Acheté et parcouru Cosmos. Une ontologie matérialiste, de Michel Onfray. Bien que divergeant radicalement de toutes ses conceptions fondamentales, j’éprouve une certaine sympathie pour Michel Onfray. Il défend son matérialisme intransigeant avec probité, et il y a dans son parcours de fils des classes modestes fondant l’Université populaire de Caen et conspuant sans relâche l’hypocrisie des élites parisiennes une indéniable cohérence. Son antichristianisme primaire est souvent caricatural, ainsi que sa vision binaire de la philosophie qui le fait passer à côté de tout un pan de la pensée humaine, mais c’est un tribun de la plèbe, têtu et besogneux, comme on en voyait jadis, à l’époque où l’on prenait encore les choses intellectuelles au sérieux. Mais ce n’est pas sur le plan des idées que ce Cosmos me met un peu mal à l’aise.
Cosmos est le premier volume d’une « Brève encyclopédie du monde » qui est appelée à compter encore deux volumes supplémentaires (intitulés respectivement Décadence et Sagesse). Cosmos fait sept cents pages. En partant sur les mêmes bases, l’ensemble devrait avoisiner les deux mille cent pages. Michel Onfray a rédigé, d’après sa bibliographie, pas moins de quatre-vingts ouvrages. En comptant, selon une fourchette basse, trois cents pages par ouvrage, Michel Onfray aurait donc écrit pas moins de vingt-quatre mille pages (et sans doute le double) dans sa carrière. Il me semble que rien n’est plus éloigné du génie français que cette propension à la profusion, que l’on trouve également chez un Yann Moix, auteur de Naissance, prix Renaudot 2013, mille quatre cent vingt-sept pages. Tout l’effort du classicisme français, ce fruit le plus subtil et le plus parfait de l’intelligence humaine, a tendu dans le sens contraire, vers toujours plus de concision et de limpidité. Et cela vient de loin, des lettres grecques et latines, d’un certain idéal d’harmonie et de maîtrise de ses forces tel que l’Antiquité nous l’a transmis. Si je devais citer les trois plus éminents représentants de cette école classique française, je dirais qu’il s’agit de Jean Racine, de Voltaire et d’André Gide. Combien de temps faut-il pour lire une pièce de Racine, un conte de Voltaire ou un récit de Gide ? Quelques dizaines de minutes, quelques heures tout au plus. Et pourtant tout est dit, l’intelligibilité du monde et des rapports humains y est totale, avec juste ce qu’il faut de blanc et de silence pour laisser à l’imagination du lecteur la liberté de se déployer. Ah ! antique Muse française, fille de la douce Vénus et de la sévère Minerve, n’entendrons-nous jamais plus tes graves et mélodieux accords retentir sur la lyre du bon goût français ?
Cosmos est le premier volume d’une « Brève encyclopédie du monde » qui est appelée à compter encore deux volumes supplémentaires (intitulés respectivement Décadence et Sagesse). Cosmos fait sept cents pages. En partant sur les mêmes bases, l’ensemble devrait avoisiner les deux mille cent pages. Michel Onfray a rédigé, d’après sa bibliographie, pas moins de quatre-vingts ouvrages. En comptant, selon une fourchette basse, trois cents pages par ouvrage, Michel Onfray aurait donc écrit pas moins de vingt-quatre mille pages (et sans doute le double) dans sa carrière. Il me semble que rien n’est plus éloigné du génie français que cette propension à la profusion, que l’on trouve également chez un Yann Moix, auteur de Naissance, prix Renaudot 2013, mille quatre cent vingt-sept pages. Tout l’effort du classicisme français, ce fruit le plus subtil et le plus parfait de l’intelligence humaine, a tendu dans le sens contraire, vers toujours plus de concision et de limpidité. Et cela vient de loin, des lettres grecques et latines, d’un certain idéal d’harmonie et de maîtrise de ses forces tel que l’Antiquité nous l’a transmis. Si je devais citer les trois plus éminents représentants de cette école classique française, je dirais qu’il s’agit de Jean Racine, de Voltaire et d’André Gide. Combien de temps faut-il pour lire une pièce de Racine, un conte de Voltaire ou un récit de Gide ? Quelques dizaines de minutes, quelques heures tout au plus. Et pourtant tout est dit, l’intelligibilité du monde et des rapports humains y est totale, avec juste ce qu’il faut de blanc et de silence pour laisser à l’imagination du lecteur la liberté de se déployer. Ah ! antique Muse française, fille de la douce Vénus et de la sévère Minerve, n’entendrons-nous jamais plus tes graves et mélodieux accords retentir sur la lyre du bon goût français ?