22 mai 2015

La Madone et le Berger

 

         En la onzième année de règne du roi Jacques, l’ange du Seigneur m’apparut. « Une grande période de tribulations s’ouvre en France, m’annonça-t-il. La connerie de tes compatriotes va livrer ton pays à la médiocrité et à l’effondrement. » Je vis alors une bête venir de Hongrie. Elle avait des cornes sur la tête et une longue queue fourchue. Elle avait l’air courageuse, mais elle était lâche. Elle avait l’air déterminée, mais elle était paresseuse. Elle avait l’air honnête, mais elle était corrompue et cupide. Et je vis les foules se prosterner devant la Bête. « Le règne de la Bête durera cinq ans, me dit l’ange. Regarde ce qui viendra ensuite. » Je vis alors un flan de couleur rose. Et je vis l’apathie, la désorganisation, la débauche et le désespoir s’abattre sur la France.
       Transi d’horreur, je m’écriai : « Tout est-il perdu pour mon pays ? » « Reprends-toi, me répondit l’ange. Le règne du Flan n’ira pas à son terme. Regarde. » Et je vis alors, au milieu de la fumée et du fracas, émerger une madone. Son regard était franc, sa posture était droite et tous les yeux remplis de larmes se tournaient vers elle. « Ce n’est pas tout, me dit l’ange. En même temps que la Madone du Poitou, surgira une autre personnalité, plus grande encore. » Et je vis un berger du Béarn, plein de confiance et de joie, un radieux sourire sur son visage, tenant dans sa main droite le sceptre du pouvoir. « Lorsque la Madone et le Berger se rejoindront, me dit l’ange, ce sera la fin des épreuves, tous les crimes auront alors été expiés, et une longue période de prospérité et de justice s’ouvrira dans ton pays. » 
        Et je me prosternai devant l’ange, le cœur plein de terreur et d’espoir. Ces paroles sont véridiques. Que celui qui a des oreilles entende !

8 mai 2015

Jane Austen, Pride and Prejudice


     Lu le début de Pride and Prejudice, de Jane Austen. Une intelligence très fine, un style impeccable, ni trop sec ni trop alambiqué, et surtout une personnalité délicieuse, à la fois caustique et pleine d’empathie envers ses congénères. Un cœur dénué de toute morgue, de toute lassitude, comme on en voit trop rarement. Comme dit Gide, « quelle femme charmante ce dut être » ! Je comprends parfaitement pourquoi elle est l’auteur britannique le plus populaire après Shakespeare. Et pourtant… C’est la deuxième fois que je débute la lecture de ce fameux roman, et comme la fois précédente je cale à la quarantième page. Malgré toute ma sympathie et toute mon estime, mon intérêt s’étiole. A quoi bon lire deux cent cinquante pages de plus, puisque l’on sait déjà qu’Elisabeth et Darcy finiront ensemble ? A quoi bon, puisque l’on prévoit tout ce qui va suivre : des froissements d’amour-propre, des quiproquos, des brouilles, l’aveu difficile des sentiments réciproques, en un mot du pur marivaudage. Mais Marivaux expédiait ses intrigues en trois actes… Je ne désespère pas de terminer ce roman culte un jour ou l’autre, mais en attendant tout cela me donne une furieuse envie de me rabattre sur une littérature dense, concise, factuelle, où la psychologie ne joue qu’un rôle mineur. En un mot, je crois que la charmante lady du sud de l’Angleterre va me précipiter droit dans les contrées ténébreuses et pestilentielles d’Howard Philip Lovecraft…