce que je te dis là est uniquement issu de la sagesse orientale. On trouve le même enseignement dans la Bible. Pour la Bible, l'homme est centré autour de ce qu'elle appelle le « cœur », qui est le noyau de l'être. C'est de lui qu'il faut prendre soin avant tout. « Plus que sur toutes choses, veille sur ton cœur, c'est de lui que jaillit la vie », déclare l'auteur du prologue du livre des Proverbes (Pr 4, 23). À de nombreuses reprises l'Écriture fait l'éloge de « l'esprit d'enfance » : « Seigneur, je n'ai pas pris un chemin de grandeurs, ni de prodiges qui me dépassent. Non, je tiens mon âme en paix et en silence, comme un petit enfant contre sa mère. Comme un petit enfant, telle est mon âme en moi » (Psaume 131). Et Jésus enseigne à ses disciples qu'à moins de devenir semblables à des petits enfants, ils ne pourront pas entrer dans le Royaume des cieux (Lc 18, 16).
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Arrête donc de te creuser autant la tête. Moi aussi, lorsque j'étais jeune, j'ai beaucoup réfléchi sur la question de la réalité des Idées platoniciennes, ou sur celle de l'objectivité de la loi morale. Toutes ces grandes questions métaphysiques ne font que t'éloigner de ta nature véritable, que tu n'accompliras pas à travers la réflexion, mais par la juste subordination de toutes tes facultés à ton centre véritable, qui se situe dans le silence du cœur. »
</div>
</div>
</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-6674923087571454812023-09-13T18:30:00.013+02:002023-09-15T13:06:19.580+02:00Considérations sur la notion de concept<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhCFZxaGRarF5K8scspGxan4vlTHPGD_SAFAfAO69PQVHHqrr58hM7cPrLCoCM_QCOsTea1AIaeOYCXGBHLuWNlzLYJJ4x0hEn2INWh0NcWW9ec8dRud10ttv8JYZe85_iXFdafNhrKq8XXEbl9JXqlf606wtHy2Fkjda21bbu7kVDm1jUI2EAJo18ZN3w8/s275/matrix.jpg" style="display: block; padding: 1em 0px; text-align: center;"><img border="0" data-original-height="183" data-original-width="275" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhCFZxaGRarF5K8scspGxan4vlTHPGD_SAFAfAO69PQVHHqrr58hM7cPrLCoCM_QCOsTea1AIaeOYCXGBHLuWNlzLYJJ4x0hEn2INWh0NcWW9ec8dRud10ttv8JYZe85_iXFdafNhrKq8XXEbl9JXqlf606wtHy2Fkjda21bbu7kVDm1jUI2EAJo18ZN3w8/s16000/matrix.jpg" title="Considérations sur la notion de concept" /></a>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Il semble que la capacité à former des concepts soit la principale caractéristique de la pensée abstraite. Le concept occupe de ce fait une place centrale dans toute théorie de la connaissance. Mais cette notion peut prêter à équivoque.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
En considérant les choses de près, on peut distinguer deux sortes de concepts :
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Les concepts <i>post res</i>. C’est la forme la plus commune de concepts, celle qui subsume la multiplicité issue du donné sensible sous l’unité du concept intelligible. Par exemple, toutes les chaises du monde peuvent être subsumées sous le concept unique de « chaise », qui en contient toutes les caractéristiques « essentielles ».
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Les concepts <i>ante res</i>. Ce sont les abstractions pures. Par exemple, la « justice », la « vertu », la « charité », ne correspondent à aucune entité sensible, isolable matériellement. Elles renvoient à des notions purement intelligibles.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
La pensée conceptuelle, à son niveau le plus élémentaire, semble apparaître très tôt, dès les stades les plus précoces de la vie intellectuelle. Un bébé peut former le concept de « biberon », puisque ses réactions physiologiques d’anticipation seront identiques quel que soit le biberon qui lui sera présenté, indépendamment de la singularité matérielle de ce dernier. De même, un chat saura reconnaître le concept de « sachet de croquettes pour chat », puisqu’il réagira de façon identique face aux différents sachets de croquettes pour chat qu’il pourra appréhender.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
La question fondamentale concerne la réalité effective des concepts, des concepts <i>ante res</i> mais aussi des concepts <i>post res</i>. En effet, rien ne prouve que la multiplicité des « chiens » présents dans le monde soit subsumable sous le concept unique de « chien ». En réalité nous pouvons avoir affaire à autant d’individus uniques, non superposables, et le vocable de « chien » ne serait alors rien d’autre qu’une convention de langage ne renvoyant à rien de réel.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
On déduit aisément les risques qui peuvent découler de tout ceci pour la pensée abstraite. Celle-ci, tributaire du concept, risque fort d’être inapte à saisir la réalité de l’expérience vécue, et de n’être par conséquent qu’une mécanique arbitraire mettant en jeu de pures conventions de langage, vides de contenu ; c’est-à-dire que toute la pensée, considérée dans son rapport effectif au monde en soi, risque fort de n’être que pure vanité, pure illusion. De fait, nous l’avons dit en commençant, le concept se trouve au fondement de toute pensée abstraite, il en est inséparable, au point que « concept » et « pensée abstraite » sont proprement des synonymes.
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Le concept semble même indispensable pour s’orienter dans la vie considérée dans ses manifestations les plus concrètes, les plus immédiates. Il est évident qu’il faut bien former le concept de « porte » pour franchir une porte !
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Ceci ne vaut pas que pour les concepts <i>post res</i> (empiriques). La capacité à former des concepts <i>ante res</i> (abstraits) et à y conformer son comportement, en dépit des sollicitations sensibles, semble indissociable de la faculté que nous nommons « liberté ». Dans une situation de colère, d’irritation extrême, pouvant déboucher sur de la violence physique, la représentation, au sein de la conscience du sujet, du concept de « vertu », ou de « maîtrise de soi », ou de « crainte du Seigneur », ou de « répercussions pénales », peut amener le sujet à modifier son comportement, c’est-à-dire qu’un concept purement abstrait entraîne un changement matériellement constatable dans la chaîne des déterminations causales, envisagée sous son aspect le plus sensible.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Si l’on considère que le concept est une pure convention ne renvoyant à rien de réel, cela signifie que c’est bien l’illusion qui détermine tous les aspects de notre vie, des plus basiques aux plus élaborés. En particulier, cela veut dire que toute forme de discours abstrait n’est que pure gratuité, pure vanité, arbitraire pur, ne renvoyant à rien de correspondant dans le monde en soi.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Et si l’on considère, au contraire, que le concept est quelque chose de réel, alors cela signifie que toute notre vie sensible n’est pas d’une autre texture que celle des rêves, puisque nous passons notre existence à nous déterminer en fonction d’objets sensibles et particuliers, lesquels, sous cette hypothèse, n’ont à leur tour rien de réel, puisque leur essence se trouve entièrement comprise dans le concept qui les subsume. Dans ce cas, ce sont bien les platoniciens qui ont raison, et l’attitude la plus sensée consisterait à se dégager de la multiplicité sensible pour ne considérer que la pure unité essentielle des choses. On pourrait alors envisager une sorte de gradation des concepts, orientée dans le sens d’une essentialisation ascendante, avec au sommet une sorte de « Bien » platonicien ou d’« Un » plotinien. Il va de soi qu’une telle conception de l’existence s’oppose en tous points à toutes les expressions de la vie contemporaine, sous quelque forme qu’on l’envisage.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
La notion de concept pose donc un gigantesque point d’interrogation sur toute notre appréhension de la réalité. C’est une grande marque de la miséricorde divine d’avoir fait en sorte que si peu de gens se sentent concernés par ce problème, car celui-ci, envisagé dans toute sa pureté et en toute lucidité, remet radicalement en cause toute la conception que nous pouvons nous faire de la pensée et de la vie.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-45466092431071211882023-08-17T18:30:00.007+02:002023-08-17T21:33:21.256+02:00Journal de lecture : août 2023<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjJTHdpOwO649dhIck2N5ZKmqv908o4IfKXgofWVSi-ETTXq4bYD0_cl_52BB6cKjcLA4qyNpjulDaQJ8quTUs_g0EY-qrcqT2-CQBvbKvv26HIZv3z3hlZarI4CkMzdwADQdRgeWlCdwJaXgGf1F337p-QtdsaiNb4K_MRfUoX_zcQt9Ife3cWRgWKTwwR/s244/ligne%20verte3.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="244" data-original-width="150" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjJTHdpOwO649dhIck2N5ZKmqv908o4IfKXgofWVSi-ETTXq4bYD0_cl_52BB6cKjcLA4qyNpjulDaQJ8quTUs_g0EY-qrcqT2-CQBvbKvv26HIZv3z3hlZarI4CkMzdwADQdRgeWlCdwJaXgGf1F337p-QtdsaiNb4K_MRfUoX_zcQt9Ife3cWRgWKTwwR/s16000/ligne%20verte3.jpg" title="Stephen King : La Ligne verte" /></a>
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- Lu <i>Quelques mois dans ma vie</i>, de Michel Houellebecq, court essai dans lequel l’auteur se justifie du scandale para-sexuel dans lequel il a été plongé au début de l’année. Ouvrage extraordinairement glauque, qui en dit long sur les idéaux de celui qu’une certaine droite (le Figaro) considère comme le grand écrivain, le grand penseur de notre époque. L’auteur nous apprend notamment que deux partenaires sont indispensables pour atteindre simultanément avec leur langue certaines parties de l’anatomie masculine, pratique qui seule permet au mâle, lorsqu’elle est convenablement exécutée, de s’élever aux « sommets du bonheur terrestre ». Il est vrai que de telles analyses méritaient bien un prix Nobel… Ouvrage rempli d’une haine étonnante à l’encontre d’à peu près tout le monde, de ses comparses néerlandais (à savoir « le Cafard » et « la Truie »), de Michel Onfray, des journalistes, des juges, des catholiques, de Picasso, de lui-même, etc. Étrange naïveté d’un homme qui a manifestement perdu depuis longtemps tout contact avec la société réelle. Comme toujours avec Houellebecq, un mélange de sincérité absolue et de maîtrise baudelairienne de la langue, un sens de la formule, qui rendent malgré tout la lecture fort plaisante.
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- Lu <i>Il était une fois à Hollywood</i>, l’adaptation romanesque par Quentin Tarantino de son propre film, sorti en 2019. Ouvrage étrange, d’une érudition obsessionnelle quant au petit milieu hollywoodien des années 60. Des dizaines, des centaines, des milliers peut-être de noms propres jetés à la figure du lecteur, sans que l’on sache bien ce que cela apporte vraiment (étrangement celui de Kubrick manque, le signe d’un complexe d’infériorité ?). Je soupçonne Tarantino d’avoir voulu prouver au monde (et se prouver à lui-même) qu’il y avait tout un univers derrière son film, univers dont celui-ci n’avait pu dévoiler qu’une infime partie. Donc là Tarantino nous livre la totale, avec en particulier une narration interminable de la trame de <i>Lancer</i>, le feuilleton dans lequel joue son personnage Rick Dalton, sorte de récit dans le récit qui fonctionnait plutôt bien au cinéma, mais dont on a du mal à percevoir l’intérêt dans le roman. Une certaine impression générale de superficialité, même si c’est un peu le sujet du livre. Pas mal de complaisance aussi : Tarantino semble considérer qu’Hollywood est le centre du monde, et il ne fait pas beaucoup d’efforts pour intéresser ceux qui ne partagent pas son avis. Malgré cela, d’indéniables qualités : le sens du dialogue (sa marque de fabrique), un souffle indéniable, une véritable immersion dans le monde déjanté et crépusculaire qui nous est dépeint.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Relu <i>La Ligne verte</i> de Stephen King, avec plaisir et intérêt. Il y a là tout Stephen King, à la fois le meilleur et le pire. Le meilleur : la narration, d’une fluidité incomparable, la cohérence et la richesse de l’univers romanesque, dans lequel on plonge complètement, et cette petite voix si unique de King, qui nous prend par la main à la première page et qui ne nous lâche plus jusqu’à la dernière. Le meilleur donc, mais aussi le pire, en particulier le manichéisme (les méchants sont très méchants, les gentils très gentils), un certain moralisme familial typiquement anglo-saxon (ah ! la famille, qu’y a-t-il de mieux dans la vie ?). Malgré tout un grand livre, un monument romanesque, bien supérieur au film emphatique et larmoyant qui en a été tiré.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com9tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-83712494923650785802023-07-27T18:30:00.009+02:002023-07-27T23:20:16.140+02:00Considérations sur les émeutes de juin 2023 en France<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Je discutais l’autre jour avec un ami socialiste.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« As-tu lu Michelet ? me demanda-t-il. Je lisais récemment des passages de son <i>Histoire de la Révolution française</i>. Il est frappant de voir à quel point la féminisation du corps électoral a transformé notre façon de considérer la politique. Chez Michelet, on a l’impression de voir ressurgir les hommes de Plutarque, des hommes inspirés, habités par leurs idéaux, prêts à sacrifier leur vie pour ces idéaux : la Justice, le Peuple, la Nation. Des saints laïques, directement reliés au transcendant. Et telle était bien la façon dont on concevait la politique jusqu’en 1945. Aujourd’hui, les femmes ont le droit de vote, et de quoi parle-t-on ? De pouvoir d’achat. De sécurité. De retraites. Attention, je ne dis pas que les facteurs matériels aient été absents par le passé. On sait le rôle joué par les pénuries de pain lors du déclenchement de la Révolution. Mais on n’en restait pas là, le constat de l’aliénation matérielle débouchait très vite sur l’abstrait, sur l’intelligible, sur l’idéal, c’est-à-dire sur la liberté. Aujourd’hui, on ne dépasse guère le niveau des préoccupations les plus basses, les plus élémentaires.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Mais je ne veux pas m’attarder sur ce sujet, je ne veux pas polémiquer, ma réputation dans ce domaine est déjà faite de toute façon. Non, je voudrais plutôt aujourd’hui revenir sur ces émeutes urbaines que nous avons connues il y a quelques semaines en France. Leur ampleur a surpris tout le monde et a bien montré que quelque chose de profond couvait, quelque chose qui dépasse le stade du circonstanciel, de l’accidentel.
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« Que faut-il pour être doté d’une authentique conscience révolutionnaire, et pour l’exprimer non seulement par des paroles, mais par des actes ? Il faut avant tout être affranchi des déterminations conservatrices et réactionnaires, des forces qui nous font souhaiter que le monde continue d’aller comme il va. Je vais arrêter de tourner autour du pot et t’exposer directement ma thèse. Je pense que le Français de base, « le Français de souche » comme on dit, est dorénavant inapte à toute conscience révolutionnaire, parce qu’il est irrémédiablement lié par la double détermination de notre société : l’aliénation sentimentale d’une part, l’aliénation technicienne de l’autre. C’est cela qu’il veut, c’est cela son horizon, et il est désormais incapable de porter son regard au-delà. La Révolution, si elle doit advenir, devra venir d’ailleurs, d’autres éléments de la population.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Examinons cela de plus près.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« J’ai été jeune, et j’ai vu ce qui aspire toute l’énergie, toutes les préoccupations des jeunes blancs de notre société, des garçons et des filles. Je n’ai connu aucune exception à la règle. Maintenant, prenons le cas d’un jeune de banlieue, d’un jeune Maghrébin, pour être encore plus précis. Il sait bien qu’il est plus ou moins exclu du jeu en la matière, il pourra se débrouiller comme il pourra, mais enfin socialement et culturellement il sera toujours désavantagé, il ne constituera jamais une option de premier choix pour la petite bourgeoise blanche, le centre de ses préoccupations devra se situer ailleurs. Il suffit d’ailleurs d’écouter la production musicale pour saisir ce que je veux dire : tu noteras que les rappeurs sont à peu près les seuls à intégrer une dimension sociale à leurs chansons, tous les autres, tous les « Français de souche », toutes nos Jenifer et tous nos Calogero, ne parlent que de romance, encore et toujours. Le jeune de banlieue est donc relativement libre par rapport à cette première détermination.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Passons maintenant à la technique. J’ai travaillé dans l’administration, j’ai vu comment cela se passe. La classe moyenne n’en a peut-être pas vraiment conscience, mais elle attend dorénavant son salut de la technique, et de la technique uniquement. Tous les problèmes, tous les enjeux doivent se ramener au bout du compte à facteurs d’ordre technique, et c’est par la technique qu’ils seront résolus, que ce soit dans le domaine de la médecine, de la sécurité, de la culture, du social, etc. Il faut écouter le langage des salariés, des entreprises, des fonctionnaires : le jargon technique a tout recouvert, il a complètement chassé la prise en compte des valeurs, des idéaux et des abstractions. Ici encore, le jeune de banlieue est plutôt préservé. Certes, il peut trifouiller son iPhone comme tous les autres. Mais en fin de compte, au fond de lui, et contrairement à Elon Musk et à tous les occidentaux bien intégrés dans la société, il n’attend pas son salut de la technique : là aussi il est plus ou moins exclu du jeu, c’est ailleurs, c’est sans lui que les choses sérieuses se passent.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Le Français moyen n’a donc aucun intérêt à vouloir la Révolution. Il veut que les forces dominantes se perpétuent. Il veut « être en couple », il veut fonder sa petite famille et lui consacrer ses week-ends. Et il veut sa 4G, sa fibre optique, sa voiture hybride, ses artefacts techniciens qui lui assurent qu’il se trouve bien dans le sens de l’Histoire. Et toute notre société, toute notre éducation ne visent qu’à perpétuer ces deux puissances. Lorsque l’on éduque les jeunes à notre époque, c’est pour cela, exclusivement : pour qu’ils s’épanouissent dans le complexe sentimentalo-émotionnel d’une part, pour qu'ils s’intègrent dans le système technicien de l’autre. Pour le jeune de banlieue, et pour lui seul, les écailles sont tombées des yeux. Lui seul il voit les choses telles qu’elles sont, lui seul il n’est pas engagé dans la mécanique émotionnelle et technicienne. As-tu remarqué la nature des établissements qui ont été brûlés lors de ces nuits de juin et de début juillet ? Des écoles, des bibliothèques, des maisons de quartier, des centres de loisir pour la jeunesse. Et des grandes surfaces, des magasins de high-tech. Les Français moyens ont été scandalisés. Mais en regardant les choses de près on peut constater que les émeutiers ont fait preuve d’un instinct très sûr en ce qui concerne les cibles de leurs dégradations. Ils se sont attaqués à tout ce qui alimente et perpétue le modèle de notre société, un modèle dont ils sont exclus. Pour le Français de base, attaquer une école, c’est attaquer quelque chose de sacré. Mais il faut aller au bout du raisonnement. L’école est sacrée pour nous, non parce qu’elle nous ouvrirait à un quelconque savoir, dont nous n’avons cure, mais parce que, au bout du compte, elle nous permet de fonder une famille et de nous intégrer dans le système technicien. Idem pour les bibliothèques et les maisons de quartier. C’est donc un faux sacré, un sacré perverti, et en le livrant aux flammes les émeutiers n’ont au fond pas fait autre chose que de confirmer le jugement porté sur « le monde » par la Bible, laquelle n’annonce pas autre chose que les flammes du Jour inévitable. Ce sont de faux dieux que l’on adore dans ces établissements, et ils le sentent obscurément. Le fond du problème n’est pas d’ordre social, il est d’ordre sacré, religieux. Les jeunes de banlieue ne veulent pas de notre sacré d’occidentaux sécularisés, et lorsque l’occasion s’en présente, ils le font savoir.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Tu me trouves sans doute excessif. Mais tu observeras que dans l’histoire ce sont toujours les exclus, les pauvres, les étrangers qui ont mené les révolutions vraiment significatives. La véritable révolution ne peut venir que de là, comme cela a été le cas il y a deux mille ans en Judée du temps de Jésus, ou il y a trois mille deux cents ans en Egypte du temps de Moïse. Seuls ceux qui n’ont rien et à qui l’on ne promet rien peuvent faire advenir le Nouveau.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Bien entendu, j’ai laissé de côté dans mon propos le problème plus circonstanciel de notre Cinquième République à bout de souffle. Le pouvoir césaro-bonapartiste du président dans nos institutions suscite une opposition latente mais constante, qui attend la moindre étincelle pour éclater. Tout cela est très malsain, tout à fait délétère, et nous n’avons pas fini d’observer les conséquences spectaculaires de cette immaturité politique française, de cette culture politique française obsédée par la personnalisation du pouvoir et inapte à mettre en place un véritable régime parlementaire. Mais ceci est un autre sujet. »
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-75701419443232031252023-07-06T18:30:00.005+02:002023-07-06T18:30:00.146+02:00Fragments sur Nietzsche<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh2-sl8B8CXmb3LcPUKtzuNWlIT38xAGWeH6bFvXZW3DaAjI2pPsTN3QHqMrG7mjH-LTR4ez2UgwPnhOq6CaZLhQE7keESw3OVpRFrjEdaeHEBq6svWWI9b5M1QbC71a1bfBU1Q0_xkpSMuohUeYJkY32yB5vQgD5AZtE5DqMwTa6roiolzZfIiYP3HirLf/s210/nietzsche3.jpg" style="display: block; padding: 1em 0px; text-align: center;"><img border="0" data-original-height="210" data-original-width="160" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh2-sl8B8CXmb3LcPUKtzuNWlIT38xAGWeH6bFvXZW3DaAjI2pPsTN3QHqMrG7mjH-LTR4ez2UgwPnhOq6CaZLhQE7keESw3OVpRFrjEdaeHEBq6svWWI9b5M1QbC71a1bfBU1Q0_xkpSMuohUeYJkY32yB5vQgD5AZtE5DqMwTa6roiolzZfIiYP3HirLf/s16000/nietzsche3.jpg" title="Fragments sur Nietzsche" /></a>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Ce qui est remarquable chez Nietzsche, c'est qu'il représente la revanche de l'esprit latin sur le sérieux germanique, l'irruption de l'un au sein de l'autre. Le mouvement était déjà amorcé chez Schopenhauer par rapport à Kant (qui constitue la quintessence de l'esprit germanique), mais Nietzsche l'a porté à son aboutissement, à incandescence pourrait-on dire. Tout ce qui manque à Kant : le style, la concision, le sens esthétique, le sens historique, tout cela Nietzsche le possède au plus haut point, et ce sont précisément là les vertus latines, méditerranéennes. Nietzsche représente en quelque sorte une fatalité de l'histoire de la pensée : il était fatal que face à cette monstruosité esthétique et sensible que constitue la philosophie kantienne, la sensibilité et l'esthétique, le <i>bon goût</i> en un mot, ou encore <i>l'esprit latin</i>, prissent leur revanche, et ils ne pouvaient le faire qu'en investissant le cœur même de la déviation, à savoir la langue allemande, la philosophie allemande. Et c'est Nietzsche qui incarne ce moment si important et si émouvant de l'histoire de la pensée.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Nietzsche est un très grand auteur parce que c'est le point de confluence de toute la culture occidentale. Il a assimilé et il fait dialoguer Homère, Platon, Shakespeare, Voltaire, Wagner, etc. Très peu d'auteurs peuvent en dire autant. Il représente ainsi une des figures possibles du grand écrivain : non pas le créateur d'un univers, le miroir de l'humanité, à la Balzac ou à la Shakespeare, mais le point de condensation d'une culture universelle (comme Gide l'a été, ou Sollers, dans un registre plus dégradé).
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Nietzsche : ce qui donne du poids à chacune de ses pensées, c'est toute la culture invisible qui la soutient, toute cette connaissance intime de la pensée grecque, de l'âme grecque en particulier (mais pas seulement). Nietzsche est un grand penseur parce que c'est un grand philologue, et parce que c'est un grand esthète. C'est toute cette culture implicite qui soutient et qui gonfle chacune de ses pensées de signification et de beauté. Il s'ensuit que plus on est cultivé, plus on peut apprécier Nietzsche (qui n'a à peu près rien à offrir au béotien).
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Nietzsche : alliance d'un esprit vraiment positiviste, libre-penseur, et d'une âme de poète, d'esthète. Les deux semblent incompatibles, on a soit le positiviste obtus, scientifique, bouffeur de curés, mais sans la moindre once de sensibilité poétique, comme on en voit tant de nos jours, soit le poète, l'artiste, complaisant avec lui-même et avec la vérité. Mais maintenir une grande exigence à l'égard de la vérité tout en reconnaissant que <i>la seule justification du monde et de l'existence</i> est <i>in fine</i> une justification d'ordre <i>esthétique</i>, c'est un alliage qui semble très rare, presque contradictoire. C'est en tirant à l'extrême sur chacun des bouts de la corde que Nietzsche a atteint son incomparable stature, son éclat, et c'est aussi ce qui l'a finalement brisé.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Pourquoi l'aphorisme, à la Nietzsche ou à la Marc Aurèle, est-il la forme philosophique par excellence ? Parce que c'est la forme qui reflète le mieux la nature d'esprit du véritable philosophe : un esprit souple, mobile, qui ne s'arrête jamais sur rien, ni sur personne, ni sur aucune idée, mais qui reste disponible, libre et fluctuant comme la vie elle-même. Ainsi la forme adoptée par une pensée devrait toujours traduire les vertus de cette pensée (comme chez Platon par exemple).
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Nietzsche est un grand penseur parce que c'est un grand solitaire. La solitude : voilà ce qui distingue Nietzsche d'un intellectuel ou d'un professeur d'Université contemporain.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Gide, Nietzsche, Voltaire, Schopenhauer : tous les grands intellectuels étaient des isolés, sans la moindre position sociale. L'isolement est une condition nécessaire pour avoir un rapport authentique au texte, pour pouvoir accéder à la vérité existentielle des textes. Sinon, si l'on est intégré dans une structure sociale, cette structure sociale vient toujours s'interposer entre le lecteur et l'œuvre (cela donne la littérature de journalistes, de professeurs, etc.). Lorsqu'on est isolé, on ne peut pas tricher, il n'y a pas d'échappatoire, le texte devient le seul intermédiaire entre le monde et le lecteur, le lecteur devient totalement dépendant du texte pour son rapport au monde, pour sa <i>survie</i> même, ce qui change tout.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-2779662450455106672023-06-15T18:30:00.014+02:002023-07-08T13:10:21.548+02:00Jean Borella : Ésotérisme guénonien et mystère chrétien<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj04l3V1S5RCElQb0epvCsDk8j8jwwh8eJmuzv9oa92Cb6Ns9XcptyH1s8f5yD4k1-36-YsRNm2ybHu6sTc-ww_xs4TzLmUBlhBv32YA3HnXS7vTNa_rGjilAvC-Ya4KCEbVKr2DH6J8cxQWHn5l7sMF88PQFW30xZKM284PZ8_-CirsIlYvdVm9S583g/s254/borella2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="254" data-original-width="161" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj04l3V1S5RCElQb0epvCsDk8j8jwwh8eJmuzv9oa92Cb6Ns9XcptyH1s8f5yD4k1-36-YsRNm2ybHu6sTc-ww_xs4TzLmUBlhBv32YA3HnXS7vTNa_rGjilAvC-Ya4KCEbVKr2DH6J8cxQWHn5l7sMF88PQFW30xZKM284PZ8_-CirsIlYvdVm9S583g/s16000/borella2.jpg" title="Jean Borella : Esotérisme guénonien et mystère chrétien" /></a>
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Il y a quelques semaines, Colimasson m’a suggéré de m’intéresser à l’ouvrage de Jean Borella, <i>Ésotérisme guénonien et mystère chrétien</i>. Ce n’était pas la première fois que cet ouvrage était mentionné dans nos échanges, aussi je me le suis finalement procuré et je suis à présent à même d’en fournir un compte rendu succinct.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<i>Ésotérisme guénonien et mystère chrétien</i> a pour objet une controverse doctrinale avec le célèbre penseur « pérennialiste » René Guénon quant à la nature du christianisme. Je connais mal la pensée de René Guénon, n’ayant lu que deux de ses ouvrages, la fameuse <i>Crise du monde moderne</i> et, plus récemment, <i>Le Roi du monde</i>. C’est une pensée qui m’est étrangère, puisque je ne partage pas la condamnation que formule Guénon à l'encontre de la philosophie, et que le commerce de Platon, Épictète, Descartes, Kant et Nietzsche, entamé dès ma vingtième année, ne s’est jamais interrompu et constitue l’essentiel de ma formation intellectuelle. Je ne suis pas attiré par l’ésotérisme, je me situe résolument du côté de la clarté de la pensée méditerranéenne, qu’elle soit philosophique ou biblique. Aussi, je dois confesser qu’une très grande partie du contenu de l’ouvrage de J. Borella, dont je reconnais l’érudition, l’extrême finesse du propos et l’extrême sûreté d’expression, est demeurée hors de ma portée. Les quelques lignes qui suivent ne peuvent donc constituer guère plus qu’un aperçu succinct des divergences qui nous séparent quant à l’appréhension de la révélation chrétienne, et en aucun cas une réfutation approfondie et argumentée de thèses qui me dépassent largement et qui se situent sur un terrain théorique qui n’est pas du tout le mien.
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L’essentiel de la polémique entre J. Borella et R. Guénon tourne autour des notions d’« ésotérisme » et d’« initiation ». Il semblerait que René Guénon considère le christianisme institutionnel comme une « descente exotérique du christianisme ». Pour Guénon, « les rites institués par le Christ étaient purement initiatiques et formaient ce qu’on peut appeler l’initiation christique ». Puis, en raison de la décadence spirituelle du monde gréco-romain, « une descente générale de tous les rites, du niveau ésotérique au niveau exotérique », a dû être opérée, « afin que l’humanité occidentale ne fût pas privée de toute influence spirituelle ». C’est cette thèse d’une « descente exotérique du christianisme » que Jean Borella s’attache principalement à réfuter : pour lui, l’enseignement et les dons spirituels du Christ ont été intégralement préservés dans le dogme et dans les rites catholiques, et en particulier dans les sacrements. J. Borella examine longuement la question de l’institution des sacrements, de leur validité et de leur mode opératoire, et il conclut que « la nature des sacrements est immuable » et que « l’ordre sacramentel est incorruptible ».
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Un autre point débattu dans l’ouvrage est celui de l’existence d’une « gnose chrétienne ». Pour J. Borella, « le Christ a donné à quelques Apôtres un enseignement réservé que Clément [d’Alexandrie] désigne du nom de gnose. Ces Apôtres, ce sont Pierre, Jacques et Jean, auquel (<i>sic</i>) s’adjoint Paul ». Il y a donc dans l’Église, à côté du Magistère officiel et de la hiérarchie ecclésiastique, « un Magistère doctrinal » qui, d’après Origène, sert au premier de modèle et d’autorité en matière de « science de la foi ».
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J. Borella examine également les notions de « mystère » chrétien et de « discipline de l’arcane », sur lesquelles je ne suis guère en mesure d’apporter quelque éclaircissement que ce soit.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
L’ouvrage de J. Borella est sans nul doute admirable, en ce qu’il constitue une réponse à peu près irréfutable aux allégations de René Guénon concernant le christianisme et son prétendu caractère « exotérique ». En se plaçant sur le terrain de Guénon, celui de l’ésotérisme, de la gnose et de l’initiation, J. Borella démontre de façon tout à fait convaincante que tous ces éléments ont été intégralement préservés, pour celui qui sait les chercher, dans le dépôt de la foi catholique. À cet égard, c’est sans nul doute un grand livre ; un livre et une pensée qui me sont néanmoins, je l’ai dit, à peu près totalement étrangers, en ce qu’ils s’appuient sur des structures et des dogmes dont je ne trouve nulle trace dans les Écritures, et qui vont même, à mon avis, <i>contre</i> le sens de la révélation biblique (le cas des sacrements étant le plus caractéristique, qui réintroduit un élément magique et mécanique là où dans la Bible il n’est question que de foi). C’est toujours le grand écueil auquel la pensée catholique ne manque presque jamais de se heurter : l’instauration d’instances spirituelles nouvelles, à peu près autonomes par rapport à l’Écriture et au message du Christ, instances grandioses et marmoréennes auxquelles on prête toute l’autorité et que l’on adore de fait (le Magistère de l’Église, la hiérarchie ecclésiastique, etc.). On retombe ainsi très vite sur des rites, du sacré, de la « spiritualité », toutes choses absentes des textes et même en contradiction avec le corpus biblique (rappelons que dans la Nouvelle Alliance il n’y a qu’un seul prêtre, le Christ, cf. He 7). Et c’est pour cette raison que la discussion peut être aussi riche, aussi fournie, entre R. Guénon et J. Borella : ils partagent au fond la même vision des choses, du mystère et du sacré, ils sont dans une quête <i>spirituelle</i>, quand la Bible traite de la vie et supprime tous les intermédiaires entre Dieu et l’homme.
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Il y a un élément bien caractéristique de ce positionnement de J. Borella : il cite abondamment les Pères de l’Église (en particulier Denys l’Aréopagite, Clément d’Alexandrie et Origène), peu le Nouveau Testament, et à peu près jamais l’Ancien. Comme tant d’autres avant lui, il ne fait à peu près aucun cas du fondement juif de la Révélation. C’est bien la Tradition qui constitue pour lui l’autorité suprême, plus que la méditation de l’Écriture elle-même. En quoi il se sépare radicalement du penseur en qui je me reconnais le plus en ces matières, à savoir Jacques Ellul. Pour moi, comme pour Jacques Ellul, le Dieu de qui dépend en définitive notre salut n’est pas le Dieu d’Origène ou celui de Denys l’aréopagite, mais c’est le Dieu du Sinaï, le Dieu des Juifs, le Père de Jésus, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com12tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-53770972773373054012023-05-31T18:30:00.017+02:002023-06-04T10:18:26.790+02:00Fragments, juin 2023<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgABQeojXarfokyQRdgxrDfyK5zHVE3jZbcIxTj0u9AsU7nwqM7Gd81DQAe0NLIsA5rFXnL5Dlde-OlFGTkCBQqowhIZpZaaevLi35etHWYGjvxlDbpSS8hUAf5rkIBa4Q8_ZiNA_mdE72jjheqOjVNMrH1sHV0LyvNxL_YpNiAiJDNoit_aEopMia0rw/s239/monet.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="211" data-original-width="239" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgABQeojXarfokyQRdgxrDfyK5zHVE3jZbcIxTj0u9AsU7nwqM7Gd81DQAe0NLIsA5rFXnL5Dlde-OlFGTkCBQqowhIZpZaaevLi35etHWYGjvxlDbpSS8hUAf5rkIBa4Q8_ZiNA_mdE72jjheqOjVNMrH1sHV0LyvNxL_YpNiAiJDNoit_aEopMia0rw/s16000/monet.jpg" title="Claude Monet, Le Parlement de Londres" /></a>
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Sollers a finalement eu une grande influence dans le monde des lettres. Beaucoup d'écrivains ont été marqués par sa figure. Il a poussé toute une génération d'écrivains à penser que la sensibilité esthétique pouvait tenir lieu de talent littéraire. Qu'il suffisait d'admirer des peintres, des musiciens, des auteurs, pour entrer dans la grande compagnie des génies. Et moi-même, il faut le reconnaître, j'ai été marqué par cette vision des choses vers l'âge de vingt ans. Sollers, grand esthète, a engendré toute une génération d'esthètes (Nabe, Zagdanski, Reyes), incapables de faire quoi que ce soit d'autre dans la vie, définitivement coincés dans une posture de contemplation esthétique du monde.
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La littérature du passé est toujours la critique et la condamnation de l'époque présente. C'est en considérant la littérature des siècles passés que l'on peut prendre conscience des déterminations et des aliénations de notre temps : la technique en premier lieu, la sentimentalité ensuite. C'est pourquoi tous les littéraires sont à la fois réactionnaires et déconnectés des nécessités concrètes de l'époque actuelle – de sa nature profonde. Tous, ils vivent dans les chimères d'un monde disparu : Zemmour, Houellebecq, Tesson, Onfray, etc. Tous ils partagent le même sentiment à l'égard de l'époque actuelle, un sentiment d'inadéquation entre le monde des livres dans lequel ils vivent vraiment et la réalité qu'ils observent à travers ce prisme. Ils sentent tous que quelque chose cloche, mais ils sont pour la plupart incapables de pointer les facteurs déterminants de cette situation (la technique, l'ultra-subjectivisme) car ils ne sont pas vraiment intégrés dans le système, ce sont de simples observateurs, et c'est pourquoi ils expriment tout selon des termes moraux (les seuls à leur disposition), selon les valeurs auxquelles ils sont attachés (la patrie, la foi, la tradition, etc.), alors que le problème est bien plus profond et se situe « par-delà le bien et le mal », puisque c'est l'essence même de la réalité qui est profondément affectée par le paradigme technicien dans lequel nous vivons. La vraie divergence ne se situe donc pas entre la « droite » et la « gauche », mais entre ceux qui vivent dans le monde réel, concret (les femmes pour la plupart), et ceux qui vivent dans le monde des mots, des valeurs, et ne peuvent que détester le monde actuel et se replier dans la solitude. C'est là que se situe la véritable fracture : entre ceux qui croient encore au Verbe et considèrent la vie à partir d'abstractions (souvent très nobles), et ceux (celles...) qui sont directement en prise avec la matérialité de la vie et font régresser celle-ci à un stade pré-verbal, pré-moral et pré-rationnel (c’est-à-dire proprement invivable).
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La véritable révolte contre le monde actuel est une révolte contre ce monde averbal, ce monde replongé dans un chaos mécaniste. C'est là la véritable cause du suicide de Dominique Venner par exemple (qui s'est suicidé dans une église), même si rares sont ceux qui sont capables de discerner exactement les vraies raisons du malaise qui les saisit dès qu'ils doivent faire quoi que ce soit et s'intégrer si peu que ce soit dans le monde actuel.
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C'est là l'immense malentendu : les réactionnaires (les <i>littéraires</i>) pensent se révolter contre une décadence <i>morale</i>, alors que le problème n'a rien de moral et se situe bien en-deçà, du côté de la déshumanisation pure et simple opérée par la façon dont <i>tout</i> se fait dans le monde actuel (ce que Houellebecq avait bien saisi tant qu'il était dans la vie active, c'est-à-dire dans ses premiers écrits, et ce qu'il a complètement perdu de vue depuis).
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Tout grand art est toujours impersonnel. C'est pour cela qu'il nous touche à travers les siècles. En passant de l'écoute des pièces de piano de Nietzsche à celles de Mendelssohn, je suis instantanément frappé par ce qui sépare la production d'une âme sensible et distinguée, de celle d'un génie authentique : il y a moins de <i>pathos</i> chez Mendelssohn, c'est comme si c'était plus géométrique, plus structuré, déterminé par des facteurs <i>internes</i> à la musique et à l'art pur, des facteurs comme indépendants de l'artiste, qui ne jouerait que le rôle d'intérimaire, de transmetteur de quelque chose d'autonome.
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Je conçois tout à fait que l'on puisse, comme Gide, comme Sollers, repousser le romantisme wagnérien, au nom du bon goût français. Mais il faut bien comprendre dans quoi l'on tombe nécessairement dès lors : si l'on repousse une conception esthétique de la vie au nom du refus de la lourdeur et des brumes romantiques, on promeut plus ou moins nécessairement la vision du monde opposée, qui est celle qui a triomphé, et qui est celle du pragmatisme et de l'utilitarisme anglo-saxons. Wagner était à la fois l'aboutissement et la quintessence de la conception esthétique de la vie ; c'était la suprême effloraison de cette gigantesque aspiration romantique vers une totalisation esthétique et spirituelle de l'existence. Cela a conduit sans nul doute au nazisme, qui était hautement condamnable, et qu'il fallait éradiquer à tout prix. Mais une fois éliminée une conception esthétique de l'existence, ce qui reste, et c'est fatal, c'est le bon sens pragmatique et bourgeois, déjà stigmatisé par Flaubert (M. Homais), lequel a désormais tout recouvert.
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Il suffit de comparer <i>Tannhäuser</i> de Wagner à <i>La Vie est belle</i> de Frank Capra pour saisir immédiatement ce que je veux dire.
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Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-55970326093747724102023-05-11T18:30:00.015+02:002023-05-12T10:26:01.833+02:00Réflexions sur Platon, Plutarque, Gide et Lovecraft<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjh2sQ12TrrBpVFkCk7eCOiOHU1ymjpG3OsNL3G1tTho5l0Iif2HYoxNzejFBzsqlgd_DIGCX4ZRgHasMwR-kOLKIdpxuUfxksaFgL_L_YMTWKp5ACv1cf_E-irJ7X0MZlXus8fxO1cvAhuKIUopMd2uXchrF317N-irUVQOS1Ri3Nvw8OWKQuqfdE_Sw/s1600/lovecraft.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" data-original-height="249" data-original-width="203" src=https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjh2sQ12TrrBpVFkCk7eCOiOHU1ymjpG3OsNL3G1tTho5l0Iif2HYoxNzejFBzsqlgd_DIGCX4ZRgHasMwR-kOLKIdpxuUfxksaFgL_L_YMTWKp5ACv1cf_E-irJ7X0MZlXus8fxO1cvAhuKIUopMd2uXchrF317N-irUVQOS1Ri3Nvw8OWKQuqfdE_Sw/s1600/lovecraft.jpg title="Considérations sur Platon, Plutarque, Gide et Lovecraft"/></a>
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<i>Lettre d’Émilie D. à son amie Alexandra F., le 26 mars 2077.</i>
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Ma chère amie,
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Je suis contente car j’ai finalement pu accéder aux archives de Laconique. Je pense que je pourrai mettre le point final à mon mémoire de Master dans les temps, je n’ai pas d’inquiétudes sur ce sujet. J’ai eu accès à tout : ses textes, ses manuscrits, son journal, tout. Tout cela est très intéressant, mais je dois t’avouer que mon estime pour lui a un peu diminué. J’imaginais que c’était quelqu’un d’assez ouvert, curieux, or il m’est apparu assez borné, obsédé par quelques auteurs, toujours les mêmes, auxquels il revenait sans cesse. Surtout, à bien y réfléchir, j’ai trouvé un point commun entre tous ses auteurs fétiches, un point commun vraiment étonnant : ce sont des auteurs chez lesquels les femmes sont totalement absentes, des auteurs qui proposent des univers exclusivement masculins. Je t’assure que cela saute aux yeux. Laisse-moi te détailler un peu ceci. Quelles sont les marottes de Laconique, les auteurs qu’il ressasse sans cesse ? Ce sont principalement les quatre auteurs suivants :
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Platon. Il y a des dizaines de personnages dans tous les dialogues de Platon, et pas une seule femme. Quand on trouve une femme chez Platon, elle s’exprime par l’intermédiaire de Socrate, comme Diotime dans <i>Le Banquet</i> ou Aspasie dans le <i>Ménexène</i>. Même quand il traite de l’amour, Platon ne se réfère jamais à des femmes : pour lui l’objet aimé c’est l’adolescent, c’est Phèdre ou Alcibiade. C’est eux qui suscitent le désir. Je suppose que l’attirance hétérosexuelle était une donnée trop triviale pour Platon, elle ne méritait pas d’avoir sa place dans le domaine éthéré du dialogue platonicien.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Plutarque. Il y a en tout une cinquantaine de « vies d’hommes illustres » traitées par Plutarque, et pas une seule femme. Le bouquin fait deux mille pages, et je te jure qu’on compte les personnages féminins sur les doigts d’une main. Il y a Cléopâtre peut-être, Porcia, la femme de Brutus, quelques autres. Mais dans l’ensemble ce sont toujours des généraux grecs ou romains qui font leurs histoires entre eux, à n’en plus finir. Comment peut-on écrire autant de pages et ne jamais s’intéresser aux femmes, à leurs vies, à ce qu’elles éprouvent ? Il stigmatise ceux qui, comme Alcibiade étaient un peu trop portés sur les courtisanes, par contre quand il s’agit d’« amours grecques », comme celui qu’éprouve Agésilas pour le jeune Mégabates, ou l’amour d’Alexandre pour Héphestion, on sent Plutarque bien plus concerné, là il nous en parle, comme si c’était une marque de noblesse, le signe d’une certaine distinction, d’une grandeur de caractère…
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Je passe maintenant aux auteurs modernes.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- André Gide. Inutile de te faire un dessin. Laconique adorait Gide, il n’arrête pas de citer <i>Corydon</i>, qui est une apologie de l’homosexualité, une dénonciation de l’influence pernicieuse exercée par les femmes dans la culture et la société, une promotion des sociétés « uranistes » comme celle de la Grèce antique, de la Rome d’Auguste, ou de l’Angleterre de Shakespeare (trois époques au cours desquelles les femmes au théâtre étaient interprétées par de jeunes garçons, ce que Gide ne manque pas de rappeler). On retrouve tout à fait chez Gide cette atmosphère délicate et raréfiée que Laconique appréciait tant chez Platon. C’est le même genre d’esprit, le même « atticisme » épuré, et les mêmes inclinations, cela va sans dire. On en revient toujours aux jeunes garçons chez Gide, que ce soit dans <i>L’Immoraliste</i>, dans <i>Les Faux-Monnayeurs</i>, dans le <i>Journal</i>, partout. C’est un idéal de pâtres virgiliens, Ménalque et Tityre allongés au flanc d’une colline, dans le soleil couchant, les femmes étant toujours représentées comme des dévotes, des ménagères bornées ou de pauvres victimes de la société rétrograde.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- H. P. Lovecraft. Laconique était obsédé par Lovecraft. Je m’en suis rendu compte en lisant ses papiers personnels. Il relisait sans cesse ses « grands textes », ceux que l’on désigne comme appartenant au <i>Cycle de Cthulhu</i>. J’ai regardé un peu, c’est hallucinant : il n’y a pas <i>un seul</i> personnage féminin dans tous ces récits, je n’ai jamais vu ça. Ce sont toujours de vieux professeurs de l’Université de Miskatonic qui tombent sur le <i>Necronomicon</i> et finissent par être confrontés à des monstres répugnants et innommables venus du fond des âges ou de l’autre bout de la galaxie. Le <i>seul</i> personnage féminin que l’on trouve chez Lovecraft, c’est celui d’Asenath Waite, qu’épouse le poète et théosophe Edward Derby dans la nouvelle <i>Le Monstre sur le seuil</i>, et qui se révèle en réalité être une espèce de créature batracienne, hôte d’une entité maléfique d’outre-espace, enfin je n’ai pas bien compris. Et Laconique adorait Lovecraft, il le considérait comme le maître insurpassable en matière de littérature fantastique.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Vraiment, ma chère amie, j’ai hâte de finir ce mémoire et de passer à autre chose. Et ne me dis pas que je suis homophobe ! D’ailleurs je pense pas du tout que Laconique ait été homosexuel, ce n’est pas ça le cœur du problème. Le cœur du problème se situe ailleurs, au niveau d’un idéal esthétique, ou intellectuel, si je puis m’exprimer ainsi. J’ai l’impression que pour lui la femme représentait un facteur de trouble et de désordre, de prosaïsme et de confusion, et qu’il n’aimait rien tant que les univers littéraires bien nets et bien rangés, à l’image de son style toujours impeccable. Tu remarqueras qu’il ne parle jamais de Molière, de Zola ou de Céline, de tous ces écrivains qui ont traité sans tabous la question des relations entre les hommes et les femmes. Il parle à peine de Flaubert de temps en temps, ou de Shakespeare. Dès que l’on entrait dans ces questions sentimentales, libertines ou passionnelles, ou dans le train-train des couples bourgeois à la Madame Bovary, cela cessait de l’intéresser, cela l’ennuyait, tout simplement. Il était bien moins cultivé qu’il n’en avait l’air, il y a un pan immense de la littérature qu’il ne fréquentait jamais, et comme par hasard c’est celui où l’on parle des femmes. Comme beaucoup d’hommes à travers les âges, comme Platon, Kant, Jules Verne et Lovecraft, il appréciait les vérités bien établies, les univers bien ordonnés, bien nets. Il devait rêver d’une société rationnelle, harmonieuse, portée vers l’esthétisme et l’idéal, et exclusivement masculine, comme chez les Grecs. Comment ne pas y voir la marque d’une indéniable mesquinerie ?
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Je m’arrête là, car je ne veux pas t’ennuyer davantage. Nous nous verrons sans doute en mai, car je viendrai à P… pour les célébrations du cinquantième anniversaire de l’élection de Bayrou. Je t’embrasse, ma chère amie.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com14tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-39661970054913330302023-04-20T18:30:00.002+02:002023-04-20T18:30:00.157+02:00Jérusalem et le Christ dans la pensée de Jacques Ellul<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgBG2oS4PLTC2PmIdm0rM50xSF1ZKVWeKJ_mrrhRkUWvFlmMOR4Mw2EMn4lxK5nEv3mKLveuAes4hSR_5KZK_gPbmSi3AsiAtEwonfM1XnR0LTJwtgyQyiJiKAKyBAbP4cbr9u6SW6MA5quXwqArWslWQxlvNVzuCmycSnJLz8RwkMkt8E2OKxPkedl0w/s315/jesus2.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="238" data-original-width="315" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgBG2oS4PLTC2PmIdm0rM50xSF1ZKVWeKJ_mrrhRkUWvFlmMOR4Mw2EMn4lxK5nEv3mKLveuAes4hSR_5KZK_gPbmSi3AsiAtEwonfM1XnR0LTJwtgyQyiJiKAKyBAbP4cbr9u6SW6MA5quXwqArWslWQxlvNVzuCmycSnJLz8RwkMkt8E2OKxPkedl0w/s16000/jesus2.jpg" title="Greg Olsen, "O Jerusalem"" /></a>
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Dans son ouvrage <i><a href="https://www.legoutdeslettres.com/2016/12/jacques-ellul-sans-feu-ni-lieu.html">Sans feu ni lieu</a></i> (1975), consacré à la « signification biblique de la Grande Ville », Jacques Ellul examine le statut de Jérusalem, ville comme les autres à l’origine, œuvre de l’esprit de révolte de l’homme et de sa volonté d’autonomie, mais ville adoptée par Dieu, assumée par lui, et chargée d’une signification particulière par rapport à toutes les autres villes. Dans le chapitre IV, Ellul aborde le rôle de Jésus Christ, son rapport à la ville. La question se pose alors du lien qui se noue entre Jérusalem et le Christ. Que devient Jérusalem après la venue du Christ ? Son rôle dans l’histoire en est-il changé ? Les promesses de Dieu concernant Jérusalem sont-elles abolies après le passage du Christ ?
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Tout d’abord, Ellul montre bien que la position du Christ à l’égard de la ville en général s’inscrit complètement dans la lignée du message biblique sur ce sujet, à savoir que la ville, création de Caïn après sa malédiction (cf. Gn 4) constitue bien la tentative la plus poussée de l’homme pour échapper à Dieu et à son regard, et vivre enfin dans un monde à <i>sa</i> mesure, un univers clos, dans lequel toutes ses convoitises et tous ses désirs pourront être assouvis, et duquel Dieu sera rejeté. De même que Dieu condamne et châtie Babel, Sodome, Gomorrhe, Babylone, incarnations de l’orgueil et de la révolte, Jésus lance ses malédictions sur les villes qu’il parcourt, Chorazin, Bethsaïde, Capharnaüm : <i>« Jésus-Christ n’a pas une parole conciliante ou de pardon pour les villes. Lorsqu’il s’adresse aux hommes, il y a les paroles de malédiction et les paroles de pardon. Les promesses de salut et les avertissements. Lorsqu’il s’adresse aux villes, il n’y a jamais que des formules de rejet et de condamnation. Jésus-Christ n’annonce à aucun moment la grâce sur cette œuvre de l’homme. Il ne connaît que son aspect démoniaque, et il ne sait rien d’autre que la lutte contre la puissance de la ville qui empêche son œuvre. »</i> Jésus n’a rien à faire avec la ville, il ne s’y installe pas, il ne participe pas à son activité, et lorsqu’il vient à Jérusalem pour la semaine de Pâques, il quitte la ville tous les soirs et va coucher à Béthanie (Mt 21, 17). De fait, après l’épisode des Rameaux, aucune reconnaissance, aucune réconciliation ne semble s’opérer entre Jérusalem et Jésus, qui est finalement crucifié hors de l’enceinte de la ville (Jn 19, 17). Jérusalem n’a pas reconnu son Seigneur.
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Ellul examine le problème sur un plan théologique. Jérusalem, cité de David, ville sainte, ville de la promesse, reste-t-elle la ville de Dieu après le passage du Christ ? Pour Ellul, un changement décisif s’opère alors. Jusqu’alors, Jérusalem était le signe prophétique de l’adoption par Dieu des œuvres de l’homme. Elle était donc mise à part des nations, revêtue d’un statut particulier par rapport à toutes les autres villes. Mais en Jésus, cette union de Dieu et de l’homme est poussée à son terme, à sa plénitude. Dès lors, le rôle de Jérusalem dans l’histoire cesse. Il n’a plus lieu d’être. Jésus accomplit les promesses adressées à Jérusalem, et il la remplace dans le dessein de Dieu, il se substitue à elle : <i>« Jésus, pour l’histoire des nations, et pour l’histoire de la ville, se substitue pleinement à Jérusalem. Il va dorénavant jouer son rôle, remplir sa fonction. Celle-ci subsiste toujours. Les nations et les villes du monde ont toujours besoin de ce témoin qui leur est donné. Mais ce n’est plus le même témoin. Ce n’est plus la ville sainte, c’est le Corps vivant du Fils de Dieu. »</i> La venue du Christ atteint ainsi, en son cœur même, le statut de Jérusalem : <i>« Cette double action de Jésus (accomplissement et substitution) à l’égard de Jérusalem entraîne une prodigieuse conséquence pour celle-ci : elle n’est plus sainte, elle n’est plus sacrée. Jésus a, littéralement, désacralisé Jérusalem, ou, en d’autres termes, il l’a profanée en lui enlevant son rôle sacré. »</i> L’ambiguïté qui entourait jusqu’alors Jérusalem cesse, elle redevient ce qu’elle était à l’origine, une ville comme les autres : <i>« Dieu a désacralisé Jérusalem, lui a déchiré sa parure spirituelle, l’a restituée à sa condition de ville. »</i> La pierre d’achoppement, le signe du scandale, le facteur de division au cœur de chaque famille, et le porteur de l’espérance, le gage de l’Alliance, désormais ce sera le Christ. Ville rendue à sa condition de ville, Jérusalem subira le destin de toutes les villes : la guerre, la conquête, la destruction : <i>« Ville errante, souillée, condamnée ; ville déserte dans son grouillement de peuples et son croisement de races. Ville déserte car elle n’a pas reconnu son Seigneur. Lui seul peut la peupler, lui seul pouvait combler le vide du Temple, qui attendait. « Votre maison sera déserte,</i> car <i>vous ne me verrez plus. » Ville dont il ne reste plus pierre sur pierre spirituelle, au milieu des horribles églises à touristes et des monuments pieux de toutes les sectes et de toutes les religions : symbole de la division spirituelle. »</i>
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On peut apprécier ici la rigueur de la conception théologique de Jacques Ellul. Spirituellement proche d’Israël dans toute son œuvre, proclamé « Juste parmi les nations » pour son action en faveur des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, nourri toute sa vie durant par la lecture assidue de l’Ancien Testament, Ellul n’accorde aucun traitement de faveur à Jérusalem, il ne s’y accroche pas de façon superstitieuse et sentimentale, comme au signe de la véracité de sa cause et de son combat. Non, en toute rigueur théologique, Ellul reconnaît que c’est désormais le Christ qui est devenu l’élément décisif, le seul porteur de la promesse de Dieu. Sur Jérusalem retombe seulement la malédiction prononcée à l’origine sur la ville, sur toutes les villes, et même pire encore : <i>« Parce que Jérusalem n’était rien d’autre que l’écrin qui devait recevoir le Fils de Dieu, son refus lui enlève, à elle-même, toute valeur et toute pertinence. Elle tombe alors plus bas que les autres villes, elle est davantage que toute autre la proie de l’ambition torturante de Babel, parce qu’elle avait été choisie entre toutes les autres et, par cette chute, elle devient Babylone. »</i>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Se pose alors la question des prophéties de l’Ancien Testament, et des promesses solennellement adressées à Jérusalem (par exemple dans le psaume 87). Ces promesses sont-elles caduques ? Dieu revient-il sur sa Parole ? Ici, la réponse d’Ellul est sans ambiguïté. Non, Dieu ne revient jamais sur sa Parole, et les promesses ne sont pas abolies. Celles-ci s’accomplissent seulement de façon différente par rapport à ce que nous aurions pu croire « selon la chair », tout leur contenu existentiel et véritable reste valide : <i>« Nous ne savons jamais exactement comment Dieu réalisera ce qu’Il a dit, car dans sa sagesse, il possède infiniment plus d’autres moyens que nous ne l’imaginons, et dans son amour, il choisit ce qui convient mieux que nous ne pouvons en juger. Ainsi, pouvons-nous dire avec certitude que ses promesses ne sont pas révoquées, mais réalisées autrement que nous ne le prévoyions ; autrement que les Juifs du temps du Christ ne le pensaient. Jérusalem n’est pas abandonnée : tout ce qu’elle signifiait, tout ce qu’elle portait en elle voit le jour. La promesse n’est pas révoquée puisqu’elle est accomplie en Jésus-Christ. Mais précisément, cet accomplissement enlève à Jérusalem sa vertu particulière, et, ville parmi les villes, elle n’a plus d’autre destin que celui de la ville. »</i>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Jérusalem était un signe, une marque prophétique fichée au cœur du monde. Lorsque la vérité paraît, lorsque la prophétie s’accomplit, le signe n’a plus lieu d’être. Jérusalem n’est plus la ville sainte, et les conflits autour des traces matérielles de son élection (le mont du Temple) ne traduisent qu’une seule chose : le refus, l’incompréhension de la Parole de Dieu telle qu’elle a été adressée au monde en Christ. Bien entendu, tout cela n’est pas nouveau, et on peut penser aux fameuses croisades qu’Ellul pointe ailleurs dans son œuvre comme une marque du peu de foi des chrétiens de cette époque (toujours ce besoin de l’homme de se raccrocher à des choses visibles, tangibles, et cette défiance à l’égard de la Parole). Mais si Jérusalem n’est rien par elle-même, si elle n’est qu’une « ombre », elle est néanmoins l’ombre des réalités dernières et eschatologiques : <i>« C’est en Jérusalem et nulle part ailleurs que va se jouer le sort de tous les hommes et que va se poser la pierre inébranlable de la reconstruction et de la résurrection. »</i> Et Ellul propose une analogie : de même que notre corps charnel est « radicalement différent » de notre futur corps spirituel et pourtant « étroitement lié à lui », de même un lien indissoluble existe entre la Jérusalem historique, appelée à mourir, et la réalité dernière que Dieu fera surgir après le Jugement : <i>« Elle qui n’est là que pour disparaître, elle contient cependant la seule chose nécessaire qui traversera le Jugement et la Mort. »</i>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
L’étude de Jacques Ellul s’achève sur la contemplation de la Jérusalem céleste (Apocalypse 21). À la fin de l’Histoire, Dieu récupère et assume l’œuvre principale de l’homme, la Ville, et en fait le centre de la Nouvelle Création. Ce que l’homme a voulu bâtir dans son esprit de révolte en fondant la ville, le « monde-sans-Dieu », Dieu le réalise finalement dans l’esprit de Justice et de Fidélité. C’est alors seulement que l’Agneau et la Ville seront réconciliés, réunis, et toutes les promesses adressées à Jérusalem au cours des âges trouveront leur accomplissement plénier dans cet avènement de la ville définitive – « la Cité sainte, Jérusalem nouvelle » : <i>« Et pourtant Dieu ne revient jamais sur ce qu’Il a dit – Jérusalem reste Jérusalem, et la cité de Dieu qui vient ne portera pas un autre nom. »</i>
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-80197851031970406892023-03-30T18:30:00.009+02:002023-03-30T18:30:00.177+02:00Les chefs-d'œuvre de la littérature dévotionnelle<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhk7RMyLeyIjm9OGIXSwnDMUWUISoj1Dqsgb6-jmncusVS3Nm7AO7FPjkMygwn-GG2PihOjK5rjgJul9E-ixtW7wK4tifIM26IK8M7lPHGnwEjnlMD2MgMlRzbAEAUmefb_OytyDqVxnrzZPtMi33nEly-VJWvoeWt8nO3ulbBAPq9w2U_V8UL7C0zTeg/s259/sainte%20agn%C3%A8s.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="259" data-original-width="194" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhk7RMyLeyIjm9OGIXSwnDMUWUISoj1Dqsgb6-jmncusVS3Nm7AO7FPjkMygwn-GG2PihOjK5rjgJul9E-ixtW7wK4tifIM26IK8M7lPHGnwEjnlMD2MgMlRzbAEAUmefb_OytyDqVxnrzZPtMi33nEly-VJWvoeWt8nO3ulbBAPq9w2U_V8UL7C0zTeg/s16000/sainte%20agn%C3%A8s.jpg" title="Les chefs-d'œuvre de la littérature dévotionnelle" /></a><br> <br>
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<i>Le second millénaire de l’ère chrétienne, qui vient de s’achever, a vu fleurir un grand nombre de traités de dévotion. Tandis que les Pères des premiers siècles s’attachaient à définir le dogme et à mettre en évidence la spécificité du christianisme par rapport aux anciens cultes païens et à la philosophie, les auteurs chrétiens à partir du Moyen Âge ont voulu approfondir la dimension intérieure du christianisme, et proposer à leurs lecteurs des méthodes efficaces pour vivre une authentique spiritualité chrétienne. Cet article se propose de revenir sur quatre traités célèbres entre tous, et représentatifs de l’incomparable fécondité du christianisme en matière de discipline dévotionnelle.</i>
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<b><i>- La Légende dorée</i>, de Jacques de Voragine (1265) :</b> On doit au dominicain Jacques de Voragine, évêque de Gênes, cette compilation en latin de vies de saints, qui sera l’ouvrage le plus diffusé au Moyen Âge après la Bible. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un traité de dévotion, même si l’exemple de tant de martyrs, leur détermination à rendre témoignage au Christ face aux pires châtiments, ont pu nourrir la foi de générations successives d’humbles croyants. Les lecteurs de chaque époque ont sans doute été tout particulièrement sensibles à l’exemple donné par ces jeunes vierges romaines, Cécile, Agathe, Agnès, Lucie, qui ont refusé les riches époux qu’on leur imposait, pour offrir leur vie au Christ, bravant sans faillir le glaive et les bêtes féroces. <i>La Légende dorée</i> enrichit aussi la Bible de nombreux récits pittoresques, sur la Vierge Marie et son époux Joseph, sur l’enfance du Christ, sur le destin des apôtres dans des royaumes lointains et exotiques. Cette somme, sans cesse augmentée de <i>Vies</i> apocryphes, peut être considérée comme une épopée chrétienne, l’équivalent d’Homère pour les chrétiens, dans un style simple, touchant et naïf, visant moins à forcer les intelligences par la puissance des arguments qu’à gagner les cœurs par le récit des miracles accomplis par la Grâce, lorsqu’elle gagne des âmes pures et modestes. L’ouvrage a été abondamment traduit dans toutes les langues, mais la plus belle traduction française est peut-être celle de Téodor de Wysewa (1911), esthète wagnérien de l’époque symboliste, qui a su trouver l’accent approprié pour transmettre la candeur et la noblesse de la foi médiévale. <i>La Légende dorée</i> est en outre réputée pour avoir abondamment alimenté l’iconographie chrétienne médiévale, à travers les vitraux et les livres d’heures.
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<b>Citation :</b> <i>« Celui que j’aime est plus noble que toi, le soleil et la lune admirent sa beauté, ses richesses sont inépuisables, il est assez puissant pour faire revivre les morts, et son amour dépasse tout amour. Il a posé un signe sur mon visage, pour m’empêcher d’aimer aucun autre que lui, et il a arrosé mes genoux de son sang. Déjà je me suis donnée à ses caresses, déjà son corps s’est mêlé à mon corps ; et il m’a fait voir un trésor incomparable qu’il m’a promis de me donner si je persévérais à l’aimer » (Vie de sainte Agnès, vierge et martyre).</i>
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEit7TH8Ny7MtbTwIHIvyLWevdPmqzN_jS-V4zj_OBjTSTkWFwYRiLFlRG8x4Ta84CoLWJQ6g4XGKaMthvV7cn5iYktDk-btv-1pmktGhBMREv-GUKr20W6Z0hGHHCLoCdYfgTiGjJinHglydOqCBXe2qwQaVsWadPQrldNQCpniGerC-FfkIjDSebGzcw/s218/Imitation%20de%20jesus.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="218" data-original-width="132" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEit7TH8Ny7MtbTwIHIvyLWevdPmqzN_jS-V4zj_OBjTSTkWFwYRiLFlRG8x4Ta84CoLWJQ6g4XGKaMthvV7cn5iYktDk-btv-1pmktGhBMREv-GUKr20W6Z0hGHHCLoCdYfgTiGjJinHglydOqCBXe2qwQaVsWadPQrldNQCpniGerC-FfkIjDSebGzcw/s16000/Imitation%20de%20jesus.jpg" title="Les chefs-d'œuvre de la littérature dévotionnelle" /></a>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<b><i>- L’Imitation de Jésus-Christ</i>, de Thomas a Kempis (?) (début du XVe siècle) :</b> <i>L’Imitation de Jésus-Christ</i> est un autre succès fulgurant de l’apologétique chrétienne, ouvrage le plus imprimé après la Bible à partir de la Renaissance. Il s’agit d’un recueil de quatre courts traités indépendants rédigés en latin, diffusé de façon anonyme, même si un consensus a semblé s’établir pour en attribuer la paternité au moine néerlandais Thomas a Kempis. L’ouvrage témoigne d’une nette évolution des mentalités (ici, pas de merveilleux, pas de miracles) et frappe par son austérité, janséniste avant l’heure. Le propos est très sombre, les joies du monde sont présentées comme illusoires, trompeuses, la seule voie de salut pour la créature consiste à se dépouiller d’elle-même et à s’en remettre entièrement à l’amour de Dieu. Le style est d’une limpidité cristalline, animé par un idéal d’une pureté radicale. Tous les autres traités semblent encombrés d’inutiles fioritures à côté de ce mince volume qui ramène sans cesse le lecteur à l’essentiel. L’ouvrage a eu une influence immense, nullement diminuée par le passage des siècles, et l’on peut citer parmi ses lecteurs fervents saint Ignace de Loyola, Pierre Corneille, Lamennais, sainte Thérèse de Lisieux (qui ne s’en séparait jamais et le connaissait par cœur).
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<b>Citation :</b> <i>« Heureux celui qui comprend ce que c’est que d’aimer Jésus, et de se mépriser soi-même à cause de Jésus. Il faut que notre amour pour lui nous détache de tout autre amour, parce que Jésus veut être aimé seul par-dessus toutes choses. L’amour de la créature est trompeur et passe bientôt ; l’amour de Jésus est stable et fidèle. Celui qui s’attache à la créature tombera comme elle, et avec elle ; celui qui s’attache à Jésus sera pour jamais affermi. Aimez et conservez pour ami celui qui ne vous quittera point alors que tous vous abandonneront, et qui, quand viendra votre fin, ne vous laissera point périr. Que vous le vouliez ou non, il vous faudra un jour être séparé de tout. »</i></div>
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi6fzxTOQtb-eVenRe2IR0TiH2KDhBo35mDbl5iVNvBrOztlsjqBus5mfKC4pxPrYqIQv8Cr0cLo_8DHiewgV7K9fQ63A70W7y22h7AlPuzOQAHXjv04kk6NHBfVPtbw3eFFCeczN82nqrolwcAXqU1UQ3TcHQLVFE92kF5tyfhMhn2gYPuMPKkz2CbAg/s189/ignace3.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="189" data-original-width="157" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi6fzxTOQtb-eVenRe2IR0TiH2KDhBo35mDbl5iVNvBrOztlsjqBus5mfKC4pxPrYqIQv8Cr0cLo_8DHiewgV7K9fQ63A70W7y22h7AlPuzOQAHXjv04kk6NHBfVPtbw3eFFCeczN82nqrolwcAXqU1UQ3TcHQLVFE92kF5tyfhMhn2gYPuMPKkz2CbAg/s16000/ignace3.jpg" title="Les chefs-d'œuvre de la littérature dévotionnelle" /></a>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<b><i>- Les Exercices spirituels</i>, d’Ignace de Loyola (1548) :</b> Les <i>Exercices spirituels</i> sont l’ouvrage majeur de saint Ignace de Loyola, prêtre espagnol, militaire durant sa jeunesse, converti après une grave blessure sur les champs de bataille, fondateur de la Compagnie de Jésus (ordre des jésuites). Pendant sa convalescence, il lit de nombreux ouvrages religieux, dont <i>La Légende dorée</i> de Jacques de Voragine, et décide de rompre avec sa vie passée pour mener une existence d’ermite et d’ascète. C’est durant son séjour dans une grotte de Catalogne, près de la ville de Mansera, qu’il commence la rédaction des <i>Exercices spirituels</i>, lesquels constituent un recueil de prescriptions ascétiques (concernant la nourriture, le sommeil, etc.), mais aussi et surtout un manuel de méditation sur les évangiles et la vie du Christ. Tous les événements de la vie de Jésus, et en particulier ses souffrances, sont proposés comme objet de méditation au croyant, selon un calendrier très précis, d’une rigueur toute militaire, étalé sur quatre semaines. La contemplation des actes de la vie du Christ, entrecoupée de prières et de « colloques » avec Dieu, permet au fidèle de pénétrer de façon plus intime dans les mystères de la foi chrétienne, et de les incorporer à sa propre existence, à des fins de purification et d’accès au salut. L’ouvrage de saint Ignace est devenu un classique de la spiritualité, et il a profondément marqué de grandes figures de la Compagnie de Jésus comme le théologien Hans Urs von Balthasar ou le pape François.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<b>Citation :</b> <i>« L’usage de ces exercices doit toujours être exactement proportionné aux dispositions de celui qui les fait. Celui qui les donne doit donc prendre garde, et s’accommoder à la portée de l’âme qu’il dirige. De plus, il faut avoir égard à son âge, à la capacité de son esprit, à l’étendue de ses connaissances, à la force et à la faiblesse de son tempérament ; en un mot, il ne faut rien négliger. On fera toujours plus de tort qu’on ne procurera d’avantage et de profit à toute âme qu’on voudra élever au-dessus de sa capacité, quelle qu’elle soit. »</i>
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgu29HXl-bCYFmS7hmLO5uzMzBHlA1vWraw5xbIsYP-Wcnc3L7JTJI-FT5_TCrX7je5bseKXtmwCx1duhlDkTP9kqg4bFKD8d3hHrnkgKF66fO2mn0XIjJ2ZlvymwmJ0BmuJK6anSFeg5a0oUlCmOaxmzhWlq7jLnAQEp0KeUmDw-ouX2q-w9nYemrKVA/s208/Grignion3.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="208" data-original-width="156" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgu29HXl-bCYFmS7hmLO5uzMzBHlA1vWraw5xbIsYP-Wcnc3L7JTJI-FT5_TCrX7je5bseKXtmwCx1duhlDkTP9kqg4bFKD8d3hHrnkgKF66fO2mn0XIjJ2ZlvymwmJ0BmuJK6anSFeg5a0oUlCmOaxmzhWlq7jLnAQEp0KeUmDw-ouX2q-w9nYemrKVA/s16000/Grignion3.jpg" title="Les chefs-d'œuvre de la littérature dévotionnelle" /></a>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<b><i>- Le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge</i>, de Louis-Marie Grignion de Montfort (1712) :</b> C’est au prêtre breton Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716), fondateur de la Compagnie de Marie (Pères montfortains), que l’on doit ce fameux traité de dévotion mariale. L’ouvrage, à la suite de saint Bernard de Clairvaux, propose une spiritualité centrée sur la figure de la Vierge Marie, qui représente la voie la plus facile et la plus sûre pour accéder à son Fils : <i>« Nous avons besoin d’un médiateur auprès du Médiateur même, et la divine Marie est celle qui est la plus capable de remplir cet office charitable. »</i> Le pape saint Jean-Paul II a été marqué de façon décisive par la lecture de ce traité dans sa jeunesse, il y a notamment trouvé sa devise : <i>« Totus tuus ego sum, et omnia mea tua sunt »</i> (« Je suis tout à Vous, et tout ce que j’ai vous appartient »).
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<b>Citation :</b> <i>« Si nous craignons d'aller directement à Jésus-Christ notre Dieu, soit à cause de sa grandeur infinie, soit à cause de notre bassesse et de nos péchés, implorons hardiment l'aide et l'intercession de Marie notre Mère. Elle est bonne, elle est tendre, il n'y a rien en elle d'austère ni de rebutant, rien de trop sublime et de trop brillant. En la voyant, nous voyons notre pure nature. Elle n'est pas le soleil qui, par la vivacité de ses rayons, pourrait nous éblouir à cause de notre faiblesse, mais elle est belle et douce comme la lune, qui reçoit sa lumière du soleil et la tempère pour la rendre conforme à notre petite portée. »</i>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<b>Sources :</b>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/La_L%C3%A9gende_dor%C3%A9e">La Légende dorée</a>
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Imitation_de_J%C3%A9sus-Christ_(Lamennais)">L’Imitation de Jésus-Christ</a>
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <a href="http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Exercices_Ignace/exercices.html">Les Exercices spirituels </a>
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <a href=" https://books.google.fr/books/about/Trait%C3%A9_de_la_vraie_d%C3%A9votion_%C3%A0_la_Sain.html?hl=fr&id=gtC9U7uzFL4C&redir_esc=y">Le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge</a>
</div>
</div>
</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-70916704557695958012023-03-17T14:00:00.001+01:002023-03-17T21:18:54.750+01:00Fragments, mars 2023<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgtrECB2zC95sxyBXlv2sv7z2-IOZ7bei1Vq3UQrz-t061XkVq1T8ZPlQDpAo3-NQF3KENrrjnJrS3N3LOXjIZnjrWASZgDlHAh9zt1DD4DrfN9BoPne0l_nABauCbq-Q3lmILVsYL6CQ2Flp8veaulKfi6TNqvIKl5zGQsBcv-uCxGBozdg672W0uPfw/s1600/philadelphia.jpg" style="display: block; padding: 1em 0px; text-align: center;"><img border="0" data-original-height="268" data-original-width="188" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgtrECB2zC95sxyBXlv2sv7z2-IOZ7bei1Vq3UQrz-t061XkVq1T8ZPlQDpAo3-NQF3KENrrjnJrS3N3LOXjIZnjrWASZgDlHAh9zt1DD4DrfN9BoPne0l_nABauCbq-Q3lmILVsYL6CQ2Flp8veaulKfi6TNqvIKl5zGQsBcv-uCxGBozdg672W0uPfw/s16000/philadelphia.jpg" title="Fragments, mars 2023" /></a>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <i>Philadelphia</i>, de Jonathan Demme (1993) : le film est absolument paradigmatique de l'époque, par la façon qu'il a de souligner sans cesse le fait que le protagoniste (le malade, joué par Tom Hanks) est un <i>excellent avocat</i>, un praticien hors pair. En un mot, un homme parfaitement intégré dans le système, parfaitement apte à remplir son rôle, et en premier lieu à générer du profit. C'est cela qui compte, c'est pour cela que l'on peut avoir de l'empathie pour lui. Dans le cas contraire, il aurait été considéré comme un <i>loser</i>, et l'identification avec lui de la part du spectateur aurait été beaucoup plus problématique. À partir du moment où c'est un excellent technicien, il peut faire ce qu'il veut de sa vie privée, nous n'avons pas à la juger. Voilà le message du film. Mais pour bénéficier de cette indulgence sur le plan des mœurs, il faut avant tout être intégré socialement, c'est-à-dire, fondamentalement, maîtriser les rouages techniques de sa discipline – ici le Droit. On se doute bien qu'un chômeur inadapté ayant contracté le sida suite à sa fréquentation de prostituées n'aurait pas suscité la même empathie. Dans ce cas, cela aurait été plutôt considéré comme quelque chose d'assez gênant, comme le fait d'un pervers, <i>creepy</i>, comme le répètent sans cesse les anglo-saxons. Le film illustre donc de façon vraiment caractéristique le grand paradigme de l'époque (que l'on retrouve aussi chez Houellebecq) : subordination de l'homme au complexe technicien d'une part, défoulement compensatoire et recherche du sens de la vie dans les liens émotionnels, sentimentaux, sexuels, d'autre part. En un mot, la double aliénation, technique et émotionnelle, l'univers parfaitement clos sur lui-même.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Ce qui frappe, quand on regarde les images de personnes qui sont vraiment dans la vie active (élus locaux), c'est leur laideur (hommes comme femmes). Chairs flasques, yeux exorbités, air ahuri. Voilà ce que devient l'être humain confronté à la vie moderne dans ce qu'elle a de plus actuel, de plus caractéristique. La vie moderne <i>détruit</i> l'individu, et en particulier elle détruit tout sens de la noblesse, de la tenue, de l'idéal. À comparer avec ce que l'homme parvenait à obtenir de lui-même dans le monde grec.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Impuissance foncière de l'homme de bonne volonté à changer quoi que ce soit dans le monde actuel. C'est que toutes les bonnes volontés ne s'occupent que des actes, des structures, de l'organisation, etc., c'est-à-dire de choses fondamentalement <i>extérieures</i>. Or, comme l'enseigne le Nouveau Testament, c'est l'être même, à la racine, qu'il faudrait changer. Tant que l'on ne s'occupe que de l'efficacité, des manifestations extérieures, on reste dans le même paradigme, qui détermine tout en fin de compte. Tout change, mais le milieu ne change pas, et c'est le milieu qui détermine tout le reste, comme je l'ai expérimenté maintes fois lors de ma vie professionnelle.</div>
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Il y a aussi une malédiction du monothéisme. Le rêveur solitaire, au crépuscule, en 280 av. J.-C., à Pompéi ou à Knossos, pouvait s'estimer vraiment seul, vraiment libre, contempler un infini de possibles ouverts devant lui, éprouver le sentiment de l'existence dans ce qu'elle a de plus enivrant, de plus pur. Tout a changé avec le christianisme. Désormais cet homme doit se reconnaître pécheur. Pire, il ne peut plus jouir de cette ivresse de la solitude et de l'infini : par le Christ, par le Dieu unique, il est en quelque sorte solidaire de tous les hommes, tous sont reliés de façon invisible et ont un destin commun. Le monde absent devient présent dans un coin de son esprit. C'est comme si le monothéisme avait opéré une clôture du monde, comme si un gigantesque couvercle avait recouvert l'infini du ciel et de l'existence.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-49823974028673878992023-03-01T18:00:00.013+01:002023-03-03T22:38:09.170+01:00Réflexions sur Nietzsche et Lou Andreas-Salomé<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNDWDQoDjJWyDW4GDtYg_AjCxJ9FgpvuHiG2GejQnOOPr_AGq3FG6nyecKxElNVvBMBjg_g4WswdbsFiEpQmGgzxgTJDMqsKFeafwU7Ue3t59jjxdPM82qhJX3fst51L8zaLpoe9RRLS3GNwiNnWf17phEqHESTZ0K-0MPkcYNB8eHwU1N7SywgVmznA/s1600/Nietzsche3.jpg" style="display: block; padding: 1em 0px; text-align: center;"><img border="0" data-original-height="364" data-original-width="244" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNDWDQoDjJWyDW4GDtYg_AjCxJ9FgpvuHiG2GejQnOOPr_AGq3FG6nyecKxElNVvBMBjg_g4WswdbsFiEpQmGgzxgTJDMqsKFeafwU7Ue3t59jjxdPM82qhJX3fst51L8zaLpoe9RRLS3GNwiNnWf17phEqHESTZ0K-0MPkcYNB8eHwU1N7SywgVmznA/w214-h320/Nietzsche3.jpg" title="Lou Andreas-Salomé, Paul Rée et Nietzsche" width="214" /></a>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
<i>En 1882, le philosophe Friedrich Nietzsche fait la connaissance de Lou Andreas-Salomé à Rome, place Saint-Pierre. Il a alors trente-sept ans et elle vingt et un. Bien qu’ils cessent de se voir dès la fin de cette année, cette rencontre aura profondément marqué Nietzsche et lui aura permis de passer de sa phase positiviste et critique </i>(Humain, trop humain, Aurore)<i> à la période du lyrisme, de la dénonciation de la morale et des « grands textes » </i>(Ainsi parlait Zarathoustra, Par-delà le bien et le mal)<i>. À travers leur correspondance et les écrits de Lou, le lecteur accède à une autre face de Nietzsche, plus personnelle, et sans doute aussi moins passionnée qu’on ne le laisse généralement entendre lorsqu’on évoque cette relation.</i>
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Mon cher ami,
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J’ai bien reçu les épreuves de ton ouvrage sur Nietzsche et je t’en remercie. Tout cela m’a replongé dans les préoccupations qui étaient les miennes lorsque j’avais vingt ans. Tu n’imagines pas la somme d’écrits qui ont été publiés autour de cette histoire des relations entre Nietzsche et Lou Andreas-Salomé, il y a de quoi remplir une bibliothèque entière. Beaucoup de choses me sont revenues à la lecture de ton texte, et c’est pourquoi je me permets de t’adresser ces quelques réflexions.
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Il y a eu, bien sûr, des blessures très profondes entre Nietzsche et Lou, la rupture a été extrêmement douloureuse, surtout pour Nietzsche. Mais dans l’ensemble, au bout de quelques mois, l’un comme l’autre sont parvenus à une vision dépassionnée de la situation, sans rancœur, et même avec une sorte de gratitude réciproque. Oui, on présente souvent Nietzsche comme un impulsif, un immature, et Lou comme une ingrate, mais je trouve que l’un et l’autre se sont comportés de façon tout à fait respectueuse et adulte en la circonstance. Je ne peux pas souscrire, par exemple, à ces lignes d’Yves Simon extraites de son ouvrage sur Lou Andreas-Salomé : <i>« Après être resté plusieurs semaines dans une clinique psychiatrique d’Iéna, le 25 août 1900, Nietzsche meurt auprès de sa mère, chez lui à Naumburg, à cinquante-six ans, de folie, de fatigue et de solitude. Lou n’a pas une larme pour le philosophe qui l’aime tant. » </i> Je trouve cela très injuste. Lou n’avait pas revu Nietzsche depuis près de vingt ans, et cela faisait dix ans qu’il avait sombré dans le mutisme et l’hébètement. Il est compréhensible qu’elle soit, comme on dit, passée à autre chose. Lou avait publié dès 1894 un ouvrage de grande qualité sur Nietzsche, <i>Friedrich Nietzsche à travers ses œuvres</i>, et elle reviendra encore longuement sur cette amitié dans son autobiographie posthume, <i>Ma vie</i>. Qu’aurait-on voulu qu’elle fît de plus ?
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Et il me semble faux, en outre, de présenter Lou comme le grand amour de Nietzsche. Dans ses fameuses « lettres de la folie », expédiées en janvier 1889 au moment de son effondrement, ce n’est pas à Lou que Nietzsche écrit, mais à Cosima Wagner. Il lui envoie notamment ce billet : <i>« Ariane, je vous aime. – Dionysos »</i>. Il semble que ce soit bien Cosima Wagner qui ait été le grand amour de la vie de Nietzsche, et tu sais que dans les écrits de jeunesse de Sartre on trouve une histoire autour de ce trio Nietzsche-Wagner-Cosima, intitulée <i>Une Défaite</i>. Non, après la rupture Nietzsche ne parle pas de Lou comme d’un amour déçu, il en parle avec gratitude, comme d’une rencontre intellectuelle extrêmement stimulante qui l’a aidé à avancer sur son propre chemin. Je te cite un passage d’une lettre à sa sœur d’avril 1884, soit un an et demi après la séparation : <i>« Une chose est certaine : parmi toutes les rencontres que j’ai faites, celle avec Mademoiselle Salomé est pour moi la plus précieuse et la plus fructueuse. C’est seulement depuis ces relations que je suis mûr pour mon </i>Zarathoustra. <i>C’est</i> à cause de toi <i>que j’ai dû abréger ces relations. Pardonne-moi si cela me touche plus que tu n’es capable de le comprendre. »</i> Et dans ses lettres de la même époque à Overbeck, à Heinrich von Stein, il parle d’elle avec sympathie, avec attendrissement. Il lit ses ouvrages, et voici ce qu’il en dit : <i>« Tout l’aspect formel y est ingénu, tendre (…). Mais la chose elle-même ne manque pas de sérieux ni d’élévation. »</i> Nulle rancœur, tu le vois. Nietzsche sera bien plus sévère à l’encontre du troisième larron de leur trio de 1882, à savoir Paul Rée : <i>« Hier j’ai vu le livre de Rée sur la conscience morale ; – comme c’est vide, comme c’est ennuyeux, comme c’est faux ! On ne devrait parler que de choses auxquelles se rattachent des événements vécus. »</i>
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Car il faut bien parler de Paul Rée… Tu connais la fameuse photographie qui les représente tous les trois sur une espèce de charrette, à Lucerne, en mai 1882. Autant avec Nietzsche les choses se passaient avant tout sur le plan intellectuel, autant avec Rée on peut parler d’un véritable amour réciproque, très profond, très durable. Les pages de <i>Ma Vie</i> que Lou consacre à leur séparation sont déchirantes. Lou ne s’en est jamais vraiment remise : <i>« Il était normal que, les années passant, le chagrin ait continué de peser sur moi : je savais que quelque chose n’aurait jamais dû se produire. Quand je me réveillais le matin avec un sentiment d’oppression, c’est qu’un rêve avait essayé d’annuler cet événement. »</i>
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Paul Rée fit une chute mortelle en Haute-Engadine en 1901, un an après la mort de Nietzsche. D’après Yves Simon, <i>« lorsqu’elle apprend la glissade d’une falaise et sa chute dans les eaux de l’Inn, elle devine tout de suite qu’il s’agit d’un suicide. (…) Ce choc lui provoque une étrange maladie : son cœur cesse de battre à certains instants, et il s’ensuit des crises d’angoisse où elle croit sa mort arrivée ».</i>
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Ainsi, ces trois êtres ont connu des souffrances inouïes, les uns par les autres, et en proportion même de leur attachement réciproque. Tout cela est lié, il faut le dire, à l’athéisme qui leur était commun. Il faut savoir que jamais l’athéisme, l’antichristianisme, n’a été poussé plus loin peut-être qu’au cours de cette fin du dix-neuvième siècle, chez les élites éclairées de l’Europe. Tous ces intellectuels étaient imprégnés de Schopenhauer, qui nourrissait une haine viscérale à l’égard du monothéisme (d’après ses biographes c’était le seul sujet qui le faisait entrer dans des colères vraiment violentes, incontrôlables). L’athéisme poussé à son comble conduit nécessairement à survaloriser les relations amicales et sentimentales : c’est tout ce qui reste ! L’extrême sensibilité de Nietzsche à l’égard de ses relations avec Lou, avec Wagner, avec ses proches, la souffrance intense que lui a causée la solitude à peu près complète dans laquelle il a vécu les dernières années de son existence, me semblent une conséquence assez naturelle de cette conception de la vie. Mon pauvre ami, que tout cela est triste, et que nous sommes à plaindre, nous autres pauvres humains ! Lorsque la lumière de la Parole ne luit pas dans une vie, que reste-t-il, je te le demande ? Ce n’est pas seulement notre rapport à Dieu que cette Parole éclaire, mais c’est aussi notre rapport aux autres. Nietzsche a été un véritable martyr, un martyr de la quête de la vérité, du refus de toute concession à la facilité et aux doctrines consolantes.
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Écartons-nous de tous ces égarés, et tournons-nous vers la Bienheureuse Vierge Marie. Tu me demandes ce que tu dois lire pour te familiariser avec la doctrine de l’Église sur ce sujet. Le fait est qu’il n’y a pas eu à ma connaissance de document officiel du Magistère sur la Vierge depuis maintenant une bonne vingtaine d’années. Les trois textes de référence sont sans doute le fameux chapitre VIII de <a href="https://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19641121_lumen-gentium_fr.html"><i>Lumen Gentium</i></a>, l’encyclique <a href="https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_25031987_redemptoris-mater.html"><i>Redemptoris Mater</i></a> de Jean-Paul II, et la lettre apostolique <a href="https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_letters/2002/documents/hf_jp-ii_apl_20021016_rosarium-virginis-mariae.html"><i>Rosarium Virginis Mariae</i></a> du même Jean-Paul II. <i>Redemptoris Mater</i> est un texte très complet, mais avec une forte dimension ecclésiale. Il me semble que pour entrer davantage dans le mystère de la Vierge Marie, avec une dimension plus intime et plus contemplative, il vaut mieux commencer par <i>Rosarium Virginis Mariae</i>. C’est un des derniers textes de Jean-Paul II, et il a mis beaucoup de lui-même dedans.
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Je te salue, mon cher ami nietzschéen. Je te remercie de m’avoir remis sous les yeux toute cette extraordinaire aventure intellectuelle. Puissent toutes ces souffrances n’avoir pas été vaines, puissent-elles nous aider à progresser, pour notre modeste part, sur le chemin de la sagesse et de la vérité.
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<u>Sources</u> :
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- Lou Andreas-Salomé, <i>Friedrich Nietzsche à travers ses œuvres</i>, Grasset, 1992.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Lou Andreas-Salomé, <i>Ma Vie</i>, Grasset, 1977.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Friedrich Nietzsche, Paul Rée, Lou von Salomé, <i>Correspondance</i>, PUF, 1979.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Friedrich Nietzsche, <i>Dernières Lettres</i>, Rivages poche, 1989.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- Yves Simon, <i>Lou Andreas-Salomé</i>, Mengès, 2004.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-18230935168993628582023-02-09T18:00:00.014+01:002023-02-10T21:48:11.487+01:00Fragments, février 2023 <div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNsXSGDT5UV4_RMw6rkX7HpBbEQP1PDEY7U4Eta8Ee4iA81xu8YGgFshFa64T8V3atTBofk2kqVCATazwt4b0t3ctR3c3zYD9KQV19VSMz8jLXcsTZo0CEZVYGOKu2VTC1LNiIR-k1eTHvb_lf9Y67d1bYGwaO2ZX1CC5MyPMgk5GdkJtslgkV43LCvg/s216/Shakira2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="216" data-original-width="216" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNsXSGDT5UV4_RMw6rkX7HpBbEQP1PDEY7U4Eta8Ee4iA81xu8YGgFshFa64T8V3atTBofk2kqVCATazwt4b0t3ctR3c3zYD9KQV19VSMz8jLXcsTZo0CEZVYGOKu2VTC1LNiIR-k1eTHvb_lf9Y67d1bYGwaO2ZX1CC5MyPMgk5GdkJtslgkV43LCvg/s16000/Shakira2.jpg" title="Fragments, février 2023" /></a>
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- Shakira, Rihanna : ces tubes des années 2000 touchent l’âme, littéralement, l’atteignent à une profondeur qu’aucune musique, aucun livre ne peuvent atteindre. C’est qu’elles sont liées à nos vies, et que tout remonte avec elles, toute une époque, toute une jeunesse. Si de simples chansons peuvent nous atteindre et nous émouvoir à ce point, il ne faut pas y voir quelque chose de positif, la puissance de l’art, ou la richesse d’une sensibilité ; il faut y voir au contraire la marque manifeste du mal qui ronge notre époque : ces doux sentiments musicaux sont l’envers de toutes les injustices, de toute l’indifférence, de toute la dureté de cœur que nous avons eu à subir au cours de notre vie. C’est parce que tout à notre époque est mis au service de cette émotion immédiate, invincible, parce que c’est là la chose la plus universellement partagée, la plus efficiente, la plus touchante, la plus humaine, que tout le reste a été occulté. Ce qui se cache derrière la fortune et la popularité démentielles de Shakira et de Rihanna, c’est la pauvreté et la solitude du reste des humains. Une société qui prise à un tel point l’émotion éphémère, qui y met tant de virtuosité et tant d’amour, qui y met tout son cœur littéralement (il suffit d’imaginer ce que seront les obsèques de Shakira, il suffit de se souvenir de la mort de Michael Jackson) est forcément dure envers tout ce qui est laid, gauche, commun, forcément indifférente envers ce qui est subtil, profond, invisible. C’est là ce que nous vivons. Et c’est là la véritable cause du malheur de nos vies, dans sa dimension la plus concrète, la plus quotidienne.
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- Même nos désirs sont déterminés par le paradigme technicien : nous recherchons des petites satisfactions closes sur elles-mêmes, parfaitement prévisibles et circonscrites, exactement de la nature de ce que la technique nous offre cent fois par jour. Les grandes satisfactions inédites, dont les contours se perdent dans l'indistinction, ne signifient plus rien pour nous, nous ne savons même pas de quoi il s'agit.
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- Le cinéma d'horreur est un genre religieux parce que c'est le genre le moins menteur qui soit. Tous les autres genres idéalisent d'une façon ou d'une autre la réalité : les gens y sont représentés meilleurs, plus forts, plus courageux, plus altruistes, etc., qu'ils ne sont dans la vraie vie. Les films d'horreur sont les seuls à présenter la réalité telle qu'elle est, horrible, effroyable, mortelle, n'offrant pas le moindre sens. En cela ils rejoignent très exactement la vision de la vie de la Bible, et ils sont les seuls à le faire. D'où l'aura de sacré qui entoure les classiques du genre (<i>La Nuit des morts-vivants</i>, <i>Massacre à la tronçonneuse</i>, <i>Rocky Horror Picture Show</i>, <i>Suspiria</i>) et que l'on ne retrouve pour aucun autre genre.
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- L'athéisme des Lumières est bien plus profond que celui de Nietzsche. Pour Voltaire, Goethe, et jusqu'à Schopenhauer inclus, le christianisme ne représentait absolument rien, des fables puériles, des contes de bonne femme, auxquels il était tout à fait honteux de croire. Pour Nietzsche l'affaire était bien plus sérieuse, il avait le christianisme « dans le sang », il le considérait comme un adversaire personnel parce qu'il s'agissait pour lui d'une puissance toujours vivante, active, et d'une certaine manière bien réelle.
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- Ce n'est pas le moindre des paradoxes, que ce sont précisément les moralistes du soupçon – La Rochefoucauld, Nietzsche – si modernes par rapport à leurs contemporains par leur dénonciation de tous les faux-semblants moraux, qui sont aujourd'hui les plus dépassés, les plus anachroniques. On peut toujours comprendre de nos jours les auteurs bigots et moralisateurs, ils s'illustrent dans un genre à la vérité intemporel. Mais les labyrinthes psychologiques des moralistes soupçonneux ne renvoient plus à rien, on ne comprend même pas de quoi il s'agit. Toute cette profondeur de l'âme, ces tréfonds, ces sinuosités, où les trouver de nos jours, quand les gens réagissent de façon si mécanique, si prévisible, quand ils sont complètement déterminés par leur environnement et leurs affects, et qu'ils ne s'en cachent absolument pas ? Nous avons quitté l'ère de la psychologie, tout est beaucoup plus simple de nos jours, l'homme a enfin intégré l'univers des objets, enfin il n'est plus qu'un objet parmi les autres.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-41156029265782294902023-01-18T18:00:00.015+01:002023-02-24T15:22:31.124+01:00Peut-il y avoir une culture chrétienne ?<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgRtRECNoOzkRktz0m7Xjk47orrwpFmyIee-DFUZN1KAAi636aUnFYhJgmsuiGPFwdm8Eidp8ywa-STwlkv71xjHqXUnIcQe02DD9kHn2iWTvfoVgz4IxW9nc6itESwUmedh1ZGfYgXrbYMgFZWuZSVvtaLd81emVfCyVwKwnDnS96y-6BfmUKrDlGBpQ/s336/cathedrale2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="336" data-original-width="229" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgRtRECNoOzkRktz0m7Xjk47orrwpFmyIee-DFUZN1KAAi636aUnFYhJgmsuiGPFwdm8Eidp8ywa-STwlkv71xjHqXUnIcQe02DD9kHn2iWTvfoVgz4IxW9nc6itESwUmedh1ZGfYgXrbYMgFZWuZSVvtaLd81emVfCyVwKwnDnS96y-6BfmUKrDlGBpQ/w218-h320/cathedrale2.jpg" title="Carl Georg Enslen, La Cathédrale de Cologne vue de l'ouest, 1839" width="218" /></a>
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Je discutais l’autre jour avec un ami catholique.
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« L’Occident est de culture chrétienne, lui dis-je. Les cathédrales, les cantiques, les peintures de la Vierge et des saints, tout cela exprime la quintessence d’une culture exceptionnelle, raffinée, parfaitement cohérente, qui a été la nôtre pendant des siècles. La société était unifiée alors, apaisée, heureuse en fin de compte, et c’est tout cela qui a été détruit par la modernité, la technique, le monde contemporain. De toutes mes forces, je me battrai pour que la France retrouve sa véritable identité, qui est une identité chrétienne. »
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Mon ami se tut un instant, puis il me dit : « C’est là un discours que j’entends souvent, chez des croyants très cultivés et très bien intentionnés. Mais à mon avis tu te trompes, ce que tu décris là est même selon moi l’exact opposé du véritable esprit chrétien et de son action véritable sur la société. Laisse-moi t’expliquer.
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« C’est un fait, pour tous ceux qui s’intéressent aux cultures antiques : celles-ci étaient extraordinairement plus raffinées, dans tous les domaines, que les sociétés chrétiennes qui ont suivi. Tu peux prendre n’importe quel aspect. Aucun philosophe chrétien n’a atteint la concision et la précision d’un Aristote, aucune cathédrale gothique ou romane ne peut se mesurer à la majesté sidérante des pyramides d’Egypte ou à l’équilibre proprement divin du Parthénon, aucun poète chrétien ne peut rivaliser avec Horace ou Virgile, aucune danse chrétienne ne peut se comparer aux processions des vierges athéniennes aux grandes Panathénées ou aux bacchanales effrénées des Dionysies ou des Saturnales, rien dans le monde chrétien ne peut approcher de la statuaire grecque. La liste est longue, infinie à vrai dire. Et il ne s’agit pas que de la Grèce ou de l’Egypte. Pense à la législation chinoise antique, d’une précision extraordinaire ; à ses rites : tout Confucius n’est au fond qu’un commentaire du <i>Livre des Rites</i>, le <i>Liji</i>, qui remonte à la nuit des temps ; sans parler du reste, les atours, les ornements, les coiffures, les maquillages, les bijoux, etc. Tu ne trouveras aucun équivalent de tout cela dans le monde chrétien.
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« Chaque fois que le christianisme est entré en contact avec des sociétés primitives, en Afrique, en Amérique, en Asie, en Océanie, il est tombé sur des sociétés très unifiées, très structurées, et souvent très raffinées. Je me souviens du corps d’une jeune fille aztèque ou maya retrouvé il y a quelques années dans un glacier des Andes ou des environs : il avait été parfaitement préservé des outrages du temps et l’on avait pu admirer le raffinement des étoffes de ses vêtements, la délicatesse de sa coiffure, ses bijoux, etc. Pense à l’Egypte antique ! Et le christianisme, mis en présence de telles sociétés, détruit tout. C’est là un mystère vraiment troublant, qui m’a longtemps arrêté, je te l’avoue.
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« Il faut affronter les faits et ne pas se voiler la face. Les intellectuels chrétiens de droite qui louent le temps des cathédrales sont des incultes, tout simplement, qui n’ont jamais lu Platon ou Homère, et dont le niveau de culture humaniste de base est bien inférieur à celui des clercs du dix-septième ou du dix-huitième siècle. La vérité, c’est que le christianisme est incompatible avec le développement homogène et poussé d’une culture déterminée au sein d’une société (j’entends le mot « culture » dans son sens large, ce qui comprend aussi la législation, les us et coutumes, etc.), parce que pour cela il faut une société « totalitaire », close sur elle-même, englobante, et que c’est incompatible avec la révélation chrétienne. Les intellectuels égyptiens ou chinois, les artistes grecs pouvaient mener leur art à la perfection, littéralement, parce qu’ils se donnaient totalement à cette activité et qu’ils y étaient poussés par tout le courant de la société dans laquelle ils vivaient. Il n’y avait aucune déperdition de force, d’attention, de motivation. C’est une chose impossible pour un chrétien – même faisant de l’art chrétien ! – il ne peut jamais être totalement dans ce qu’il fait, s’y vouer entièrement, parce qu’il est secrètement requis ailleurs, parce qu’il a un autre Maître, et que le christianisme relativise toutes les œuvres des hommes.
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjEyPc1fiG5VWTINGQgmVK7KQVNDC5c2p81Isu6dcUggHopjTo0zcFNZ9O-bNw32FXR9hPRlhjrhlsJMW523qqUb62yyoxdG7ApjOIAHtQh9cA8F-rRdgwNOlyHH1_3vzNLOrMZUgVX6Pu91Bc5wT5Pz378Hx3x8dcsBcoENtfet1KlTziQ4YGIzGENfw/s400/procession2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="210" data-original-width="400" height="210" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjEyPc1fiG5VWTINGQgmVK7KQVNDC5c2p81Isu6dcUggHopjTo0zcFNZ9O-bNw32FXR9hPRlhjrhlsJMW523qqUb62yyoxdG7ApjOIAHtQh9cA8F-rRdgwNOlyHH1_3vzNLOrMZUgVX6Pu91Bc5wT5Pz378Hx3x8dcsBcoENtfet1KlTziQ4YGIzGENfw/w400-h210/procession2.jpg" title="Francis Davis Millet, Thesmophoria, 1894-1897" width="400" /></a>
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« À la vérité, c’est le terme même de culture est incompatible avec le christianisme. Le concept de culture implique une structure globale fixe qui détermine de façon rigoureuse la création des hommes. C’est dans ce sens que Phidias appartenait à la culture grecque, Ovide à la culture latine, etc. Mais c’est inconcevable avec le christianisme, qui n’est absolument pas prescripteur, et qui affranchit l'homme de tous les canons culturels, y compris de la Loi juive. Une culture suppose une société stable et rigide, autoritaire, or le christianisme fait éclater tout cela.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Il y a un penseur qui a parfaitement saisi tout cela, c’est Jacques Ellul, notamment dans son ouvrage <i>L’Éthique de la liberté</i>. Je le cite : <i>« L’homme ne peut plus reconstruire un ordre qui soit satisfaisant pour lui. Il y aura toujours une faille, il y aura toujours un malaise. Ce ne sera plus jamais les beaux équilibres égyptiens ou crétois, grecs ou indous. Il n’y aura plus jamais d’ordre humain parfaitement intégré, où l’homme se trouve dans une société exactement à sa mesure – et où la société dépend exactement de ce que peut, veut, sait l’homme. »</i> Et Ellul pointe bien le facteur qui a tout bouleversé : <i>« Or, si tout a ainsi changé depuis les sociétés primitives et les anciens Empires, ce n’est pas par suite de l’écoulement naturel et spontané du temps, ce n’est pas parce que l’histoire est l’histoire, ni qu’il y a eu le progrès technique ; c’est une coupure à la fois beaucoup plus profonde et instantanée, la coupure du jour de l’Incarnation. Il faut quand même arriver à prendre cela au sérieux, et que s’il est vrai que c’est Dieu même qui est venu, alors comment</i> tout <i>n’aurait-il pas changé ? »</i> Le résultat, c’est le monde dans lequel nous vivons : <i>« Ainsi, par l’Incarnation, la société, le monde humain devient chaotique, il est réellement plongé dans le chaos. »</i> Attention, Ellul est un penseur chrétien, il ne s’agit pas là d’une critique du christianisme. Dans son optique, et suivant les épîtres de Paul notamment, il voit le christianisme comme la condamnation du monde ancien et l’avènement d’un monde nouveau, fondé sur des valeurs nouvelles : <i>« Alors tout redevient possible. Non pas l’ordre ancien, mais vraiment une société d’un type nouveau. L’amour se substitue à l’ancien ordre, à l’ancienne justice, à l’ancienne communication. Mais il n’y a pas d’amour sans liberté. La liberté devient la seule possibilité pour que cette société soit vivable. »</i> Toujours est-il qu’il exprime admirablement le désordre consubstantiel à toute société chrétienne, et sa cause, à savoir qu’à partir du moment où le Christ s’est révélé, à partir du moment où on le prend au sérieux, la société cesse d’être le point unique de focalisation de toutes les énergies, la justice est secrètement travaillée par l’amour, l’ordre par la liberté, l’art par le pluralisme (qui est une conséquence de la liberté). Dès lors la justice, l’ordre et l’art deviennent impossibles, non pas ponctuellement sans doute, mais considérés de façon absolue, dans la pureté de leur essence, comme c’était le cas chez Platon par exemple.
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« Tu me parles des cathédrales. Je t’ai dit qu’à de nombreux égards la culture chrétienne médiévale était infiniment inférieure à la culture antique. Mais surtout cette époque des cathédrales a été une période de transition, assez brève finalement, le contraire de la pérennité mycénienne ou égyptienne. Cela commence vers le douzième siècle, et c’est déjà en crise et remis en question au quatorzième. Dès le quatorzième, et même avant, les pouvoirs politiques entrent en conflit avec la papauté (elle-même divisée), il n’y a plus d’ordre vertical unique, mais un conflit généralisé, et c’est tout à fait logique, puisque le christianisme n’est pas un modèle de société, contrairement à ce que rabâchent toutes les petites journalistes de droite comme Eugénie Bastié ou Charlotte d’Ornellas. Le christianisme n’a rien à voir avec le Nouvel Empire égyptien ou la dynastie Han en Chine, il n’informe pas la société, ou du moins il ne l’informe que de façon très imparfaite, très incomplète. La société n'est plus la valeur dernière pour le christianisme, ni la loi, ni l'art. Il y a toujours quelque chose de transcendant et d'invisible qui se situe au-delà de toutes les œuvres humaines, et cette présence mine secrètement tout ce que l'homme peut faire, il ne peut plus jamais y avoir d'unanimité à ce sujet contrairement à ce qui se passe dans les sociétés traditionnelles.
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« Dès lors, plutôt que de prôner une chimérique culture chrétienne, il faut reconnaître qu’il n’y a pas de culture chrétienne, que c’est là quelque chose d’inimaginable, d’antinomique. Concrètement, ce que tu auras, c’est l’expression de la liberté, sous sa forme la plus convulsive, la plus carnavalesque, car c’est à cela qu’aboutit toujours l’homme lorsqu’il est laissé complètement libre, affranchi du joug d’une société normative et hiérarchisée. Tu auras Elvis Presley et le Wu-Tang Clan, <i>Gremlins 2</i> et <i>La Cage aux folles</i>. Tu auras un éparpillement, un foisonnement de tendances diverses, dans tous les domaines, artistique, scientifique, intellectuel, etc. Tu n’auras plus jamais de société unifiée. Et il faut considérer que c’est là une expression authentique du christianisme, un signe que le christianisme a pénétré en profondeur l’inconscient collectif, qu’il a entrepris son œuvre de dissolution de toutes les structures imaginaires qui emprisonnent l’homme. Le vrai chrétien ne doit absolument pas fantasmer sur je ne sais quelle culture totale et englobante, mais il doit s’efforcer de traduire dans sa vie le message du Christ : <i>« Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi »</i>, comme l’écrivait saint Paul (Ga 2, 20). <i>« Vous connaîtrez l’arbre à ses fruits »</i>, comme dit Jésus (Mt 7, 20). Il y a transfert de responsabilité : Jésus place la responsabilité au cœur de chaque homme, il n’y a plus d’œuvre collective grandiose comme les pyramides ou la <i>Pax Romana</i>, mais la responsabilité pour chaque fidèle de faire fructifier la Parole et de bâtir le Corps du Christ, par ses sacrifices, ses souffrances et sa charité, au milieu d’une société désormais anarchique. »</div>
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-75832956038529056532022-12-28T18:00:00.014+01:002022-12-28T18:00:00.151+01:00Midsommar ou la nostalgie de la société traditionnelle<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj4K_ArHhFD8yRiaSa-fhfElW0Ry9QRsDiPi-60FChGqe8TI6f2quanjJoql_LnP_WogbX9e4wIpQ6ZnDTAXizX11tHNbmyiaRN77nsBRXeOdtC_bEdSu7K-XfDk0sXc-RhqkylBrWqg1hOGDOALa0HqlBpx5ThdVAo-Q2chAAX8YBp83RaO90OP4OG_g/s234/midsommar7.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="234" data-original-width="176" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj4K_ArHhFD8yRiaSa-fhfElW0Ry9QRsDiPi-60FChGqe8TI6f2quanjJoql_LnP_WogbX9e4wIpQ6ZnDTAXizX11tHNbmyiaRN77nsBRXeOdtC_bEdSu7K-XfDk0sXc-RhqkylBrWqg1hOGDOALa0HqlBpx5ThdVAo-Q2chAAX8YBp83RaO90OP4OG_g/s16000/midsommar7.jpg" title="Midsommar ou la nostalgie de la société traditionnelle" /></a>
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Le film d’horreur <i>Midsommar</i>, du réalisateur Ari Aster, a obtenu en 2019 un beau succès, à la fois public et critique. Il raconte l’histoire de quatre amis américains, étudiants en anthropologie, qui se rendent dans une mystérieuse communauté autarcique de Suède, au moment de son grand festival d’été. C’est l’occasion d’assister aux danses, aux chants, aux banquets de la communauté, de se familiariser avec son mode de vie, en communion étroite avec la nature, jusqu’à ce que des événements traumatisants ne surviennent et ne plongent le groupe d’amis dans un capharnaüm horrifique.
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Malgré de gros défauts (traitement superficiel, surtout visuel, de la communauté, bêtise et manque de caractère des personnages, etc.), <i>Midsommar</i> est un film passionnant, parce qu’il pointe très précisément le malaise de l’homme occidental. À de nombreux égards, la communauté de Harga dépeinte dans le film représente une société absolument idyllique pour la plupart d’entre nous. On peut relever les points qui correspondent à la mentalité actuelle :
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- La communion avec la nature : c’est le premier aspect qui frappe dans le film, cette vie au milieu des couleurs verdoyantes de la forêt du grand nord. Comment l’homme urbain, qui vit dans la grisaille et la laideur, ne serait-il pas séduit par un tel mode de vie ?
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- Le rejet de la technique : il n’y a pas d’écrans dans la communauté de <i>Midsommar</i>, pas de routes, pas d’usines, pas de machines. Ceci parle fortement au désir inconscient de l’homme contemporain, qui a bien intégré le fait que la technologie est avant tout une source d’aliénation et de contrôle.
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- La cohésion de la communauté : la communauté de Harga est une communauté « holiste », dans le sens où elle forme un tout insécable, harmonieux, au sein duquel les individus ont relativement peu de marge d’autonomie. En cela, elle rejoint les sociétés traditionnelles, fortement structurées, antérieures à l’individualisme de nos sociétés modernes. Cette communauté est comme une matérialisation de toutes nos aspirations à la solidarité, à l’unité, etc.
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- L’autarcie : La communauté est autarcique, elle se nourrit de ses propres productions et semble n’entretenir que des liens fort ténus avec le monde extérieur. Ceci parle à la tendance « survivaliste » qui sommeille au fond de chaque homme moderne.
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- Une culture forte et partagée, qui fait sens : comme dans toute société traditionnelle, la vie des individus est régie par la culture du groupe, une culture riche, antique, diversifiée (lois, rites, fêtes, danses, chants, arts, métaphysique, croyances, etc.). Ceci répond entièrement à la quête de sens de l’homme moderne, qui n’est plus rattaché à rien de noble, d’esthétique, de transcendant, ou simplement de commun avec son voisin.
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- Le matriarcat : la cheffe de la communauté, la doyenne, est une femme, ce qui entre bien sûr en résonnance avec l’anti-autoritarisme contemporain.
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- Le bien-être et la sérénité : ce qui ressort en somme de cette communauté traditionnelle de Suède, au premier abord, c’est une impression de calme et de sérénité, une sorte de clip publicitaire pour la vie champêtre, avec l’aspect « intégration sociale » en plus. C’est la réalisation à peu près complète de tous les désirs conscients et inconscients de l’occidental affairé contemporain.
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Bien entendu, la société traditionnelle holiste a un prix, à savoir qu’elle suppose la négation de deux valeurs prétendument chères à l’Occident : la liberté de l’individu, et sa dignité. À Harga, l’individu n’est pas libre, il ne mène pas une vie digne non plus, puisque celle-ci est prise en charge de la naissance (avec des accouplements strictement planifiés à des fins à la fois de renouvellement du patrimoine génétique, et de consanguinité dans le cas des « oracles »), à la mort (nous le verrons). Bien sûr, un Spinoza, un Voltaire auraient condamné la société traditionnelle au nom de la liberté, un Jean-Paul II l’aurait fait au nom de la dignité imprescriptible de l’homme, mais en 2022 nous ne croyons plus guère à tout cela. L’homme occidental semble plutôt empressé de fuir la liberté à tout prix, dans la famille, dans le couple, dans le divertissement. Quant à la dignité, il ne sait plus vraiment ce que c’est, il serait tenté de demander : « À quoi ça sert ? », le confort et la sécurité ont définitivement pris le pas sur tout le reste. Il ne s’agit pas là d’une formule, telle est bien la mentalité actuelle, même chez les intellectuels. Une illustration très frappante en est fournie par l’appréciation contemporaine du célèbre roman d’anticipation d’Aldous Huxley, <i>Le Meilleur des mondes</i>. Huxley, on le sait, a brillamment dépeint une société totalitaire, dans laquelle la soumission de la population est opérée au moyen de diverses techniques de détournement du libre arbitre : divertissements, psychotropes, sexualité débridée, etc. Bien entendu, dans l’esprit d’Huxley, il s’agissait de condamner une telle société, et le héros du roman, le « Sauvage », est en quelque sorte son porte-parole à cet égard. Mais pour nos contemporains, la société du <i>Meilleur des mondes</i> est vraiment idyllique, au premier degré ! Nous sommes tout à fait prêts à échanger la liberté contre le bien-être, sans aucun scrupule, c’est même notre vœu le plus cher. Dans son célèbre roman <i>Les Particules élémentaires</i>, Michel Houellebecq écrivait ainsi, à propos de cette société décrite par Huxley, que <i>« c’est exactement le monde auquel aujourd’hui nous aspirons, le monde dans lequel, aujourd’hui, nous souhaiterions vivre »</i>. Plus récemment, l’auteur Florian Mazé a publié, en avril 2021, un <a href="https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/aldous-huxley-1894-1963-john-le-232504">article</a> sur AgoraVox dans lequel il affirme que <i>«</i> Brave New World <i>constitue un monde où l’on s’amuse, où tout le monde s’amuse, même les castes de travailleurs inférieurs. (…) Je vais peut-être choquer les lecteurs intégristes et complotistes, mais je préférerais encore vivre dans ce</i> Brave New World <i>plutôt que dans la poubelle mondiale actuelle</i> (sic) <i>»</i>. Cela a le mérite de la franchise. Le totalitarisme fun et soft plutôt que notre société déprimante.
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Si le film s’en était tenu là, cela n’aurait pas eu grand intérêt, cela aurait été une peinture de plus de la société primitive idéale, après celle de Rousseau, les Hobbits de Tolkien, les Ewoks dans <i>Star Wars</i>, les Indiens dans <i>Danse avec les loups</i>, les Na’vi dans <i>Avatar</i>, etc. (la liste est infinie). Mais la grande intelligence d’Ari Aster consiste à dépasser ce stade idyllique, et à pousser la logique de la société traditionnelle jusqu’au bout, telle qu’elle fonctionne effectivement dans la réalité. Nous avons abordé le sujet du contrôle des naissances, lequel s’effectue dans le film par divers moyens de sélection des parents, d’altération de la volonté et du consentement, etc. (méthodes préconisées par Platon dans <i>La République</i>, rappelons-le, cf. livre V). Mais la mort elle aussi est au pouvoir absolu du groupe. Dans le film, les individus âgés de soixante-douze ans sont considérés comme ayant achevé leur parcours terrestre, ils sont tout bonnement éliminés, précipités du haut d’une falaise, achevés à coups de maillet au besoin. Rappelons qu’à Sparte ce sont les nouveau-nés malingres ou malformés qui étaient précipités du haut d’une falaise. La pratique dite de l’« exposition » était bien connue dans l’Antiquité. En ce qui concerne les adultes, Platon, une fois de plus, a tracé le programme dans <i>La République</i>, avec l’élimination des citoyens inutiles, malades, etc. (cf. 407d). Il ne s’agit pas de délires gores du réalisateur, mais bien de la logique de la société holistique, telle qu’elle a toujours existé, et dans laquelle la vie de l’individu compte peu par rapport à la cohésion du groupe. Ces scènes de mises à mort, ainsi que ce qui suit (perpétration de sacrifices humains et autres joyeusetés), plongent le spectateur occidental en plein dilemme, en pleine dissonance cognitive. D’un côté, il est fasciné par la société traditionnelle, l’existence contemporaine est tellement vide et déshumanisée qu’il est prêt à souscrire de tout son cœur à la régression vers une société holistique, laquelle lui semble combler toutes ses aspirations fondamentales ; de l’autre, certaines conséquences de ce mode de vie lui paraissent tout de même un peu dures à avaler, il est prêt à renoncer à sa liberté, pas de problème, mais lorsqu’on touche à sa vie certaines réticences finissent tout de même par se manifester. Notons bien que ce ne sont jamais les idéaux de la société traditionnelle qui sont mis en question ; encore une fois, l’occidental ne croit plus à rien donc il est tout à fait prêt à faire litière de toutes ses valeurs ; aucun jugement moral ou idéologique n’est jamais porté tout au long du film, les « valeurs » qui sont les nôtres ne sont jamais défendues par personne, ni même nommées. Non, c’est lorsqu’on menace son sacro-saint confort, lorsqu’on soumet son existence même à des impératifs supérieurs, c’est alors que l’instinct de l’occidental se réveille et se rebiffe.
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Ce que <i>Midsommar</i> reflète admirablement, c’est le désarroi complet de l’homme moderne, sa totale perte de repères. Comme l’a écrit Jacques Ellul dans <i>Les Sources de l’éthique chrétienne</i>, <i>« notre civilisation a rompu les attaches avec la civilisation traditionnelle, (…) nous sommes dans un monde nouveau, sans commune mesure avec les précédents »</i>. C’est là une rupture définitive, et malgré toute la nostalgie du monde, il n’y a aucun retour en arrière possible. Tous les intellectuels traditionalistes, monarchistes, néopaïens, etc., sont des poètes avant tout, ils sont déconnectés de la vie réelle et de ses rudes déterminations. Mais l’arrachement à la société traditionnelle, le plus dur arrachement qui soit, l’Occident a pu l’effectuer parce qu’il obtenait en compensation des biens supérieurs à tout ce qu’il a perdu : la dignité de l’individu, lequel est unique et premier aux yeux de Dieu, la liberté, le primat de l’espérance par rapport aux contingences, le primat de la charité par rapport aux intérêts et à la tradition. On aura reconnu les valeurs chrétiennes, et ce n’est pas un hasard, car c’est bien le christianisme qui a opéré cette grande rupture et l’a propagée – au prix de beaucoup de souffrances et de malentendus – dans le monde entier. Seulement voilà, les conséquences du christianisme nous sont restées (l’individualisme), mais elles ont été coupées de leur source, de leur racine, du fait du grand mouvement de sécularisation et d’athéisme, puis de nihilisme, et tout simplement de bêtise, qui s’est développé depuis maintenant plusieurs siècles. Nous avons quitté la Tradition, mais nous nous sommes détachés de Celui qui nous a poussés à le faire et qui seul rendait cette situation vivable. C’est cela qu’illustre <i>Midsommar</i>, malgré tous ses simplismes et toute sa superficialité : la nostalgie d’un mode de vie perdu, l’attrait quasi hypnotique que l’Ancien Monde, le monde condamné par Dieu et cloué sur la Croix avec le Christ (cf. Col 2, 14), exerce encore, malgré toutes ses horreurs, sur nous tous, hommes de peu de foi.
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-32675892182327366622022-12-08T20:00:00.002+01:002023-02-24T15:12:08.298+01:00La Loi et la foi<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhiZz71cA_qutkjghSJfYOxqLuBHis6PS_qmHyoH42_qbIcMjHU5mmM9VpoiA1-TyoQgobJpF3CgYIhdSI-N4uVmzv2cD4hbaTkXu9JTkj36W3uxXQ6zNgBha26wx_tHBr_QAmBhjd3iThAhBdpShrpJrmIVNLprwcp_m9eG8mjOU8xO9Zaca4C_GepHg/s246/ellul2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="188" data-original-width="246" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhiZz71cA_qutkjghSJfYOxqLuBHis6PS_qmHyoH42_qbIcMjHU5mmM9VpoiA1-TyoQgobJpF3CgYIhdSI-N4uVmzv2cD4hbaTkXu9JTkj36W3uxXQ6zNgBha26wx_tHBr_QAmBhjd3iThAhBdpShrpJrmIVNLprwcp_m9eG8mjOU8xO9Zaca4C_GepHg/s16000/ellul2.jpg" title="La Loi et la foi" /></a><br> <br>
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Je discutais l’autre jour avec un ami catholique.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« La Nouvelle Alliance a aboli l’Ancienne, lui dis-je. Pour un chrétien, est-il vraiment nécessaire de prendre en compte les centaines de prescriptions rituelles contenues dans le livre de l’Exode ou du Lévitique ? Que nous importe-il de savoir que la Tente de la Rencontre doit comporter dix bandes d’étoffe de fin lin retors, de pourpre violette et écarlate et de cramoisi, de vingt-huit coudées de long et de quatre coudées de large chacune ? Que l’autel des holocaustes doit mesurer cinq coudées de large sur cinq coudées de long et trois coudées de haut ? Que la femme reste impure pendant quarante jours si elle accouche d’un garçon, et le double si elle accouche d’une fille ? Tout cela, ce sont des prescriptions dépassées, caduques, qui n’ont pas la moindre signification pour nous, dont il n’est même pas besoin de prendre connaissance à la vérité. Nous n’en avons pas besoin pour accomplir la volonté de Dieu. Nous avons le Christ, qui est le Chemin, la Vérité et la Vie, et nous avons la foi, qui seule sauve et seule justifie, comme l’a bien expliqué saint Paul. Laissons la Torah comme un vestige du passé, et concentrons-nous sur Jésus, notre Sauveur. »
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
Mon ami garda le silence pendant un certain moment, puis il me dit : « Ce n’est pas la première fois que j’entends ce genre de discours, et souvent, malheureusement, de la part de croyants très sincères et très bien intentionnés. Laisse-moi te dire qu’à mon avis tu te trompes, tu te trompes complètement. On peut bien sûr se revendiquer du Christ de façon simple, naïve, et mieux vaut sans doute se placer sous ce patronage que sous celui des puissances du monde. Mais le croyant sérieux, studieux, qui prétend à une certaine connaissance dans les choses de la foi, qui prétend donner aux autres un avis éclairé sur ces sujets, ne peut absolument pas faire l’économie d’une étude approfondie des multiples prescriptions de la Loi mosaïque. Il ne peut pas balancer tout cela par-dessus son épaule et déclarer que cela n’a aucune importance. Ce serait là une erreur grave, un vrai non-sens du point de vue théologique. La Révélation est une, et les volontés de découpage, de sélection des textes, des auteurs et des autorités, incessantes au cours de l’histoire de la chrétienté, sont la marque première et récurrente de l’hérésie, qui est une tentation constante de l’homme face à cette révélation.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
« Il y a un auteur qui a parfaitement saisi et expliqué tout cela, c’est Jacques Ellul, en particulier dans la partie IV de l’introduction à son <i>Éthique de la liberté</i>, texte longtemps inédit et qui a été récemment publié aux éditions Labor et Fides sous le titre <i>Les Sources de l’éthique chrétienne</i>. Ellul pose bien le problème : <i>« Si l’on dit que la grâce est le contenu de la loi, est-ce que cela ne conduit pas à penser que la loi n’a aucun contenu spécifique ? Elle n’est qu’une enveloppe. Et, le théologien ne sera-t-il pas tout près de négliger la singularité de chaque commandement au profit de cette vision globale de la loi ? Dès lors, ceci mènerait à dire que les exigences particulières des textes bibliques, dont beaucoup sont évidemment désuètes ou incompréhensibles, peuvent être laissées de côté, car, qu’il s’agisse de la façon de tisser les étoffes ou de soigner la lèpre, de toute façon, le contenu de ces paroles est la Grâce et il n’y a rien d’autre. »</i> Une telle attitude, qui est celle sans doute de la plupart des chrétiens, est inacceptable : <i>« Ceci nous semblerait extrêmement dangereux parce que sous prétexte d’élever la foi à la hauteur de l’Évangile et de l’unir étroitement à lui, cela reviendrait en fait à la volatiliser dans sa réalité concrète. »</i> Ellul explique qu’il y a bien un contenu de la Loi, spécifique, déterminé, et, citant Oscar Cullmann, il rappelle que <i>« le christianisme n’établit pas un commandement nouveau, mais il exige que l’ancien commandement, connu depuis longtemps, soit accompli en partant de cet indicatif (c’est-à-dire de ce que Jésus-Christ a déjà accompli lui-même ce commandement), c’est-à-dire qu’il soit observé rigoureusement »</i>. Chaque prescription vétérotestamentaire doit donc être prise en compte : <i>« Après tout, l’on comprend mal pourquoi Dieu s’est révélé au travers de ces histoires si elles sont sans importance, et pourquoi il s’est révélé comme le législateur au travers de ces prescriptions minutieuses si leur minutie n’a pas de valeur »</i>. L’homme naturel est par lui-même incapable de tirer les conséquences pratiques, concrètes, de la révélation de Dieu, dans sa vie quotidienne. C’est là un travail qu’il nous était impossible de faire, d’où le caractère absolument pratique, appliqué, de la Loi révélée au peuple du Sinaï : <i>« Le luxe de détails et de précautions qui y sont contenus est assurément la démonstration que nous sommes incapables par nos propres moyens et nos propres forces de déduire du Message central une éthique ou une loi. Ils sont vraiment commandements de Dieu, contenus dans la livre de la Révélation, et par là ils manifestent que c’est Dieu qui tire les conséquences concrètes pour nous de sa Grâce, que c’est Dieu qui formule une exigence ayant un contenu précis, et non pas une exigence abstraite, prise comme cadre, de contenus que nous-mêmes lui assignerions. Le fait que Dieu ait exprimé ces prescriptions-là veut dire qu’elles ne sont pas indifférentes. Nous devons donc prendre au sérieux chacun de ces textes et non pas seulement l’ensemble de la loi vue sous son aspect global. »</i> Et Ellul cite, pour finir, la parole sans ambiguïté de Jésus dans l’évangile selon Matthieu : <i>« Celui qui transgresse le plus petit des commandements transgresse toute la loi »</i> (Mt 5, 19).
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« Bien sûr, il ne s’agit pas de tomber dans un littéralisme obtus, et d’appliquer à la lettre chacun des six cent treize mitzvot de la Torah. C’est bien le propre du christianisme, en effet, d’opérer un dépassement dialectique de la Loi, accomplie par Jésus dans sa plénitude ; Jésus qui a fait œuvre d’obéissance parfaite et unique à la volonté du Père, œuvre d’obéissance à laquelle le croyant participe par sa profession de foi en la Seigneurie de Christ (cf. Rm 10, 9). Mais c’est précisément de l’obéissance à cette loi-là, bien spécifique, qu’il s’agit. (Ellul : <i>« Chaque commandement devient totalement sérieux parce que Jésus-Christ a accompli ce commandement-là. »</i>) Sur le pectoral qui recouvre l’éphod du grand prêtre, c’est bien une sardoine, une topaze, une émeraude, une escarboucle, un saphir, un diamant, une agate, une hyacinthe, une améthyste, une chrisolythe, une cornaline et un jaspe que l’on trouve, ces pierres-là et non pas d’autres. Si la chevelure du nazir est rendue impure par le contact d’un mort, c’est le huitième jour que celui-ci devra apporter deux pigeons ou deux tourterelles au prêtre pour les sacrifices de purification, le huitième jour et non le neuvième. C’est le vautour-griffon, le gypaète, l’orfraie, le milan noir, le milan rouge, l’autruche, le chat-huant, la mouette, le hibou, le cormoran, l’ibis, le pélican, la cigogne, le héron, la chauve-souris, ce sont ces volatiles-là qui sont impurs, et non pas d’autres. En ce qui concerne les sacrifices, c’est la graisse qui recouvre les entrailles, les deux rognons, la graisse près des lombes, ainsi que le lobe du foie qui seront consumés sur l’autel en parfum d’agréable odeur pour Yahvé. Le reste (la peau, la tête, les pattes, les entrailles, les excréments) sera brûlé hors du camp. Ce sont des animaux mâles sans défaut qui seront offerts en holocauste, et non des femelles. Pour vérifier si quelqu’un est affecté d’une dartre ou de la lèpre, c’est deux fois sept jours que le malade devra être séquestré avant d’être examiné par le prêtre, pour vérifier si la tache blanche est bien devenue mate et n’a pas proliféré, c’est cette procédure-là qu’il faut observer et non une autre. Et ainsi de suite.
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« Ces détails ne sont pas vains, dans la mesure où l’Ancien Testament est prophétique du Nouveau, que ce soit sur le plan sacerdotal (cf. l’Épître aux Hébreux) ou sur le plan eschatologique (cf. l’Apocalypse). Ils sont comme la matière première dans laquelle les textes du Nouveau Testament vont puiser leur substance. Comment peut-on prétendre comprendre quelque chose aux notions de sacrifice, d’Alliance, d’intercession du Grand Prêtre, de Jour du Seigneur, si l’on ne se base pas sur le corpus au sein duquel elles ont été révélées ?
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« La Loi est le fondement sur lequel doit s’appuyer la foi pour avoir quelque solidité, une assise concrète, sans quoi la tentation est grande de s’envoler directement dans les nuages, au mépris des réalités de ce monde (grande tentation mystique). Le détail minutieux des commandements bibliques nous montre avec quel soin, quelle application nous devons considérer les affaires de cette vie, qui doivent toutes être effectuées sous le regard et en vue du Seigneur. Il y a en effet des orientations globales que le croyant doit retirer de l’étude de la Loi mosaïque : reconnaître la transcendance absolue de Dieu (une chose que nous ne concevons absolument pas en général), placer le service de Dieu avant nos propres intérêts (alors que toute la mentalité contemporaine nous invite à faire le contraire), respecter la vie, œuvrer pour les forces de la vie et de l’avenir sans se laisser engluer par les puissances mauvaises du ressentiment et du désespoir, avoir une appréhension objective de la situation, connaître notre juste place par rapport à Dieu et aux autres, etc. C’est tout cela qui ressort de la Loi bien étudiée, et c’est cela qui manque souvent aux chrétiens, dont l’exaltation un peu vaine contraste avec le solide bon sens des juifs.
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« Je vais finir sur une note un peu polémique. Sais-tu quel est l’auteur français qui, à mon avis, connaissait le mieux la Torah, ses centaines de prescriptions ? C’est Voltaire. Voltaire connaissait parfaitement la Bible, la Loi et les prophètes, bien mieux que la plupart des chrétiens actuels. Eh bien Voltaire avait beau passer son temps à dénigrer la Bible et le peuple juif, son étude de la Loi n’a pas été inutile, et l’on trouve chez lui précisément toutes les qualités que je viens d’évoquer : le bon sens, la lucidité, la conscience de notre place infime dans l’univers, le sens de la justice, la pitié envers les faibles, et surtout une appréhension extraordinairement objective de l’histoire humaine, dénuée de tout idéalisme, comme dans la Torah (son <i>Essai sur les mœurs</i> est à cet égard un monument inégalé). On peut soutenir, même si cela peut sembler paradoxal, que Voltaire était plus proche de la volonté du Dieu biblique que Thérèse de Lisieux par exemple, ou que tel autre mystique, focalisé sur un Jésus privé de tout contenu déterminé. Car Jésus n’est pas une entité abstraite ou sentimentale, Jésus c’est l’accomplissement de la Loi, et d’une Loi bien précise, celle du Sinaï.
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« Je te prie donc de revoir ta conception des choses. Notre époque est prompte à juger du passé avec une certaine condescendance. Mais dans le cas de la Bible, c’est toute une civilisation, tout un art de vivre, extrêmement détaillé, qui nous ont été transmis. Comme l’écrit Ellul : <i>« Cette loi qui était la loi des Juifs, devient la loi de tous ceux qui reconnaissent Jésus-Christ pour leur Seigneur, puisque c’est la loi acceptée par ce Seigneur même. Elle est maintenant une loi valable pour tous ceux que Dieu appelle parmi tous les peuples. »</i> Le chrétien a le devoir de la considérer avec respect, avec vénération même, car il estime que c’est là la Parole de Dieu. Il en va du sérieux de notre foi. »
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Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-63459259928633112872022-11-16T18:00:00.002+01:002022-11-20T09:22:51.548+01:00Fragments, novembre 2022<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiuJxrt2A2cUb-OBkNYT5GN-uTW4fAX2qGq8sOut4X96ON8LkQk4lEJhhTzlRjowVoaFbMwgxL5sOs8S1DkxqZpWB8o4CgKnAvZzvlQCxSC-l-DV-ZsPhze5vFzrhdk_BBMdBNTxagkn2kqvFxwqc8Mr4zqccOZW25QFTwCwFgiw8pD5czb8U72zYEm9A/s1600/magic1.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" data-original-height="174" data-original-width="289" src=https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiuJxrt2A2cUb-OBkNYT5GN-uTW4fAX2qGq8sOut4X96ON8LkQk4lEJhhTzlRjowVoaFbMwgxL5sOs8S1DkxqZpWB8o4CgKnAvZzvlQCxSC-l-DV-ZsPhze5vFzrhdk_BBMdBNTxagkn2kqvFxwqc8Mr4zqccOZW25QFTwCwFgiw8pD5czb8U72zYEm9A/s1600/magic1.jpg title="Fragments, novembre 2022" /></a>
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Woody Allen : la grande ironie dans tout cela, c'est qu'on peut précisément attribuer au cinéma ce qu'il dit de la religion. L'illusion n'est pas forcément là où l'on pense. Lorsque l'on prie ou qu'on lit les Écritures, on est en phase avec la réalité ; la vraie foi est une école de lucidité ; le silence, le recueillement nous rapprochent de la véritable nature de l'existence, toutes les traditions spirituelles le professent. Lorsque l'on sort d'un film de Woody Allen au contraire, on est un peu étourdi, comme si on était légèrement ivre. C'est qu'on a été exposé à tous les enchantements du cinéma (musique sirupeuse, actrices, histoire touchante, etc.). Le cinéma de Woody Allen est précisément ce qu'il accuse la religion d'être : une illusion consolante. Les anticléricaux tombent presque toujours dans les excès que la vraie foi a justement pour but d'éviter : l'idolâtrie, l'étourdissement esthétique pour fuir la réalité, les doctrines métaphysiques consolantes, etc. C'est une fatalité. Et cela explique sans doute les attaques répétées de W. Allen à l'égard de la foi : c'est vraiment le domaine qui échappe à son emprise, et qui dévoile la nature profonde de son art : une illusion consolante. Il faut renverser l'accusation pour être dans le vrai.
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<i>Magic in the Moonlight</i> illustre bien ceci : le film se propose de dénoncer la crédulité, la foi, l'espérance, etc., mais il s'achève, comme toujours, par une soumission à la grande idole et à la grande croyance de notre époque : l'amour romantique. Voilà la croyance qu'il aurait fallu attaquer pour faire vraiment acte de libre-pensée et d'iconoclasme, voilà le sacré et l'intouchable de notre époque !
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Erreur fondamentale de d'Ormesson : « Il y a un univers visible, donc il y a un Dieu, donc je serai sauvé. » C'est précisément le contraire qui est vrai. L'univers visible est appelé à passer, et à passer seulement, c'est maintes fois répété dans les Écritures. La foi dans le salut repose sur le Christ, sur la Parole de Dieu, et non sur la Nature. D'Ormesson avait une formation philosophique, et sa vision des choses était typiquement philosophique.
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Luc Ferry : sa vulgarité, sa bêtise crasse, sa soumission aux puissants, aux muscles (Poutine, Xi Jiping), en un mot son immoralité foncière peuvent être directement attribuées à l'influence de Kant (dont il a été le traducteur). La philosophie détruit tout sens du sacré, ramène tout à l'effectivité, à l'observable, à la pure force mécanique et matérielle. Toujours cette réduction au mécanisme opérée par la philosophie, cet arasement de toutes les autres dimensions de la vie, cette cécité à l'égard de tout ce qui est fin, esthétique. Alors, quand on fréquente les philosophes, puis qu'on les abandonne, une fois que leur influence immédiate s'estompe, il reste leur influence de fond, c'est-à-dire la régression à la brute, la destruction de tout ce qui fait l'homme un peu évolué. Le résultat, c'est Luc Ferry, un philosophe qui passe son temps à éructer contre tout et qui ne respecte que la force brutale (Poutine).
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La philosophie repose toujours sur la négation de la culture humaniste, dès l'origine (Platon contre Homère). Il s'agit toujours d'interpréter le réel en dehors de toute grille préconçue, de toute référence à une culture partagée et héritée. Ainsi, il y a au fond de toute entreprise philosophique une part de nihilisme, d'inculture, revendiquée et prônée.
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<i>Mythologies</i> de Roland Barthes : c'est l'expression de la prétention de la littérature à rester le discours explicatif suprême, apte à couvrir tout le champ de la réalité. En cela c'est un livre émouvant, mais aussi profondément ambigu, presque gênant : car enfin soit on veut expliquer les phénomènes de la culture de masse, dans leur réalité sociologique (et alors on fait de la sociologie, on explique la société), soit on se focalise sur le langage, sa transparence, son aptitude à saisir l'insaisissable, ses jeux diaprés, et on fait de la littérature (à la Proust). C'est le fait de vouloir jouer sur les deux tableaux qui rend toute l'entreprise de Barthes suspecte, comme impure, et qui donne à ses textes une certaine préciosité assez malvenue. Au fond, il veut toujours « faire des phrases », à propos de tout, c'est l'impression que cela donne (et les véritables enjeux sociologiques ne sont presque jamais saisis, le comble pour un penseur postmarxiste).
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Chez Dostoïevski, l'homme est presque toujours possédé par une idée fixe (Raskolnikov, Ivan Karamazov, Kirilov) qui le sépare des autres et de la charité évangélique, jusqu'à la folie. Appréhension très juste de la nature masculine. La femme, elle, est davantage en prise avec la réalité et avec les autres, mais elle est aliénée elle aussi : presque toujours elle cède à un penchant autodestructeur pour le mauvais garçon, l'intriguant machiavélique, le <i>bad boy</i> : Nastasia dans <i>L'Idiot</i>, Lisa et Dacha dans <i>Les Possédés</i>, Lise et Katerina Ivanovna dans <i>Les Frères Karamazov</i>, etc. Il est frappant de voir à quel point, chez Dostoïevski, sont déjà présents les traits les plus caractéristiques (et souvent encore tabous) de la nature à la fois masculine et féminine. (Il y a des exceptions toutefois : Aliocha, Sonia, etc.)
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</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-25459505960188624342022-10-19T18:30:00.018+02:002022-10-19T18:36:30.014+02:00Trois problèmes bibliques<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiVCaYI2V637tearjUFxy62UR-2XhiKEu39nDR-pYjyGUKmJTTECzavXzJtr3SGXyio9ciN2BTYkySr12yYgTpHmScF2TU5ZclVMkIZSQPgF-uxJyVLNA2-0ZWB9OZyW8cIhFApcn5AGFUnx5DxTSSGeL0Ab6gYWuIQpRnR_VbgKRK49gatlv2I9fw7Qg/s232/bible5.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="123" data-original-width="232" height="123" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiVCaYI2V637tearjUFxy62UR-2XhiKEu39nDR-pYjyGUKmJTTECzavXzJtr3SGXyio9ciN2BTYkySr12yYgTpHmScF2TU5ZclVMkIZSQPgF-uxJyVLNA2-0ZWB9OZyW8cIhFApcn5AGFUnx5DxTSSGeL0Ab6gYWuIQpRnR_VbgKRK49gatlv2I9fw7Qg/s1600/bible5.jpg" width="232"/ title="Trois problèmes bibliques" /></a>
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Comme tout grand texte sacré, la Bible est interprétée selon les grilles de lecture et les valeurs de chaque époque : lecture mystique au Moyen Âge, politique sous la monarchie absolue, puritaine au dix-neuvième siècle, sociale au vingtième, etc. Nous ne pouvons pas nous empêcher de lire le texte avec nos préjugés, ce qui conduit malheureusement à de nombreux contresens, gravement préjudiciables du point de la cohérence et de la rectitude de la foi. Cet article se propose de montrer de quelle manière, sur trois points précis, une lecture rigoureuse de la Bible se heurte à notre mentalité moderne, au lieu de la renforcer, contrairement à ce qu’ont tendance à penser bon nombre de croyants sincères et bien intentionnés.
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<b>1. La prière d’intercession dans les psaumes</b>
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Le christianisme est généralement perçu comme promoteur et défenseur de la famille traditionnelle. On ne compte plus les documents du Magistère de l’Église catholique qui promeuvent les valeurs familiales au sein d’un monde occidental en pleine déréliction (les plus importants du point de vue doctrinal dans la période récente étant sans doute <i><a href="https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_exhortations/documents/hf_jp-ii_exh_19811122_familiaris-consortio.html"> Familiaris Consortio</a></i> de Jean-Paul II (1981) et <i><a href="https://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20160319_amoris-laetitia.html"> Amoris lætitia</a></i> de François (2016)). Les lecteurs assidus de la Bible savent pourtant que le Nouveau Testament constitue l’une des plus violentes attaques jamais portées à l’encontre de la famille et des attachements familiaux. Inutile de rappeler les formules de saint Paul (<i>« Il est plus avantageux de ne pas se marier »</i> (cf. 1 Co 7) ou de Jésus dans les évangiles (<i>« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple »</i> (Lc 14, 26)). Religion de l’affranchissement absolu de l’individu à l’égard de tout ce qui le sépare de Dieu, le christianisme ne pouvait pas ne pas s’attaquer aux liens du sang, si prégnants dans le monde juif du Ier siècle. Le lien conjugal, qui est redevenu central à notre époque pour d’autres raisons (le délitement des structures sociales ne laissant plus guère que le couple comme ultime îlot d’intersubjectivité au milieu d’un océan d’indifférence anonyme), ce lien conjugal est particulièrement relativisé par le Christ. On connaît la polémique avec les saducéens sur le devenir du couple marié dans le monde à venir, et la réponse sans ambiguïté de Jésus (<i>« À la résurrection, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le ciel »</i> (Mt 22, 30)). On peut également observer que le lien conjugal est le seul qui ne soit pas favorisé d’une guérison miraculeuse dans les Évangiles : Jésus guérit la fille de Jaïre (Lc 8, 41) et celle du centurion (Mt 8, 5) ainsi que la belle-mère de Pierre (Mt 8, 14), il ressuscite Lazare, le frère de Marie et Marthe (Jn 11), mais il ne guérit ni ne ressuscite aucun époux, aucune épouse.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
On pourrait croire que cette froideur un peu rude à l’égard des liens familiaux est le propre du Nouveau Testament (le Christ étant l’archétype de ceux qui ne prennent pas de femme <i>« à cause du Royaume des Cieux »</i> (cf. Mt 19, 12)), et qu’il en est autrement dans l’Ancien Testament, compte tenu de l’accent mis sur les liens du sang dans la tradition juive. Il n’en est rien. Une illustration particulièrement éloquente de ceci ressort de l’examen du livre des psaumes. Avec le livre des psaumes, nous avons un corpus de cent cinquante prières, très variées, qui représentent une très grande diversité d’attitudes du croyant à l’égard de Dieu. On peut dire que les psaumes constituent un modèle indépassable de prière pour le croyant, qu’ils mettent en mots de façon adéquate et intemporelle tous les élans du cœur humain vers Dieu. Or il est frappant de constater que le livre des psaumes ne contient aucune prière d’intercession pour les proches du psalmiste. Celui-ci demande très souvent à Dieu de sauver sa propre vie (Ps 7, Ps 38, etc.), il lui rend grâce pour les bienfaits accordés, à la fois à titre individuel (Ps 30) et pour le peuple d’Israël (Ps 124). Mais il ne mentionne jamais l’épouse, les enfants, les proches, sinon à titre de leçon sapientielle (par exemple dans le psaume 128, dans lequel les proches ne sont absolument pas individualisés). Le psalmiste prie pour lui, pour son peuple, jamais pour sa femme, ses enfants, ses parents, ce qui contraste tout de même de façon assez radicale avec la prière telle qu’elle est pratiquée de nos jours chez les peuples qui la pratiquent encore (on peut penser au rôle central de la prière d’intercession chez certains chrétiens anglo-saxons par exemple).
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On ne peut faire ici l’économie d’une réflexion d’ordre théologique. Le dur réalisme de l’Ancien Testament a été maintes fois relevé par les exégètes (nulle croyance consolante, pas de vie après la mort, rien que le dur destin Israël, exposé de façon réaliste, peuple élu et malmené par son Dieu jaloux). La Bible est une école de réalisme, et la famille, le couple, il faut bien le reconnaître même si c’est difficile pour notre mentalité moderne, constitue bien souvent un domaine idéalisé, idolâtré, le domaine du transfert de toutes nos lacunes et aspirations affectives, sentimentales, égoïstes (André Gide : <i>« Familles, je vous hais ! Foyers clos ; portes refermées ; possessions jalouses du bonheur »</i>), ce qui n’a pas grand-chose à voir avec le service du Seigneur, unique objet de la révélation biblique. Dans la réalité, face à la souffrance, à la mort, l’individu est seul, seul face à Dieu. C’est cette expérience que nous transmettent les psaumes, et il faut avoir le courage de l’accepter, faute de quoi l’on retombe dans un idéalisme sentimental en définitive illusoire.
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<b>2. Le paradigme de l’élection divine dans la Bible</b>
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On constate un autre malentendu en ce qui concerne la notion d’élection divine. Nous sommes ici tributaires de nos pratiques démocratiques, pour lesquelles l’élection vise à faire ressortir le meilleur, <i>l’élu</i>, et de nos récits de science-fiction comme <i>Matrix</i> (Néo) ou <i>Terminator</i> (John Connor). La logique est rigoureusement inverse dans la Bible, ce que peu de personnes conçoivent, incompréhension qui conduit malheureusement à alimenter un antisémitisme résiduel. Dieu ne choisit pas le meilleur, le plus fort, le plus juste, mais le plus <i>faible</i>, uniquement, c’est là son seul critère. Et cela pour une raison bien simple : s’il choisit le plus fort, alors l’action de Dieu ne se manifeste pas aux yeux des hommes, il rentre dans les logiques du monde. <i>C’est uniquement en faisant triompher le plus faible et le plus dédaigné que l’action de Dieu se révèle de façon indiscutable aux yeux du monde.</i> C’est là un paradigme absolument récurrent dans toute la Bible. Dieu choisit Abraham et Sara parce qu’ils sont vieux, et que personne ne peut s’imaginer qu’ils vont donner le jour à une postérité innombrable. Il choisit Israël, non pas parce que c’est un peuple juste, pieux, craignant Dieu, le contraire est répété mille fois dans les Écritures (<i>« Tu es un peuple à la nuque raide »</i> (Ex 33, 5 ; Dt 9, 6)), mais parce que c’est le plus petit des peuples, le rebut des nations (<i>« Si Yahvé s’est attaché à vous et vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples : car vous êtes le moins nombreux d’entre tous les peuples »</i> (Dt 7, 7)). Il choisit Moïse « à la langue pesante » pour parler face à Pharaon et conduire son peuple hors d’Egypte. Il choisit David, dernier né de Jessé, malingre, roux de surcroît, pécheur autant qu’un autre (cf. 1 S 11), mais qui justement est si faible qu’il ne peut s’appuyer que sur Dieu. Il donne l’onction à Jésus, le Christ, qui, étant Dieu, <i>« s’est dépouillé, prenant la condition d’esclave »</i> (Ph 2, 7). Tel est le Roi des nations et de l’Histoire, ce qui est en cohérence parfaite avec tout le reste de l’histoire sainte.
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Ce qui ressort de ceci, c’est qu’il faut relativiser notre éternelle tendance à tout juger selon des critères moraux. Ce n’est pas au prix d’une ascèse, de qualités éminentes ou d’un perfectionnement moral que nous devons chercher à plaire au Seigneur (c’est là l’attitude pharisienne condamnée par Jésus). Le salut du Dieu biblique est offert <i>de toute façon, quelles que soient les fautes commises et les infidélités à son égard</i> (cf. Rm 3, 23 ; Ep 2, 5). Et c’est justement la reconnaissance de cette grâce, offerte contre toute logique humaine, qui doit déclencher chez le croyant l’attitude pieuse par excellence, « l’action de grâce ». L’Élu, l’Oint du Seigneur ne s’oppose pas aux réprouvés et aux rejetés : il est le moyen utilisé par Dieu pour que <i>tous</i> accèdent au salut (Dieu dit à Abraham : <i>« Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre »</i> (Gn 22, 18)). C’est là une logique divine limpide et qu’il faut faire l’effort de comprendre, faute de quoi on risque de retomber dans des mécanismes d’exclusion et d’autojustification trop présents dans le christianisme au cours de son histoire et aujourd’hui encore.
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<b>3. Le Christ et les Écritures</b>
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Il faut enfin lutter contre une tendance bien présente dans l’histoire du christianisme, tendance fort vivace encore à l’heure actuelle malheureusement, et qui consiste à opposer le « bon Jésus » du Nouveau Testament, charitable et miséricordieux, au Dieu terrible et colérique de l’Ancienne Alliance, qui ne respire que carnages et violences interraciales. C’est là une tendance ancienne (marcionisme), bien compréhensible étant donné la mentalité contemporaine (imprégnée de subjectivisme, horrifiée à la vue de la moindre violence physique, mais totalement aveugle à la destruction du sens même de la civilisation et de la culture sous les coups de boutoir d’un pragmatisme à courte vue bien autrement délétère en réalité), mais c’est une tendance qui ne repose sur aucun fondement scripturaire. Le « gentil Jésus » ne s’oppose pas au méchant Dieu des juifs. Bien au contraire, à chaque fois que Jésus est mis à l’épreuve, c’est vers l’héritage juif qu’il se tourne, et en particulier vers les Écritures.
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Deux épisodes des évangiles sont à cet égard absolument révélateurs, et ne laissent aucune place à l’ambiguïté. Le premier épisode est celui des trois tentations du Christ, au désert. Il faut tout d’abord se garder de toute lecture morale de cette notion de « tentation ». Il ne s’agit pas de tentations sensuelles comme nous avons spontanément tendance à le penser (cf. le fameux film de Scorcese, <i>La Dernière Tentation du Christ</i>). Il s’agit de la triple tentation du diable à l’égard du triple commandement divin : <i>« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir »</i> (Dt 6, 5). <i>« De tout ton cœur »</i>, c’est-à-dire en lui soumettant les désirs intérieurs (en l’occurrence la faim) ; <i>« de toute ton âme »</i>, c’est-à-dire en étant prêt à lui soumettre son corps physique, sa vie ; <i>« de tout ton pouvoir »</i>, c’est-à-dire au prix des biens terrestres, des richesses, etc. Or, face à cette triple tentation, que fait Jésus ? Il ne puise nullement dans un mérite qui lui serait propre, dans une vertu surhumaine et divine (« parce que c’est Jésus »). Non, mais il se tourne humblement vers l’Écriture, vers la Torah, et il cite trois versets du Deutéronome : <i>« Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu »</i> (Dt 8, 3) ; <i>« Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu »</i> (Dt 6, 16) ; <i>« C’est le Seigneur que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte »</i> (Dt 6, 13). C’est bien la Loi juive qui permet à l’homme faillible de résister à Satan (cf. Ps 119 : <i>« Ta Loi fait mes délices. Des chemins du mal, je détourne mes pas, afin d'observer ta parole »</i>).
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De même, au moment suprême, sur la croix, que fait, que dit Jésus ? Sur ses lèvres, ce sont une fois de plus des versets de l’Écriture qui se présentent, en l’occurrence des psaumes : <i>« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »</i> (Mt 27, 46, cf. Ps 22, 2) ; <i> « En tes mains je remets mon esprit »</i> (Lc 23, 46, cf. Ps 31, 6). Jésus n’est donc pas venu pour abolir l’Écriture, pour se substituer au méchant Yahvé, mais au contraire pour <i>l’accomplir</i>. Il n’apporte strictement rien de plus par rapport aux Écritures juives, si ce n’est qu’il les condense en une personne, lui le Fils qui offre l’Héritage promis à ceux qui le reconnaissent comme Seigneur (cf. Ga 4, 7).
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Nous avons mentionné trois aspects des Écritures qui prêtent souvent au malentendu, compte tenu de la mentalité contemporaine. Non, la famille n’est pas la valeur suprême pour la Bible comme elle l’est pour nous. Non, l’élection divine n’est pas un signe de supériorité, mais au contraire de faiblesse. Non, le bon Jésus ne s’oppose pas au méchant Yahvé. On aurait pu en citer d’autres. Ce qu’il faut retenir de tout ceci, c’est que le croyant ne peut pas se contenter de plaquer sa mentalité moderne sur le récit biblique, en étant convaincu de connaître le Bien et le Juste indépendamment de l’Écriture elle-même. Un effort de lecture, de compréhension, d’herméneutique est indispensable, quitte à heurter notre bonne conscience, cette bonne conscience qui, comme le bon sens de Descartes, est sans doute la chose la mieux partagée du monde.
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Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-86158308920322694902022-09-28T18:30:00.004+02:002022-09-29T21:06:31.330+02:00Réflexions sur Euripide<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiVhs54jcY0HOmwb8hXLMH1bGdP2gQkcHx8v20OVK72I9WMia09Is1MqK2P_0j1nrzNnilN71ierJYI4Gm8UPTH_r5NpBq0uZvE2oPMVQoCbrf9rxy8eo-DLSAHMsJ-2aKbQTdq9-9aUlXEXcHUdo_9bQVtlHjIpvZomSotZM-gRGfShXLlshaDVwDnZQ/s234/euripide5.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="234" data-original-width="176" height="234" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiVhs54jcY0HOmwb8hXLMH1bGdP2gQkcHx8v20OVK72I9WMia09Is1MqK2P_0j1nrzNnilN71ierJYI4Gm8UPTH_r5NpBq0uZvE2oPMVQoCbrf9rxy8eo-DLSAHMsJ-2aKbQTdq9-9aUlXEXcHUdo_9bQVtlHjIpvZomSotZM-gRGfShXLlshaDVwDnZQ/s1600/euripide5.jpg" width="176" title="Réflexions sur Euripide" /></a>
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Euripide est sans doute l’un des personnages les plus controversés de l’Antiquité. Accusé à la fois par Nietzsche et par Aristophane d’avoir perverti la jeunesse athénienne et précipité la décadence de la cité, il jouissait de son vivant d’un succès prodigieux, au point que, selon Plutarque, les prisonniers athéniens des latomies à Syracuse monnayaient leur libération contre la récitation de quelques-uns de ses vers. De fait, son œuvre a été mieux conservée que celles d’Eschyle et de Sophocle, puisque dix-huit de ses pièces nous sont parvenues, soit davantage que celles de ses deux prédécesseurs réunis.
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On peut rappeler brièvement les griefs formulés à l’encontre Euripide : il s’agit, non d’un authentique artiste, mais d’un intellectuel (le premier particulier à avoir possédé une bibliothèque privée d’après la légende), sous influence de Socrate, pétri de dialectique, antimusicien, etc. Il est incontestable que l’on observe chez lui une invasion impressionnante de la dialectique, de la pensée abstraite, souvent liée à la remise en cause de la conception traditionnelle de la divinité (<i>« Il n’est plus juste d’accuser les hommes, s’ils imitent les vices des dieux qui leur donnent de si funestes exemples »</i>, <i>Ion</i>). En cela, Euripide répondait au goût du public de son époque, ce qui est après tout la marque d’un artiste à part entière.
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Mais ce qui est très étonnant chez lui, c’est que cette conception moderne et innovante sur le plan formel s’associe à la plus rigoureuse orthodoxie quant au fond, quant au propos de la fable et à la conception de la vie et des dieux qu’on y trouve (en dépit des piques polémiques qui frappent à la première lecture). À cet égard, Euripide est bien plus « religieux » que Sophocle par exemple, chez lequel les dieux n’interviennent presque jamais directement, tandis qu’ils sont omniprésents chez l’auteur d’<i>Andromaque</i> (au point qu’on lui a souvent reproché son usage abusif du <i>deus ex machina</i>). Mais cela va bien plus loin que cela. Euripide est par excellence le poète de la <i>terreur sacrée</i>, la plus grande qui soit. Ses tragédies représentent les terribles châtiments infligés par les dieux à ceux qui les négligent. C’est le sujet de la plupart de ses pièces : <i>Les Bacchantes</i>, <i>Hyppolite</i>, <i>La Folie d’Héraclès</i>, <i>Médée</i>, etc. Il met ainsi à jour la raison d’être de l’art dramatique : le spectateur, à travers le filtre protecteur de la <i>mimesis</i>, peut goûter le plaisir de contempler impunément la réalité effroyable de l’existence. Rien n’est donc plus faux que la lecture « naturaliste » que nous pouvons être tentés de faire de son œuvre (peinture des passions humaines, etc.). Il s’agit d’un théâtre religieux, et cela s’exprime aussi par la restauration divine que l’on observe à la fin de ses pièces, restauration miraculeuse qui n’a rien d’artificiel, mais qui donne au contraire son sens au drame auquel on vient d’assister.
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Euripide est de plus, il ne faut pas l’oublier, le poète du <i>sacrifice</i>, de la vie offerte pour le salut de la communauté (<i>Iphigénie à Aulis</i>, <i>Les Phéniciennes</i>, <i>Les Héraclides</i>, etc.). Il touche en cela au cœur du mystère religieux de l’existence, et il a sans nul doute joué un rôle non négligeable dans la préparation de la mentalité occidentale au message évangélique (les auteurs de la Septante étaient imprégnés d’Euripide au moins autant que d’Homère, et on sait à quel point le Nouveau Testament est nourri de la Septante).
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Il y a un troisième aspect de l’œuvre d’Euripide qu’il ne faut pas négliger, c’est son sens exceptionnel de la dramaturgie, sa très grande intelligence critique. Il est doté d’un sens proprement grec des proportions et de l’harmonie, auquel tout le récit est subordonné, et l’enchaînement des épisodes s’opère toujours chez lui de façon très satisfaisante, très divertissante, logique et instructive. Il s’agit là d’un instinct d’artiste auquel rien ne peut suppléer, et qu’il est difficile d’expliquer à ceux qui en sont totalement dépourvus. Ce n’est pas pour rien que Racine a puisé chez lui tant de sujets pour ses pièces, et Richard Wagner, qui ne l’aimait guère, le lisait néanmoins régulièrement et reconnaissait son influence à travers les siècles (<i>« Nous revenons encore dans la conversation sur l’influence nuisible qu’Euripide a eue sur la poésie moderne, jusque sur Goethe et Schiller »</i>, Journal de Cosima Wagner, 2 avril 1874).
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La contrepartie de cet agencement rigoureux de la pièce, et du style dialectique qui lui est propre, c’est une certaine raideur de son théâtre. Il est moins spontané qu’Homère, moins lyrique, moins sauvage qu’Eschyle, moins naturel que Sophocle. Chez lui le poète se double toujours d’un critique et d’un intellectuel, d’où l’effet un peu étrange produit par certaines ratiocinations aux moments les plus pathétiques. Son goût de la symétrie, très socratique, casse complètement l’identification naïve aux personnages lors des joutes rhétoriques auxquelles ils se livrent souvent. Il gagne à être lu, plus peut-être qu’à être joué, ce qui peut expliquer la fortune posthume de son théâtre. Mais c’est dans tous les cas un artiste absolument exceptionnel, composite, contradictoire, brillant, à la fois ambivalent et parfaitement maître de son art ; l’un des plus grands assurément qui aient animé la scène dramatique au cours des siècles.
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Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-67370439266466257952022-09-07T18:30:00.028+02:002022-09-07T18:30:00.160+02:00Considérations sur le platonisme en politique<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCal4k2QDB-0iybjTsHX1oY8MsMWOPU08MGW3iALgjjt1tUMPE1C_mFVRY1GQV04Z4aTy93I8-6iWkXj9W5i0WBpEVfACZxGnpIjR_mLI1Zv3zpqs6lGsIuKwTMWSfrQ9Bmhysjzk1UnnCiyGQBiqmzTGX6ki6_37fPnKvraFCkwXa-g57FI9Kfvh7aA/s275/platon3.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="183" data-original-width="275" height="183" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCal4k2QDB-0iybjTsHX1oY8MsMWOPU08MGW3iALgjjt1tUMPE1C_mFVRY1GQV04Z4aTy93I8-6iWkXj9W5i0WBpEVfACZxGnpIjR_mLI1Zv3zpqs6lGsIuKwTMWSfrQ9Bmhysjzk1UnnCiyGQBiqmzTGX6ki6_37fPnKvraFCkwXa-g57FI9Kfvh7aA/s1600/platon3.jpg" width="275" title="Considérations sur le platonisme en politique"/></a><br> <br>
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Il n’est pas impossible que l’on ait mal interprété, jusqu’à nos jours, l’action des fameux « hommes illustres » de l’Antiquité classique. On a vu, chez tous ces généraux et hommes d’État grecs et romains, l’expression d’une civilisation à son apogée, une alliance unique et éblouissante de rationalité, de maîtrise de soi et d’énergie virile. Peut-être faudrait-il y voir au contraire, comme Nietzsche l’a fait en son temps, le signe d’une indéniable <i>décadence</i> par rapport aux vertus plus stables et plus discrètes de l’ère patriarcale grecque, dont Homère fournit l’archétype, et dont les tragiques (Eschyle, Sophocle, Euripide) constituent les tous derniers échos avant extinction. Le platonisme en particulier, philosophie abstraite s’il en est, lorsqu’il a été appliqué en politique, ne traduit-il pas un immense désarroi quant aux valeurs et au sens même de la vie ? Loin de mener à une maîtrise accrue de la situation, à une appréhension vraiment objective des choses, comme l’ont cru ses adeptes, n’a-t-il pas conduit, au contraire, de manière systématique, à des comportements aberrants, erratiques, et finalement à des résultats catastrophiques, conséquence naturelle d’une altération radicale de la conception saine de l’existence ? Ne faut-il pas faire le procès du platonisme en politique, et voir ce qu’il est vraiment : un signe de décadence et de désespoir ?
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Tout cela commence à la vérité avec Socrate, et c’est un des grands mérites de Nietzsche d’avoir entrepris une véritable critique de la nature et des motivations de l’esprit socratique, dès son premier ouvrage, <i>La Naissance de la tragédie</i> (1872), et jusqu’à ses toutes dernières pages de 1888 (<i>Ecce homo</i>). Qu’est-ce que Socrate ? C’est avant tout l’expression d’une révolte contre le grand principe patriarcal traditionnel, bien oublié de nos jours, mais qui a modelé toute la civilisation pendant des millénaires, et dont on trouve des traces un peu partout, dans le <i>Ramayana</i> de l’Inde, dans <i>L’Iliade</i>, mais surtout dans les institutions archaïques du monde indo-européen traditionnel, telles que de nombreux historiens ont pu nous les décrire (voir par exemple J. Ellul, <i>Histoire des institutions</i>, t. 1, pour ce qui concerne la Grèce). « Achille, fils de Pélée », « Hector, fils de Priam », « Ulysse, fils de Laërte », mais aussi « Cimon, fils de Miltiade », « Périclès, fils de Xanthippe », etc. Une exposition détaillée du principe patriarcal mériterait une longue étude à part entière, étude sans doute nécessaire tant ce principe nous est devenu étranger, mais il faut en tout cas comprendre que pour la mentalité que nous qualifierons d’« antique » tout le rapport à l’existence, l’essence même de celle-ci à vrai dire, était strictement déterminé par la lignée paternelle. C’est de cette lignée que toutes les vertus individuelles découlaient, il n’y avait pas d’autre source. « Digne de mon sang » est une notion qui revient sans cesse chez les tragiques. Cette conception de l’existence avait fait la preuve de sa pérennité, comme si elle était inscrite dans l’ordre même des choses. Elle donnait à la vie un certain caractère de noblesse et de grandeur, elle fournissait aussi une base de stabilité et d’endurance aux entreprises individuelles et collectives, dont l’agitation stérile de la vie politique contemporaine fournit l’exact contrepoint. Or c’est ce principe qui, sans que l’on sache vraiment pourquoi, s’effondre tout d’un coup, en Grèce mais aussi en Inde, aux alentours du VIe siècle avant notre ère. Socrate n’est pas le responsable de cet effondrement, il en est le symptôme. La dialectique socratique est un effort désespéré pour faire face et tenir bon, lorsque tout le reste fout le camp. Nietzsche y voit le triomphe des instincts populaires (de ceux qui, justement, n’ont pas de lignée) sur les antiques valeurs aristocratiques des Grecs : <i>« Avec Socrate le goût grec s’altère en faveur de la dialectique : que se passe-t-il exactement ? Avant tout c’est un goût</i> distingué <i>qui est vaincu ; avec la dialectique le peuple arrive à avoir le dessus. Avant Socrate on écartait dans la bonne société les manières dialectiques : on les tenait pour de mauvaises manières, elles étaient compromettantes. (…) On ne choisit la dialectique que lorsqu’on n’a pas d’autre moyen. On sait qu’avec elle on éveille la défiance, qu’elle persuade peu »</i> (<i>Crépuscule des idoles</i>, « Le problème de Socrate »). Dans l’Athènes du Ve siècle, confrontée à la guerre du Péloponnèse qui lui sera fatale, ravagée par la peste, agitée par les démagogues comme Cléon, la dialectique socratique représentait une planche de salut, puisque de toute façon les principes naturels de la civilisation traditionnelle étaient en train de couler : <i>« Le fanatisme que met la réflexion grecque tout entière à se jeter sur la raison trahit une situation de détresse : on était en danger, on n’avait que ce choix : ou couler à fond, ou être</i> absurdement raisonnable…<i> »</i> (<i>Ibid.</i>).
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Il faut donc bien comprendre, au seuil de cette réflexion, d’où vient le socratisme, et le platonisme qui en est la continuation théorique : il s’agit d’une construction artificielle, hors-sol pourrait-on dire, échafaudée en vue de récupérer le sens de la vie, lorsque celui-ci s’en est allé. Le refuge dans la vérité objective, « scientifique » dirait-on de nos jours (Nietzsche a des pages féroces dans lesquelles il assimile de façon très pertinente la mentalité scientiste de son époque à l’esprit socratique), ce refuge dans une « vérité » abstraite et universelle (conception qui gouverne encore notre monde aujourd’hui) est le fruit du désespoir, il ne peut séduire que des esprits coupés des valeurs ancestrales, des marginaux, des excentriques, des « sans-père », et il ne peut conduire qu’à des comportements dogmatiques, idéologiques, artificiels, absolument calamiteux sur le plan politique. C’est ce que nous essaierons de mettre en évidence dans cet article.
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Nous disposons, pour étudier le platonisme en politique durant l’Antiquité gréco-romaine, d’un outil incomparable : les <i>Vies des hommes illustres</i> de Plutarque. Il s’agit, pourrait-on dire, d’une « Histoire platonicienne de l’Antiquité », puisque Plutarque est un philosophe platonicien qui étudie l’histoire selon des principes platoniciens. Sans surprise, il montre une certaine prédilection pour les hommes d’État qui se revendiquaient de la même école que lui, et nous avons donc dans son œuvre toute une galerie de portraits d’authentiques platoniciens en politique. C’est donc à travers Plutarque que nous pouvons tenter de mesurer l’efficacité réelle du platonisme appliqué.
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Deux traits communs ressortent avec évidence de toutes les biographies que nous allons évoquer : 1. Une incontestable lacune, dans tous les cas, du côté de la lignée paternelle ; 2. Une propension à l’agitation politicienne, une tendance à vouloir appliquer des principes abstraits (souvent la « vertu », la « liberté ») à la situation, et ce au mépris des contingences, avec, dans quasiment tous les cas, une issue tragique.
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Nous pouvons à présent passer à nos « hommes illustres » (toutes les citations sont de Plutarque) :
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiadAtEiL_YaRywQqzofxIziX8UdMXgUnY_h3WGg8Wv3lv2XAia6bgAXOdw3Xz03mZou6bbzBjDLn1EKwwirA__4V-CIVhIfe30yITRs4jkEFJOrdwpjmnbVWMCbg5evbsKhgO0Es2ee5iqQKs5bCH0-LM_mewuwp_A5hnzNIngQZvCjkVdgADSyj6sxQ/s259/alcibiade.jpg" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="259" data-original-width="194" height="259" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiadAtEiL_YaRywQqzofxIziX8UdMXgUnY_h3WGg8Wv3lv2XAia6bgAXOdw3Xz03mZou6bbzBjDLn1EKwwirA__4V-CIVhIfe30yITRs4jkEFJOrdwpjmnbVWMCbg5evbsKhgO0Es2ee5iqQKs5bCH0-LM_mewuwp_A5hnzNIngQZvCjkVdgADSyj6sxQ/s1600/alcibiade.jpg" title="Considérations sur le platonisme en politique" width="194" /></a>
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- <u>Alcibiade</u> : Le père d’Alcibiade, Clinias, meurt à la bataille de Coronée (447 av. J.-C.), lorsque celui-ci n’a que deux ans. Il semble qu’Alcibiade ait trouvé en Socrate, auprès duquel il a combattu à la bataille de Potidée (432 av. J.-C.), une sorte de père de substitution : <i>« Assiégé et amolli dès sa jeunesse par ceux qui ne cherchaient qu'à lui complaire (…), il sut néanmoins, par la bonté de son naturel, reconnaître le mérite de Socrate ; il l'attira auprès de sa personne, et en écarta tous les hommes riches et puissants qui lui faisaient la cour. Il eut bientôt formé avec ce philosophe une liaison intime, et il écouta avec plaisir les discours d'un ami dont l'attachement n'avait pas pour objet une volupté honteuse et de lâches plaisirs ; mais qui voulait, en lui faisant connaître les imperfections de son âme, réprimer son orgueil et sa présomption. (…) On était étonné de le voir souper et lutter tous les jours avec Socrate, loger à l'armée sous la même tente que lui ; au contraire, traiter avec dureté tous ceux qui le recherchaient, les insulter publiquement. »</i> Alcibiade est donc le premier homme politique proprement socratique. Or qu’est-ce que la carrière politique d’Alcibiade ? Une suite de trahisons (passant d’Athènes à Sparte, puis au Mède, avant de revenir à Athènes et d’en être à nouveau exilé, etc.). Ce qu’il faut noter, c’est que l’homme qui a été le plus proche de Socrate est sans doute, en même temps, celui qui est le plus directement responsable de la chute de l’empire athénien (on connaît son rôle à l’origine de la désastreuse expédition de Sicile). Ce bref miracle athénien, où la force s’appuyait sur la rationalité, où un sens quasi divin de la beauté et de l’équilibre éclatait dans toutes les productions humaines (qu’on songe à la tragédie, à l’architecture), a donc été brisé irrémédiablement par un homme politique socratique. Alcibiade, après une série de revers, aura une fin tragique et obscure, assassiné en Phrygie, au sortir du lit de sa concubine.
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- <u>Dion de Syracuse</u> : Le père de Dion, Hipparinos, meurt alors que celui-ci n’est encore qu’un enfant. Il semble que Dion ait trouvé en Platon une sorte de père de substitution : <i>« Dion était d'un naturel fier, magnanime et courageux. Ces qualités s'accrurent encore en lui dans un voyage que Platon fit en Sicile par un bonheur vraiment divin, et auquel la prudence humaine n'eut aucune part. Il faut plutôt croire qu'un dieu, qui jetait de loin le fondement de la liberté des Syracusains, et préparait la ruine de la tyrannie, amena Platon d'Italie à Syracuse, et ménagea à Dion le bonheur de l'entendre. Sa grande jeunesse le rendait plus propre à s'instruire, et plus prompt à saisir les préceptes de vertu donnés par Platon, qu'aucun des disciples de ce philosophe. C'est le témoignage que lui rend Platon lui-même, et ses actions en sont encore une meilleure preuve. Élevé dans le palais d'un tyran, formé à des mœurs serviles, à une vie lâche et timide, toujours entouré d'un faste insolent, nourri dans un luxe effréné, rassasié de ces délices et de ces voluptés dans lesquelles on place le souverain bien, il n'eut pas plutôt goûté les discours de Platon et les leçons de sa sublime philosophie, que son âme fut enflammée d'amour pour la vertu. »</i> Ce n’est pas ici le lieu de revenir en détail sur les relations complexes entre Dion, Platon et Denys de Syracuse. Retenons seulement que Dion, imprégné par l’idéal platonicien, s’engagea dans une opposition intransigeante à l’égard de Denys, et qu’il fut exilé de longues années sur le continent. Après une dernière entrevue avec Platon à Olympie, Dion s’embarque en 357 pour Syracuse avec ses partisans, et chasse Denys du trône. Il est accueilli en libérateur par les Syracusains, mais il échoue finalement à venir à bout des dissensions internes, et il meurt assassiné, après avoir perdu une grande partie de ses soutiens. Agitations, dissensions, fin tragique, et désordre politique, puisque après sa mort Syracuse retombe dans la guerre civile, tel est le triste bilan du platonicien Dion en Sicile.
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Nous pouvons à présent passer aux hommes politiques romains :
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- <u>Caton d’Utique</u> : Le père de Caton meurt alors que celui-ci n’est encore qu’un enfant, et il est élevé par son oncle maternel. Très vite, Caton semble compenser cette lacune familiale par un attachement assez rigoriste aux idéaux philosophiques : <i>« Il se lia intimement avec Antipater de Tyr, philosophe stoïcien, et fit sa principale étude de la morale et de la politique. Épris d'un si grand amour pour toutes les vertus, qu'il y semblait porté par une inspiration divine, il préférait à toutes les autres la justice, mais cette justice sévère qui ne se prêtait jamais à la grâce ni à la faveur. »</i> Ce n’est pas ici le lieu de revenir en détail sur la carrière politique agitée de Caton le Jeune. Il est connu pour son opposition intransigeante à César, et ses revirements à l’égard de Pompée, qu’il finit par rejoindre lors de la guerre civile après l’avoir longtemps vilipendé. Caton meurt en platonicien, et, acculé à Utique par les victoires de César, il finit par se poignarder après avoir relu le <i>Phédon</i>. Agitations, dissensions civiles, mort tragique et vaine, puisqu’elle n’empêchera pas César d’accéder à la dictature, tel est le triste bilan de Caton en politique.
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- <u>Cicéron</u> : Cicéron était ce qu’on appelle un <i>homo novus</i>, c’est-à-dire qu’il n’est pas issu d’une famille patricienne. Plutarque fait état des incertitudes qui entourent sa lignée paternelle. Comme pour compenser une lacune de ce côté-là, le jeune Cicéron s’adonne avec enthousiasme à l’étude des lettres et de la philosophie : <i>« Il avait reçu de la nature un esprit né pour la philosophie et avide d'apprendre, tel que le demande Platon : fait pour embrasser toutes les sciences, il ne dédaignait aucun genre de savoir et de littérature. »</i> Il se forme en particulier auprès d’un maître platonicien : <i>« Après avoir terminé ses premières études, il prit les leçons de Philon, philosophe de l'Académie, celui de tous les disciples de Clitomachus qui avait excité le plus l'admiration des Romains par la beauté de son éloquence, et mérité leur affection par l'honnêteté de ses mœurs. »</i> Cicéron conservera toute sa vie ce fort attachement à l’égard de la philosophie, comme en témoignent les nombreux traités qu’il a consacrés à ce sujet, et auxquels nous devons en partie ce que nous savons sur les philosophies hellénistiques (notamment le <i>De Finibus</i> et les <i>Tusculanes</i>). Ce n’est pas ici le lieu de revenir sur la carrière agitée de Cicéron, sur ses nombreux revirements à l’égard de César et de Pompée. Après avoir prodigué son énergie dans de nombreux textes polémiques (<i>Philippiques</i>, etc.), il meurt finalement assassiné sur l’ordre d’Octave et d’Antoine, sans avoir réussi à empêcher la chute de la République et l’établissement du Principat. Agitations, dissensions civiles, fin tragique et vaine, tel est le triste bilan de Cicéron en politique.
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgN95FE-sO632XUKvUNvmFKwfNVvBbNw7ZD5MR2-mL-CziQD6D0hc37sOBvuRv2wweA-Qj0hSYl2HkaHnbk5UG8AYa46Yn0d7Kg8hpKbip7PUOdgj0tKYxYbnpUzsDZPGApavPajUm2fsefqehpnLc1WGtbTVCAILIyjbeZkp8u242qixkz2KYtJjf9Aw/s232/brutus2.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="177" data-original-width="232" height="177" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgN95FE-sO632XUKvUNvmFKwfNVvBbNw7ZD5MR2-mL-CziQD6D0hc37sOBvuRv2wweA-Qj0hSYl2HkaHnbk5UG8AYa46Yn0d7Kg8hpKbip7PUOdgj0tKYxYbnpUzsDZPGApavPajUm2fsefqehpnLc1WGtbTVCAILIyjbeZkp8u242qixkz2KYtJjf9Aw/s1600/brutus2.jpg" width="232" title="Considérations sur le platonisme en politique" /></a>
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- <u>Brutus</u> : L’incertitude règne autour des origines paternelles de Marcus Junius Brutus. Si, pour certains, il descend bien du premier consul de la république, Lucius Junius Brutus, pour ses ennemis, en revanche, <i>« Marcus Brutus était de race plébéienne, fils d'un Brutus intendant de maison, et (…) il n'était parvenu que depuis peu aux dignités de la république ».</i> Quoi qu’il en soit, c’est surtout du côté maternel que Brutus semble s’être tourné. Sa mère, Servilia, était la sœur de Caton (cf. <i>supra</i>), auquel il était fort attaché, au point de devenir son gendre. Tout comme Caton, Brutus était fort versé, dès son plus jeune âge, dans les lettres et la philosophie : <i>« On peut dire qu'il n'y avait point de philosophe grec dont Brutus ne connût la doctrine ; mais il donna une préférence marquée à l'école de Platon. »</i> La doctrine platonicienne semble avoir imprégné Brutus, et la droiture de son caractère ne passait pas inaperçue auprès de ses contemporains : <i>« Brutus, aimé du peuple pour sa vertu, chéri de ses amis, admiré de tous les gens honnêtes, n'était pas même haï de ses ennemis. Il devait cette affection générale à son extrême douceur, à une élévation d'esprit peu commune, à une fermeté d'âme qui le rendait supérieur à la colère, à l'avarice et à la volupté. Toujours droit dans ses jugements, inflexible dans son attachement à tout ce qui était juste et honnête, il se concilia surtout la bienveillance et l'estime publique, par la confiance qu'on avait dans la pureté de ses vues. »</i> Le destin politique de Brutus est bien connu : l’assassinat de César (<i>« La seule chose qui soit bien arrêtée dans mon esprit, c'est de n'être jamais esclave de personne »</i>), le conflit avec ses héritiers (Octave et Antoine), la défaite dans la plaine de Philippes et le suicide final. Brutus n’aura pas réussi à sauver la République. Agitations, dissensions civiles, fin tragique et vaine, tel est le triste bilan de Brutus en politique.
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La grande période classique de l’Antiquité occidentale, qui a vu la floraison de tant d’écoles philosophiques et en particulier du platonisme, est donc une période de crise sans précédent du principe fondamental de toute société humaine : l’ordre patriarcal. Ceci jette une lumière sans complaisance sur l’origine de la philosophie : celle-ci n’est ni une étape nécessaire et naturelle du progrès de l’esprit humain, ni un effort grandiose de l’homme pour atteindre on ne sait quel idéal de liberté et de béatitude. Elle est un effort désespéré et tragique pour faire face à la disparition du fondement même de l’existence. Les conflits incessants dans le monde méditerranéen entre l’époque de Socrate (guerre du Péloponnèse) et la bataille d’Actium sont l’expression et la conséquence directe de ce dérèglement global, que l’effervescence philosophique a grandement favorisé. Ce fut la fin de la paix, la fin du calme. Toutefois, cette crise a pris fin. Une génération après la mort de César, une voie grandiose a été rouverte à l’homme pour retrouver le chemin du Père, non pas le père selon la chair, mais le Père véritable, <i>« de qui toute paternité au ciel et sur la terre tire son nom »</i> (Éphésiens 3, 15).
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Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-963290020663263832022-08-17T18:30:00.001+02:002022-08-17T18:30:00.146+02:00Considérations sur la trilogie lyrique de Stanley Kubrick<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjhgUvq_hHPibjHVUgrflnqx2X-wferauwWF3jO1qP_P_VGvyPrJmqmg-AxY_jx8xJJzv_AVqvBmO3Ublg5Ztu83x2hDSmOB32Abl5M6786ILMqke5j-J1RD1o1JLXNUZJK6Cnep3Rj4qnKCs-EINwnr9QlHwODG0ua18qioxZNs-3PoT-ZyPQqFf_6rQ/s278/Lyndon12.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="170" data-original-width="278" height="170" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjhgUvq_hHPibjHVUgrflnqx2X-wferauwWF3jO1qP_P_VGvyPrJmqmg-AxY_jx8xJJzv_AVqvBmO3Ublg5Ztu83x2hDSmOB32Abl5M6786ILMqke5j-J1RD1o1JLXNUZJK6Cnep3Rj4qnKCs-EINwnr9QlHwODG0ua18qioxZNs-3PoT-ZyPQqFf_6rQ/s1600/Lyndon12.jpg" width="278" title="Considérations sur la trilogie lyrique de Stanley Kubrick" /></a><br> <br>
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Le lyrisme est un sentiment qui a complètement disparu à notre époque. Quand on y pense, c'est tout de même un fait prodigieux. L'humanité, qui n'a vécu que de poésie et de beauté pendant sept mille ans, a basculé d'un seul coup dans le pragmatisme technique, et celui-ci a tout rasé, il ne reste rien, pas même des ruines, les gens ne conçoivent même pas ce qu'a pu être, un jour, la poésie. « C'est de la poésie », « c'est de la littérature », voilà des arguments imparables pour disqualifier son interlocuteur dans une discussion.
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On pourrait s'interroger sur le rôle du cinéma dans cette évolution. Il est incontestable que le fait de passer de l'opéra au cinéma, de <i>Nabucco</i> à <i>La Mort aux trousses</i>, a sans nul doute largement contribué à cette extinction du sentiment lyrique chez nos contemporains. Mais c'est sur un cinéaste particulier que je souhaiterais revenir aujourd'hui, sur Stanley Kubrick et trois de ses films les plus célèbres.
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Dans les années 50 et 60, Kubrick sort un certain nombre de films tout à fait honorables, <i>Les Sentiers de la gloire</i>, le péplum <i>Spartacus</i>, la comédie noire <i>Lolita</i>, la farce satirique <i>Docteur Folamour</i>. Puis, en 1964, il s'enfonce dans quatre années de silence, à l'issue desquelles sortent une série de films révolutionnaires, à commencer par le célébrissime <i>2001, l'Odyssée de l'espace</i> en 1968. Tout à coup, après ses films caustiques en noir et blanc des années 60, c'est comme s'il ouvrait en grand les vannes d'un lyrisme exacerbé, avec trois films dotés d'une photographie superbe, et d'une bande-son qui va puiser chez les plus grands compositeurs occidentaux (Beethoven, Johann et Richard Strauss, Schubert, etc.). C'est précisément sur les ressorts du lyrisme de cette trilogie, composée de <i>2001, l'Odyssée de l'espace</i>, d'<i>Orange mécanique</i> et de <i>Barry Lyndon</i>, que je souhaiterais revenir ici.
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Le lyrisme de <i>2001, l'Odyssée de l'espace</i> est principalement le fait de sa bande-son : l'introduction grandiose d'<i>Ainsi parlait Zarathoustra</i> de Richard Strauss, et la quintessence de la valse viennoise avec <i>Le Beau Danube Bleu</i> de Johann Strauss. Dans ce film, le propos de Kubrick apparaît dans toute sa clarté : il s'agit de juxtaposer, à des fins esthétiques, deux éléments absolument inconciliables : la technique dans ce qu'elle a de plus avancé – et aussi de plus déshumanisé – (la conquête spatiale, l'intelligence artificielle) d'une part, et le sommet du lyrisme historique en Europe, avec la grande musique viennoise et post-wagnérienne d'autre part. Avec une grande intelligence et un sens artistique achevé, Kubrick injecte une dose massive de lyrisme musical dans un environnement qui, par définition, est censé l'exclure, celui de la haute technologie. Le lyrisme de <i>2001</i> est donc un lyrisme de contraste, le retour souverain, déstabilisant et subtilement ironique de la poésie et de la beauté dans un monde glacial et mécanique.
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C'est ce même rôle de contrepoint que le lyrisme jouera dans son film suivant, <i>Orange mécanique</i> (1972), sauf qu'il s'agit cette fois d'associer des passages de la <i>Neuvième symphonie</i> de Beethoven avec des images d'« ultraviolence », de sexe et de défilés nazis. Le film causa un scandale considérable, au point que Kubrick lui-même, menacé, dut demander au distributeur de le retirer des salles obscures après quelques semaines de diffusion, fait à peu près unique dans l'histoire du cinéma. Ici encore, c'est au fond l'incompatibilité du lyrisme avec les mœurs modernes (libération sexuelle, délinquance urbaine, totalitarisme politique, État policier) qui est signifiée par le réalisateur, qui joue sur le même effet de contraste que dans son film précédent, en variant seulement les éléments du mélange. Le lyrisme (sonore, mais aussi visuel) convoqué par Kubrick dans ces deux films futuristes ne signifie pas que notre monde est ouvert à l'art et à la beauté, mais au contraire que les éléments constitutifs de ce monde (la technique, la violence, l'exhibitionnisme sexuel) sont à ce point anti-lyriques, mécaniques et déshumanisés (grand thème du cinéma kubrickien) que la seule juxtaposition de l'un et de l'autre élément suffit à créer un effet de dissonance esthétique fort évocateur. Il s'agit bien, en creux, d'une critique de notre réalité.
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Avec <i>Barry Lyndon</i> (1975), le lyrisme est poussé à un stade ultime, total, difficilement soutenable à la vérité. Le film est caractérisé par une splendeur visuelle absolument inégalée dans l'histoire du cinéma, splendeur soutenue par une mise en scène hiératique (plans fixes, plans-séquences réglés au millimètre) et par une bande-son lancinante et mélancolique (la <i>Sarabande</i> de Haendel, le fameux trio de Schubert). Il faut bien comprendre ce dont il s'agit ici. Le contraste ne se situe plus à l'intérieur du film, il se situe entre la réalité du film et celle du spectateur de 1975 (période particulièrement laide sur le plan architectural, comme en témoignent certaines prises de vues extérieures d'<i>Orange mécanique</i>). Il s'agit, en exposant de façon continue le spectateur à des images absolument sublimes de la nature irlandaise, de l'architecture du siècle des Lumières, du mobilier, d'atours féminins dans toute leur diversité (robes, parures, prodigieuses coiffures, etc.), de causer une <i>souffrance</i> positive au spectateur, absolument désaccoutumé à l'égard de toutes ces expressions d'une haute civilisation, telle que nous avons pu la connaître il y a quelques siècles en Europe. Pour les yeux modernes, <i>Barry Lyndon</i> est tellement beau que cela en devient douloureux. C'est là la finalité secrète de ce lyrisme. Avec une certaine perversité, Kubrick use de la beauté plastique et sonore poussée à son paroxysme pour violenter le spectateur, exactement comme il a usé de la violence physique et sexuelle dans son film précédent, <i>Orange mécanique</i>. Il y a là, une fois encore, dénonciation en creux de l'anti-lyrisme foncier de toute notre société.
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Ce procédé, à la vérité, n'est pas propre à Kubrick. On le trouve, utilisé exactement de la même façon et en vue des mêmes fins, chez deux grands auteurs français, Charles Baudelaire et Gustave Flaubert. Baudelaire et Flaubert sont nés la même année, en 1821, et ils ont grandi à l'époque de Louis-Philippe (monarchie de Juillet), période caractérisée par une forte industrialisation et par une certaine effervescence des milieux économiques et financiers. En un mot, la société est devenue d'un coup plus vulgaire, l'argent et le bien-être matériel triomphent, le vieux monde romantique se dépoétise et disparaît. La double réaction de Baudelaire et Flaubert à cette situation est fascinante et pourrait faire l'objet d'un article à part entière. Plusieurs procédés seront utilisés par l'un et l'autre auteur pour exprimer le « spleen de Paris » et le prosaïsme étouffant de la vie provinciale (<i>Madame Bovary</i>). Mais l'un de ces procédés consiste précisément, par réaction à la vulgarité de la société nouvelle, à représenter en détail le mode de vie extraordinairement voluptueux et raffiné que l'on a pu trouver dans d'autres civilisations ou sous d'autres latitudes (exotisme). Qu'il me suffise de citer, pour illustrer ceci, deux courts extraits (on pourrait en trouver mille).
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Le premier est issu des <i>Petits Poèmes en prose</i> de Baudelaire, du poème intitulé <i>L'Invitation au voyage</i> : <i>« Sur des panneaux luisants, ou sur des cuirs dorés et d’une richesse sombre, vivent discrètement des peintures béates, calmes et profondes, comme les âmes des artistes qui les créèrent. Les soleils couchants, qui colorent si richement la salle à manger ou le salon, sont tamisés par de belles étoffes ou par ces hautes fenêtres ouvragées que le plomb divise en nombreux compartiments. Les meubles sont vastes, curieux, bizarres, armés de serrures et de secrets comme des âmes raffinées. Les miroirs, les métaux, les étoffes, l’orfèvrerie et la faïence y jouent pour les yeux une symphonie muette et mystérieuse ; et de toutes choses, de tous les coins, des fissures des tiroirs et des plis des étoffes s’échappe un parfum singulier, un </i>revenez-y<i> de Sumatra, qui est comme l’âme de l’appartement. »</i>
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Le second est issu de <i>Salammbô</i> (1862), le célèbre roman qui met en scène la révolte des mercenaires ennemis de Rome contre leurs employeurs carthaginois après la première guerre punique. La scène se déroule lors du grand festin donné au palais d'Hamilcar, lorsque Salammbô, accompagnée par les chants des prêtres eunuques du temple de Tanit, apparaît devant Mâtho et les autres soldats : <i>« Sa chevelure, poudrée d’un sable violet, et réunie en forme de tour selon la mode des vierges chananéennes, la faisait paraître plus grande. Des tresses de perles attachées à ses tempes descendaient jusqu’aux coins de sa bouche, rose comme une grenade entr’ouverte. Il y avait sur sa poitrine un assemblage de pierres lumineuses, imitant par leur bigarrure les écailles d’une murène. Ses bras, garnis de diamants, sortaient nus de sa tunique sans manches, étoilée de fleurs rouges sur un fond tout noir. Elle portait entre les chevilles une chaînette d’or pour régler sa marche, et son grand manteau de pourpre sombre, taillé dans une étoffe inconnue, traînait derrière elle, faisant à chacun de ses pas comme une large vague qui la suivait. »</i>
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Bien entendu, le quotidien de l'époque de Baudelaire et Flaubert se trouve davantage chez Zola que dans de telles évocations du luxe oriental, et c'est précisément pour cela que nos auteurs les décrivent avec tant de minutie.
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Le procédé est ici le même, exactement, que dans <i>Barry Lyndon</i> : fustiger en creux le prosaïsme de la société contemporaine par l'usage d'un lyrisme absolument échevelé dans la représentation de sociétés alternatives (le plus souvent du passé).
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Après <i>Barry Lyndon</i>, Kubrick réalisera encore trois chefs-d’œuvre, <i>Shining</i> (1980), <i>Full Metal Jacket</i> (1987) et <i>Eyes Wide Shut</i> (1999), mais en usant cette fois d'une esthétique beaucoup plus sobre (du moins pour les deux premiers), le génie du réalisateur résidant dès lors dans la fluidité millimétrique de la mise en scène et dans l'extrême subtilité du sous-texte et de la communication subliminale. La grande période lyrique était bel et bien terminée, au cours de laquelle Kubrick, non sans ironie et sans arrière-pensées, a repoussé les limites de la beauté et du romantisme au cinéma jusqu'à des niveaux jamais atteints depuis.
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Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-265333397136544015.post-31139497591592359152022-07-28T18:30:00.008+02:002024-03-04T16:23:38.805+01:00La philosophie kantienne est-elle compatible avec le christianisme ?<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="color: black; font-family: "times new roman" , serif; font-size: large; margin: 0px;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYixeW-2WoNWpzrboAT0VE9nKrI5VNI5rKdJAsO2-c_FFKDd1XdSEeP0I5kJMJa3fBULQljwicndtXSf_wcoCK55Kxtb2iiUIkd6MGBz-8MQJYVH9RDCrEYJumJ2fordfv1ob27PrgQ9NDRqsOsrk0cMXrwN_9atsjZG3WEOKWaVO_Jba2MwSuvJGGBw/s251/kant.jpg" style="display: block; padding: 1em 0px; text-align: center;"><img border="0" data-original-height="251" data-original-width="201" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYixeW-2WoNWpzrboAT0VE9nKrI5VNI5rKdJAsO2-c_FFKDd1XdSEeP0I5kJMJa3fBULQljwicndtXSf_wcoCK55Kxtb2iiUIkd6MGBz-8MQJYVH9RDCrEYJumJ2fordfv1ob27PrgQ9NDRqsOsrk0cMXrwN_9atsjZG3WEOKWaVO_Jba2MwSuvJGGBw/s16000/kant.jpg" Title="La philosophie kantienne est-elle compatible avec le christianisme"/></a>
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La philosophie d'Emmanuel Kant (1724-1804), par son respect affiché pour la foi et par son intransigeance morale, a de quoi séduire les intellectuels chrétiens. Pourtant, lorsqu'on y regarde de plus près, on se rend compte qu'elle nourrit un idéal d'autonomie sur le plan pratique, et des prétentions à l'exhaustivité quant à l'exposition des conditions d'une expérience possible sur le plan spéculatif, qui sont inconciliables avec le fondement même de la révélation biblique. Cet article se propose d'exposer de manière succincte et documentée les principaux points d'incompatibilité entre la philosophie kantienne et la foi chrétienne.
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Dans son ouvrage <i>Kant et le kantisme</i> (1966), le philosophe Jean Lacroix émettait, en guise de conclusion, l'assertion suivante : <i>« Tout notre exposé paraît bien établir que, si l'on entend ainsi l'idée de philosophie chrétienne, la pensée de Kant, bien qu'elle ne s'en réclame pas ou plutôt parce qu'elle ne s'en réclame pas, est une de celles qui s'en rapprochent le plus. »</i> De fait, la tentation peut être grande, pour les intellectuels et théologiens chrétiens, de puiser des armes conceptuelles dans une pensée aussi structurée et aussi rigoureusement étayée que celle de Kant, et qui, contrairement aux offensives des pensées nietzschéenne et freudienne (sans parler de l'hypersubjectivisme spontané de la mentalité commune contemporaine), présente l'avantage de déboucher sur la reconnaissance nécessaire de l'existence de Dieu, en tant que postulat de la raison pure pratique (cf. <i>Critique de la raison pure</i>, B 844). Cette tentation est pourtant illusoire. Toute la pensée d'Emmanuel Kant repose sur des présupposés et une finalité purement philosophiques, au sens de la volonté de l'homme de s'affranchir de tout conditionnement extérieur et antérieur à lui ; on y retrouve complètement cette tonalité particulière de la superbe stoïcienne, à la fois altière et sûre d'elle-même, et, en un mot, ce n'est pas pour rien que Kant a pu être considéré comme l'archétype du philosophe pur, complètement fermé à tout ce qui pourrait le détourner de la souveraineté absolue qu'il a su acquérir sur lui-même et ses pensées. Cette incompatibilité se traduit dans les deux grands champs indiqués par Kant lui-même comme structurant sa pensée, à savoir la philosophie pratique et la philosophie spéculative (ou transcendantale). Nous examinerons successivement ces deux domaines.
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Avant cela, nous pouvons d'ores et déjà énoncer les trois critères indispensables de la vérité selon le système kantien, qu'il faut avoir à l'esprit dans tout ce qui suivra, et sur lesquels nous reviendrons en cours d'article pour en examiner la compatibilité avec la révélation biblique. Il s'agit, concernant la vérité apodictique :
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- De son caractère universel
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- De son caractère anhistorique
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- De son caractère <i>a priori</i>
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<b>1. La philosophie pratique</b>
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Nous n'insisterons par sur l'incompatibilité de la morale chrétienne avec la morale kantienne, car ce sujet a déjà été abondamment traité par les théologiens chrétiens, à la fois catholiques (Maritain, Boutang, Jean-Paul II dans <i>Veritatis Splendor</i>) et protestants (Barth, Ellul). Quelques points importants cependant peuvent être rappelés :
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- L'autonomie de la volonté est le postulat central de la morale kantienne. Ceci est exprimé très clairement, à de très nombreuses reprises : <i>« L'autonomie de la volonté est l'unique principe de toutes les lois morales et des devoirs conformes à ces lois »</i> (<i>Critique de la raison pratique</i>, Théorème IV). Il s'agit d'une autonomie de l'arbitre à l'égard de toutes les inclinations sensibles, et d'une obéissance inconditionnée à la loi pure pratique (<i>« Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse en même temps toujours valoir comme principe d'une législation universelle »</i>). Cette autonomie à l'égard des inclinations et cette obéissance à la loi morale est ce que Kant désigne par le terme de <i>« liberté »</i>. Nous avons donc un idéal de <i>l'autonomie</i> du sujet, qui se donne, rappelons-le, ses propres lois (<i>« Tout être raisonnable doit se considérer comme établissant par toutes les maximes de sa volonté une législation universelle afin de se juger et ses actions de ce point de vue »</i>, <i>Fondements de la métaphysique des mœurs</i> II), idéal qui s'oppose à l'idéal de <i>service</i> de la Bible : <i>« Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir »</i> (Mt 20, 28), ainsi qu'à la reconnaissance de la subordination de l'homme à l'égard de la loi divine : <i>« Toi, tu promulgues des préceptes à observer entièrement. Puissent mes voies s'affermir à observer tes commandements »</i> (Ps 119, 4).
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- La <i>crainte du Seigneur</i> comme principe de détermination pratique est explicitement écartée par Kant dans la <i>Critique de la raison pratique</i>, car il s'agit selon lui, au même titre que la quête du bonheur, d'un principe <i>matériel</i> (en vue d'une fin), alors que pour lui c'est la <i>forme</i> seule de la loi morale qui garantit son caractère rationnel, autonome, universellement contraignant : <i>« Le principe pratique formel de la raison pure, d'après lequel il faut que la forme seule d'une législation universelle possible par nos maximes constitue le fondement suprême et immédiat de la détermination de la volonté, est l'unique principe possible qui soit propre à fournir des impératifs catégoriques, c'est-à-dire des lois pratiques »</i> (V, 41).
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- Dans <i>La Religion comprise dans les limites de la seule raison</i> (ouvrage au titre significatif), Kant traite de la <i>« lutte du bon principe avec le mauvais pour le règne sur l'homme »</i>. Pour Kant, l'agir humain est subsumé sous deux entités abstraites : le Bien et le Mal, indépendantes et comme antérieures à volonté de Dieu. On retombe là exactement dans la dénonciation de la morale effectuée par Jacques Ellul dans <i> Le Vouloir et le Faire</i>, c'est-à-dire la volonté incoercible de l'homme de poser un « Bien » et un « Mal » par lui-même, indépendamment de la volonté de Dieu, et par rapport auxquels il peut se déterminer. C'est là l'éternelle propension de la démarche philosophique depuis Socrate. Ellul montre bien que c'est la source même du péché d'Adam (<i>« Vous connaîtrez le bien et le mal »</i>), et que la volonté de Dieu, toujours circonstancielle, ne peut être subordonnée à un « Bien » suprême et intangible, sinon Dieu ne serait pas libre, Dieu ne serait pas Dieu. Ainsi, même lorsqu'il traite spécifiquement de la religion et de la révélation biblique, Kant retombe dans des catégories philosophiques inconciliables avec cette révélation.
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Sur le plan pratique, sur le plan moral, il n'y a donc pas de conciliation possible entre Kant et le christianisme.
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<b>2. Les critères de la vérité de Kant face à la révélation biblique</b>
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Afin que le lecteur ait bien présent à l'esprit l'incompatibilité de la philosophie kantienne avec l'enseignement biblique lorsque nous examinerons le versant transcendantal de sa pensée, nous pouvons d'ores et déjà exposer, critère par critère (et chacun de ces critères est absolument constitutif, nous l'avons vu, de la loi morale selon Kant), ce en quoi chacun d'eux est en contradiction radicale avec les fondements de la pensée chrétienne.
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- <u>Le caractère universel</u> : Kant y revient sans cesse, il infère très explicitement la loi morale de son universalité. L'universalité est le critère distinctif de la pensée philosophique, sa grande prétention par rapport aux autres formes d'approche de la vérité. Or il se trouve que toute la démarche biblique est au contraire placée sous le sceau de <i>l'élection</i>. Cela va bien sûr à l'encontre de toute notre façon de penser, mais c'est ainsi. Dieu choisit Abraham. Il choisit Jacob, qui n'est pas l'aîné. Il donne sa Loi à Israël au Sinaï, et à aucun autre peuple. Il choisit David. Il donne son onction à Jésus, fils de David, Christ et Seigneur, et à nul autre. La Bible est intrinsèquement marquée par le singulier, d'où la profusion de noms propres que l'on y observe, et l'absence parallèle de concepts abstraits. Dieu est singulier, il s'adresse au singulier, et toute prétention de la pensée à se hausser au niveau de l'universel relève d'une perspective foncièrement anti-biblique.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <u>Le caractère anhistorique</u> : Toutes les propositions de la philosophie kantienne sont bien entendu valables en soi, indépendamment de toute considération temporelle, circonstancielle ou historique. C'est là la grande incompréhension entre tous les systèmes philosophiques et la pensée biblique. Le Dieu biblique agit et s'incarne dans l'histoire. La dimension anhistorique de la philosophie kantienne relève de l'éternelle volonté humaine de figer et de mettre la main sur la vérité. Il y a une incompatibilité originelle.
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<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <u>Le caractère <i>a priori </i></u>: L'apriorisme est la pierre angulaire de tout l'édifice kantien. La morale kantienne est une morale <i>a priori</i>, et la philosophie transcendantale kantienne est une théorie de la connaissance <i>a priori</i>. Si l'on retire l'apriorisme du criticisme kantien, il ne reste rien. Il y aurait une étude à faire sur la généalogie de l'apriorisme kantien, à la manière dont Nietzsche a écrit une « généalogie de la morale ». Ce biais originel quant à la supériorité de la connaissance <i>a priori</i> par rapport à la connaissance empirique a-t-il des causes d'ordre psychologique (irrépressible besoin de stabilité et de certitude de l'esprit humain ?) ou bien repose-t-il sur des fondements objectifs ? C'est là aussi, en tout cas, un caractère distinctif de l'esprit philosophique, et Platon déjà remettait en cause la validité de toutes nos connaissances dès lors qu'elles provenaient de nos sens (cf. <i>Phédon</i>). Il y a là, encore une fois, incompatibilité radicale avec la pensée biblique, et expression de la volonté patente de l'esprit humain de se replier dans un domaine extrêmement circonscrit, mais sur lequel il peut régner sans partage.
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Après l'examen de la philosophie pratique de Kant, il convient de procéder à celui de sa philosophie transcendantale, telle qu'elle est exposée en particulier dans la <i>Critique de la raison pure</i>.
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<b>3. La philosophie transcendantale</b>
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Nous entendons le terme « transcendantal » au sens que Kant lui donne dans la <i>Critique de la raison pure</i> : <i>« J'appelle transcendantale toute connaissance qui s'occupe en général non pas tant d'objets que de notre mode de connaissance des objets en tant qu'il est possible en général »</i> (B 25). Par ailleurs, conformément à l'usage de Kant lui-même, nous ne faisons pas de distinction entre « philosophie spéculative » et « philosophie transcendantale » (<i>« La philosophie transcendantale est une philosophie de la raison pure simplement spéculative »</i> (B 29)).
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La <i>Critique de la raison pure</i> établit, on le sait, deux sources complémentaires à la connaissance : il s'agit de la <i>sensibilité</i>, qui consiste à recevoir des représentations par le moyen de l'intuition, et de l'<i>entendement</i>, qui consiste à penser l'objet en rapport avec cette représentation au moyen de concepts (B 74). Les deux fonctions sont indissociables pour connaître quelque objet que ce soit : <i>« De leur union seule peut résulter la connaissance »</i> (B 75). L'étude du fonctionnement <i>a priori</i> de la sensibilité est l'objet de l'Esthétique transcendantale, celle du fonctionnement <i>a priori</i> de l'entendement est l'objet de la Logique transcendantale (Analytique transcendantale et Dialectique transcendantale).
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La perspective transcendantale appliquée à la sensibilité, qui consiste donc à faire abstraction, pour tout objet de la connaissance, à la fois des concepts par lesquels il peut être pensé, et de la matière empirique de l'intuition (sensation), conduit à reconnaître deux conditions indispensables de l'intuition pure, sous lesquelles tout objet est intuitionné <i>a priori</i> : il s'agit des formes pures de la sensibilité, à savoir l'espace et le temps. <i>« Ces formes sont inhérentes à notre sensibilité de façon absolument nécessaire, de quelque sorte que puissent être nos sensations »</i> (B 60). <i>« Les conditions</i> a priori <i>de l'intuition sont absolument nécessaires à l'égard d'une expérience possible »</i> (B 199). L'espace et le temps n'ont pas de réalité objective en soi, mais ils peuvent néanmoins être connus <i>a priori</i>, antérieurement à toute intuition empirique, ce qui rend possible une science pure des rapports au sein de l'espace et du temps, à savoir les mathématiques et la géométrie (ce que Kant appelle des « propositions synthétiques <i>a priori</i> ») (rappelons que pour Kant toutes les théorèmes mathématiques sont des propositions synthétiques <i>a priori</i> (B 14)).
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Concernant l'entendement, Kant établit de façon très rigoureuse la table des concepts purs de l'entendement, qu'il nomme <i>catégories</i>. Il y a douze catégories, qui dérivent des quatre grandes fonctions logiques de l'entendement, à savoir la quantité, la qualité, la relation et la modalité. Les catégories sont les instruments indispensables de la synthèse du divers de l'intuition, par laquelle le contenu de toute intuition peut être pensé. Au même titre que les formes pures de la sensibilité, <i>« les catégories sont les conditions de la possibilité de l'expérience »</i> (B 161).
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Je laisse de côté le schématisme des concepts purs de l'entendement. Le schème n'annule pas la validité universelle des catégories, mais il constitue la modalité selon laquelle le temps, de façon <i>a priori</i>, détermine l'usage de celles-ci (B 184). <i>« Les phénomènes ne doivent pas être subsumés sous les catégories simplement prises, mais seulement sous leurs schèmes »</i> (B 223). Cette modalité ne retire rien à notre évaluation globale concernant la philosophie transcendantale de Kant et à son incompatibilité avec la pensée chrétienne. Au contraire, elle s'inscrit dans le même paradigme d'universalité et d'apriorisme, avec seulement un degré moindre.
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En ce qui concerne la question délicate de l'unité synthétique de l'aperception, telle qu'elle est exposée dans la déduction des concepts purs de l'entendement de l'Analytique transcendantale, il semble inutile, pour notre propos, de considérer celle-ci différemment des formes pures de la sensibilité et des concepts purs de l'entendement (quant à l'apriorisme et à l'universalité). C'est là un point particulièrement ardu de la <i>Critique de la raison pure</i>, qui pose problème aux kantiens les plus chevronnés. Disons que les modalités de la synthèse du divers de l'intuition en une unité transcendantale obéissent clairement, dans la pensée de Kant, aux mêmes critères d'universalité que ceux des formes pures de la sensibilité et des catégories. <i>« Toute réunion des représentations exige l'unité de la conscience dans leur synthèse. Par conséquent, l'unité de la conscience est ce qui seul constitue le rapport des représentations à un objet, donc leur valeur objective ; c'est elle qui en fait des connaissances, et c'est sur elle, par conséquent, que repose la possibilité même de l'entendement »</i> (B 137). Bien qu'il s'agisse là davantage, pourrait-on dire, d'un <i>processus</i> (une activité spontanée du sujet) que de catégories logiques (ce qui rend son exposition plus problématique), celui-ci n'en est pas moins explicitement affecté par Kant du même degré d'objectivité (et donc d'universalité) que celles-là, et il en est même la condition.
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La philosophie transcendantale de Kant est donc, au même titre que sa philosophie pratique et même davantage encore, en contradiction patente avec le contenu de la révélation biblique. De fait, toute la démarche transcendantale kantienne, dès son origine et dans son essence la plus profonde, est marquée du sceau d'une volonté farouche de circonscrire nettement son territoire (le territoire des limites légitimes de la raison face aux problèmes métaphysiques) et de ne jamais aller au-delà. C'est la répétition exacte du geste d'Adam et Ève dans la Genèse : marquer son indépendance, se réserver un espace à soi, complètement maîtrisable, en-dehors de la surveillance du regard de Dieu (et de son amour). Car enfin, qu'implique concrètement la thèse transcendantale ? Elle implique que toutes les possibilités d'une expérience possible sont circonscrites dans les limites tracées par la critique de la raison pure, qu'elles doivent toutes passer par le tamis et se conformer aux règles des formes pures de la sensibilité et des concepts purs de l'entendement. La thèse transcendantale est résumée en une formule sans ambiguïté de Kant : <i>« Nous n'avons affaire qu'à nos représentations »</i> (B 235). Cela signifie que toutes les modalités de la communication entre Dieu et l'homme (et la Bible ne parle que de cela) doivent s'inscrire dans ce carcan transcendantal, ce qui est une manière très claire d'instituer un domaine d'intelligibilité et de prédictibilité absolues, valable sur l'ensemble de la réalité à laquelle nous avons accès, hors du pouvoir transcendant de Dieu. C'est l'éternelle prétention philosophique de mainmise sur notre propre subjectivité, que l'on retrouve déclinée depuis l'origine, des stoïciens (Sénèque, Épictète) aux existentialistes (Sartre) en passant par les rationalistes du Grand Siècle (Descartes, Spinoza).
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<b>Conclusion</b>
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Ainsi, en dépit de la séduction légitime que la pensée kantienne peut exercer sur les esprits en quête de rigueur théorique et de cohérence systématique, force est de constater que cette pensée est marquée autant qu'on peut l'être par tous les caractères de la modernité anti-chrétienne. Les intellectuels chrétiens qui seraient tentés de combattre le relativisme actuel en ayant recours au criticisme kantien doivent bien comprendre que la double citadelle de l'idéalisme transcendantal et de la raison pure pratique, malgré sa somptuosité et sa solidité apparente, est érigée précisément pour se défendre contre toute incursion extérieure et transcendante dans la subjectivité, c'est-à-dire pour rejeter les appels de Dieu tels qu'ils sont exprimés dans les Écritures. C'est un monument de la soif d'indépendance de l'homme, indépendance sur le plan pratique comme sur celui de la connaissance. L'extrême valorisation de la morale chez Kant, l'extrême rigueur mêlée à la grande humilité apparente de sa philosophie spéculative peuvent certes être très engageantes pour les intellectuels chrétiens. Mais derrière cela, c'est la pure expression de la mentalité moderne que l'on trouve : subjectivisme, autonomie, immanentisme. Ce sont bien là les feux follets qui ont détourné tant de penseurs de la Lumière véritable, et qui les ont conduits à oublier le chemin ouvert par l'Unique Pasteur (1 P 2, 25).
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<u>Références</u>
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- <i><a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Critique_de_la_raison_pure,_Version_1781_et_1787,_trad._Barni">Critique de la raison pure</a></i>
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <i><a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Critique_de_la_raison_pratique_précédée_des_Fondements_de_la_métaphysique_des_mœurs,_trad._Barni">Critique de la raison pratique</a></i>
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <i><a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Critique_de_la_raison_pratique_précédée_des_Fondements_de_la_métaphysique_des_mœurs,_trad._Barni">Fondements de la métaphysique des mœurs</a></i>
</div>
<div style="text-align: justify; text-indent: 45px;">
- <i><a href="https://fr.wikisource.org/wiki/La_Religion_dans_les_limites_de_la_simple_raison">La Religion dans les limites de la simple raison</a></i>
</div>
</div>
</span>Laconiquehttp://www.blogger.com/profile/11919966707628816242noreply@blogger.com4