J’ai commencé à lire de la littérature française contemporaine dans les années quatre-vingt-dix, me dit-il. A l’époque, les trois auteurs qui occupaient le haut de l’affiche étaient Frédéric Beigbeder, Yann Moix et Michel Houellebecq.
J’avais lu L’Amour dure trois ans et L’Égoïste romantique de Frédéric Beigbeder. Ces deux ouvrages tournaient autour des désespoirs et des affres d’un dandy parisien et de sa vie sentimentale bien remplie.
J’avais lu Les Particules élémentaires et Plateforme de Michel Houellebecq. Il y était question de misère affective et sentimentale, de cinémas pornos, de boîtes échangistes et de tourisme sexuel en Thaïlande.
J’avais lu Partouz de Yann Moix. Le livre narrait les élucubrations de l’auteur au cours de ses pérégrinations dans des boîtes échangistes.
Je n’avais pas vingt ans à l’époque, et tel était le climat intellectuel et littéraire dans lequel je baignais.
Aujourd’hui, vingt ans après, il peut être utile de se demander ce que ces trois auteurs emblématiques sont devenus.
Après une expérience ratée au cinéma (L’Amour dure trois ans, 2012), Frédéric Beigbeder est devenu le patron du magazine de charme Lui.
Après une expérience ratée au cinéma (Cinéman, 2009), Yann Moix est devenu un ambassadeur du régime nord-coréen, pays dans lequel il va s’installer pour y donner des cours de littérature française.
Après une expérience ratée au cinéma (La Possibilité d’une île, 2008), Michel Houellebecq a publié un roman intitulé Soumission, dans lequel il préconise de remédier aux apories du libéralisme par une conversion universelle à l’islam, religion simple, rationnelle et solidaire.
Je n’exagère pas. Tels sont les faits, concernant les trois grands auteurs français de ma jeunesse.
Il y a là une logique admirable. Ayant fidèlement reflété le message dominant de leur époque en plaçant l’hédonisme et la sexualité au centre de leur vie, ces trois auteurs ont abouti à la promotion assumée de la dictature, sous une forme ou sous une autre. C’est là exactement la théorie de Platon dans La République, qui établit un parallèle inéluctable entre le dérèglement des mœurs d’un individu et l’avènement de la tyrannie. L’homme aristocratique et royal, lui, est celui dont le principe directeur (l’âme) oriente et domine les penchants de la sensibilité et de l’affectivité.
Voilà le monde dans lequel j’ai vécu. Frédéric Beigbeder a obtenu le prix Renaudot en 2009 pour son roman Un roman français. Yann Moix a obtenu le prix Renaudot en 2013 pour son roman Naissance. Michel Houellebecq a obtenu le prix Goncourt en 2010 pour son roman La Carte et le territoire.