30 juillet 2011

Moment zen

      Hier après-midi je suis allé au jardin zen de Monaco. Je me suis assis en face de la cascade et j’ai médité, en regardant les arbres, les pierres émergeant du lac, les poissons rouges, les nénuphars… Méditer dans un jardin zen, c’est sans doute expérimenter le plus grand bonheur qu’on puisse connaître sur cette terre, puisqu’on ne désire rien de plus que ce que l’on a, que l’on est libéré du souci de l’avenir, totalement immergé dans l’instant présent. Personne, pas même les puissants de ce monde, ne peut en dire autant. Et pourtant, ce n’est qu’une parenthèse… Je ne pense pas que le zen puisse constituer une bonne morale pour réussir dans la vie, en tout cas pour briller. (Il est vrai que ce n’est pas ce que recherchent ses adeptes.) C’est une quête de l’immanence. Les morales adaptées à la vie sont celles qui accroissent notre résistance, qui nous forment à la lutte, au combat, qui nous le font aimer. Toutes les morales primitives étaient de cette nature.  

15 juillet 2011

L'essence de la liberté

      L’axiome de Cioran : « Tout est décevant », je le reformulerais de la façon suivante : « Nous n’adhérons jamais complètement à aucune de nos expériences. » Hier soir, en regardant les feux d’artifice, des pensées me venaient, mon esprit vagabondait, bref je n’étais pas totalement absorbé par le spectacle. Et c’est ainsi pour toutes les expériences. Même quand on se concentre sur quelque chose, qu’on s’y implique totalement, cette concentration est le fruit d’un choix, d’une volonté, elle n’est nullement inhérente à l’expérience. En un sens, tout est donc décevant, car rien ne nous fait vraiment sortir de nous-même. Pourtant, cet espace entre le sujet et l’événement est en réalité le plus grand don des dieux, car il garantit notre liberté inaltérable et notre souveraineté par rapport à tout ce qui peut nous arriver. (Jouir de cette liberté demande toutefois une certaine discipline, car chacun tend spontanément à adhérer de toutes ses forces aux circonstances, les bonnes comme les mauvaises. Le détachement nécessite donc de l’entraînement, des exercices, comme Platon, avant bien d’autres, l’a écrit dans le Phédon.)  

13 juillet 2011

Eloge de l'antiquité

      Apprenons s’il se peut à nos contemporains qu’un temps a été qu’il existait des hommes et déplorons le malheur et la honte de notre siècle en nous voyant forcés de les chercher si loin de nous.

      Jean-Jacques Rousseau.


      S’il y a un goût qui, chez moi, ne s’est jamais démenti, c’est bien celui de l’Antiquité. Mes plus constants plaisirs de lecteur, c’est sans conteste aux auteurs de cette époque que je les dois. (Je me souviens très bien comment, à l’âge de quinze ans, en 1997, c’est la lecture du Manuel d’Epictète et des Pensées de Marc-Aurèle qui détermina mon choix de consacrer tout mon temps libre à la littérature.) Mais d’où vient cette véritable passion pour l’Antiquité, peut-être la seule vraie passion de ma vie ? C’est, je crois, que cette époque incarne pour moi un idéal inégalé de liberté. Jamais les hommes n’ont autant voulu être libres qu’alors, et sans doute jamais ne l’ont-ils autant été. Les Modernes sont encombrés de toutes sortes d’idéologies, de croyances, d’esthétiques, d’attachements, etc. Les Anciens avaient le goût de la simplicité, de la sobriété. Les Modernes sont aveuglés par la cause à laquelle ils sacrifient tout, tandis que les Anciens ne s’oubliaient jamais et tendaient sans cesse à une plus grande maîtrise de soi. On dira que c’est là une vision de l’Antiquité qui me correspond, qu’il y en a une autre, exubérante, lascive, poussant le luxe et la sensualité à des degrés extrêmes. Cela est vrai, je le reconnais. Mais, même dans ces manifestations, il y avait quelque chose de naturel, d’entier, de premier qui rejoignait une certaine pureté. L’idée du bonheur a tout embrouillé et tout affadi. Les Anciens, profondément pessimistes, savaient que la quête du bonheur était vaine, et plaçaient tous leurs efforts dans la poursuite de choses réelles : la liberté et la maîtrise de soi. Jamais sans doute l’illusion n’avait été repoussée si loin, jamais n’a-t-on vu une telle coïncidence entre la parole et la vie. (J’observe d’ailleurs qu’à toutes les époques il y a eu des penseurs saisis par cette passion de l’Antiquité, et qui y ont consacré quasiment toute leur oeuvre. Je ne crois pas susciter beaucoup de dénégations en citant Montaigne, Rousseau ou Leopardi.)

9 juillet 2011

Unité en nous ou hors de nous ?

      Platon et le monothéisme placent l’élément stable hors de nous. En le contemplant et en se modelant sur lui, l’âme atteint l’équilibre et la paix. Les traditions orientales, le yoga en particulier, placent au contraire l’élément stable à l’intérieur de nous. La démarche ascétique consiste alors à rechercher au fond de nous-même l’entité qui n’est pas soumise aux changements, et à demeurer à ce stade en quelque sorte pré-sensible. La première de ces deux conceptions serait plus occidentale, la seconde plus orientale. La première a sans doute ma préférence, mais la seconde m’est nécessaire également, si bien que je n’ai pas vraiment tranché. De toute manière, à partir du moment où l’on a compris qu’il fallait tendre vers l’unité, que telle était l’essence de la Voie, la question de savoir si cette unité est extérieure ou inhérente à nous-même est-elle si importante ? 

5 juillet 2011

Eloge de la monarchie

      Plus le temps passe, plus j’en viens à penser que le régime monarchique est le meilleur des régimes politiques. La république entraîne des conflits et une exaltation perpétuels qui finissent par empiéter sur la tranquillité d’esprit du citoyen, et donc sur sa liberté. Dans une monarchie, tout le monde se soumet au roi, qui lui-même se soumet à Dieu, et l’ordre règne. La nation atteint l’unité, ce qui est le but ultime de toute communauté. Ce n’est pas pour rien si c’est ce système qui a été le plus fréquemment adopté par les hommes au cours de l’Histoire. Bien entendu, il faut que le roi soit un bon roi, ou, à défaut, ne soit pas un monstre, pour que le système fonctionne, sinon on se retrouve dans la configuration des Caligula et des Néron, et c’est le règne de l’arbitraire. Du reste, ces cas aberrants ne durent guère, et le meilleur moyen de conserver le pouvoir est encore de l’exercer avec justice.

1 juillet 2011

Le juste effort

      Une vie sans effort est une vie proprement nulle, qui se balance au gré des circonstances et s’effondre au premier souffle violent. Mais une vie basée sur l’effort n’est pas saine non plus, car elle nourrit l’ego et se focalise souvent sur des objectifs concrets. A terme, elle engendre forcément la frustration et le malheur. Toute la difficulté consiste donc à trouver un juste équilibre entre ces deux extrêmes, à renforcer constamment son être sans pour autant tomber dans le piège de l’ambition.