17 novembre 2017

Pacôme Thiellement : La Victoire des sans roi


– Lu La victoire des sans roi. Révolution gnostique, de Pacôme Thiellement. Quelle personnalité irrésistible que ce Pacôme Thiellement ! Il est l’être le moins cynique, le moins arriviste, le moins calculateur que je connaisse. Il semble vivre dans un autre monde, dans l’univers enchanté de l’art et de la magie. Il ne s’intéresse qu’aux Beatles, à la série Lost et aux gnostiques. Il voit le monde comme une « prison de fer noir » et accorde plus de réalité aux personnages de fiction qu’aux hommes politiques qui nous gouvernent. Quelle sublime gratuité, quelle sublime inutilité ! Pacôme Thiellement ne sert strictement à rien. Il est absolument impossible de l’imaginer présider un conseil général ou mener un projet de réinformatisation d’un service financier. Il est comme ces bœufs sacrés de l’Inde, nourris avec dévotion toute leur vie et qui causent des embouteillages lorsqu’ils s’arrêtent au milieu d’une route.
– Malgré toute la sympathie, je dirais presque tout l’amour, que j’éprouve pour le personnage, je n’ai pas pris un immense plaisir à la lecture de cette Victoire des sans roi. En dépit de tous ses efforts, Pacôme Thiellement n’a pas réussi à me passionner pour ces gnostiques, sorte de secte anarchiste des premiers siècles du christianisme. Tout cela est trop éthéré pour moi. Je suis et je reste du côté de la Bible, c’est-à-dire du singulier (Abraham, Moïse, David, Jésus) et non de l’abstraction si chère aux gnostiques (« gnose » signifie connaissance). Comme toujours, cette opposition se traduit dans le style. Le style de Pacôme Thiellement est un peu pâteux, diffus, à l’opposé de la sèche concision hébraïque.
– C’est sur la nature même du Christ que je n’arrive pas à rejoindre les gnostiques. Le Christ n’est pas un « frère », il n’est pas un « ami ». Il est le futur de tout chrétien, il est « le Chemin, la Vérité et la Vie ».
– Pacôme Thiellement déclare que son intérêt pour les gnostiques vient de la lecture d’un roman de Philip K. Dick, SIVA. Il est étonnant de constater à quel point Philip K. Dick a généré des auteurs dérangés mentalement, et en même temps extrêmement inventifs, iconoclastes et généreux, comme le cyberpunk Maurice G. Dantec ou le néognostisque Pacôme Thiellement. Il faudrait que je lise Dick un de ces quatre.

Citation

Oui, tout est « gnostique » désormais.
Les Sans Roi étaient des hommes de nulle part et nous sommes des hommes de nulle part.
Ils étaient des solitaires et nous sommes des solitaires.
Ils haïssaient la politique et nous haïssons la politique.
Ils étaient antidogmatiques et nous ne voulons plus de dogmes.
Ils étaient antimisogynes et nous ne pouvons plus encadrer les misogynes.
Ils étaient antisexophobes et nous ne pouvons plus souffrir les sexophobes.
Ils étaient presque tous végétariens et nous sommes presque tous végétariens.
Ils étaient antimariage et nous sommes presque tous antimariage.
Ils étaient antiengendrement et nous avons déjà commencé à mettre en doute la nécessité de donner naissance à de nouveaux êtres dans une prison pareille. (…)
Ils étaient « nous ».
Quand serons-nous capables d’être « eux » ?