13 janvier 2017

Les deux sources de l'acte

       Pour ceux qui choisissent d’accepter pleinement le grand jeu de la vie, une seule question importe en fin de compte : qu’est-ce qui permet l’acte ? Rien n’est plus mystérieux que la genèse d’un acte. Comment un acte nouveau peut-il émerger dans la totalité achevée du monde ? L’acte est-il louable ou condamnable ? Tous les actes sont-ils équivalents ou possèdent-ils des natures différentes ? Pour répondre à toutes ces questions, il convient de s’interroger avant tout sur la source de l’acte.
       La réflexion et l’observation nous révèlent que l’on peut distinguer deux sources de l’acte :
       - Dans la grande majorité des cas, l’acte est le produit direct du désir. Le sujet croit être libre et œuvrer à son intérêt propre, et l’acte se manifeste de façon immédiate, irréfléchie, spontanée. Le fruit de cet acte premier est la souffrance. L’antagonisme entre l’intérêt du sujet et la réalité objective du monde se révèle peu à peu, et l’acte s’avère finalement inutile, douloureux, inadéquat. Dans cette catégorie d’actes, on peut citer par exemple l’expédition de Sicile des Athéniens lors de la guerre du Péloponnèse, le sacre de décembre 1804, l’élection présidentielle de 2007, etc.
       - Mais il existe une autre catégorie d’actes, dans lesquel le sujet est en recul et où c’est la seule nécessité historique qui s’exprime. Après avoir expérimenté l’échec de sa pulsion initiale, le sujet s’en remet à la raison et aux exigences objectives de la situation. Les Romains avaient donné à ce type d’actions le nom de « res secundae », la seconde chose, expression qui était pour eux synonyme de succès, de réussite. Le désir a totalement reflué, l’acte s’accomplit de lui-même, avec une intervention minimale du sujet. La chose se fait parce qu’il faut bien qu’elle se fasse. C’est la pure manifestation de la Providence. Dans cette catégorie d’actes, on peut citer la Restauration de 1815, l’instauration de la Troisième République, l’élection présidentielle de 1981, celle de 2017, etc.
       Dans ces conditions, quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette analyse ? Il apparaît manifestement que le chemin du bonheur véritable est de conformer autant que possible nos actes au second type précité, de les faire dériver de la seconde source de l’acte, source limpide et insipide à première vue, mais de laquelle seule peuvent naître des fruits durables et vraiment profitables.