17 août 2023

Journal de lecture : août 2023



- Lu Quelques mois dans ma vie, de Michel Houellebecq, court essai dans lequel l’auteur se justifie du scandale para-sexuel dans lequel il a été plongé au début de l’année. Ouvrage extraordinairement glauque, qui en dit long sur les idéaux de celui qu’une certaine droite (le Figaro) considère comme le grand écrivain, le grand penseur de notre époque. L’auteur nous apprend notamment que deux partenaires sont indispensables pour atteindre simultanément avec leur langue certaines parties de l’anatomie masculine, pratique qui seule permet au mâle, lorsqu’elle est convenablement exécutée, de s’élever aux « sommets du bonheur terrestre ». Il est vrai que de telles analyses méritaient bien un prix Nobel… Ouvrage rempli d’une haine étonnante à l’encontre d’à peu près tout le monde, de ses comparses néerlandais (à savoir « le Cafard » et « la Truie »), de Michel Onfray, des journalistes, des juges, des catholiques, de Picasso, de lui-même, etc. Étrange naïveté d’un homme qui a manifestement perdu depuis longtemps tout contact avec la société réelle. Comme toujours avec Houellebecq, un mélange de sincérité absolue et de maîtrise baudelairienne de la langue, un sens de la formule, qui rendent malgré tout la lecture fort plaisante.

- Lu Il était une fois à Hollywood, l’adaptation romanesque par Quentin Tarantino de son propre film, sorti en 2019. Ouvrage étrange, d’une érudition obsessionnelle quant au petit milieu hollywoodien des années 60. Des dizaines, des centaines, des milliers peut-être de noms propres jetés à la figure du lecteur, sans que l’on sache bien ce que cela apporte vraiment (étrangement celui de Kubrick manque, le signe d’un complexe d’infériorité ?). Je soupçonne Tarantino d’avoir voulu prouver au monde (et se prouver à lui-même) qu’il y avait tout un univers derrière son film, univers dont celui-ci n’avait pu dévoiler qu’une infime partie. Donc là Tarantino nous livre la totale, avec en particulier une narration interminable de la trame de Lancer, le feuilleton dans lequel joue son personnage Rick Dalton, sorte de récit dans le récit qui fonctionnait plutôt bien au cinéma, mais dont on a du mal à percevoir l’intérêt dans le roman. Une certaine impression générale de superficialité, même si c’est un peu le sujet du livre. Pas mal de complaisance aussi : Tarantino semble considérer qu’Hollywood est le centre du monde, et il ne fait pas beaucoup d’efforts pour intéresser ceux qui ne partagent pas son avis. Malgré cela, d’indéniables qualités : le sens du dialogue (sa marque de fabrique), un souffle indéniable, une véritable immersion dans le monde déjanté et crépusculaire qui nous est dépeint.

- Relu La Ligne verte de Stephen King, avec plaisir et intérêt. Il y a là tout Stephen King, à la fois le meilleur et le pire. Le meilleur : la narration, d’une fluidité incomparable, la cohérence et la richesse de l’univers romanesque, dans lequel on plonge complètement, et cette petite voix si unique de King, qui nous prend par la main à la première page et qui ne nous lâche plus jusqu’à la dernière. Le meilleur donc, mais aussi le pire, en particulier le manichéisme (les méchants sont très méchants, les gentils très gentils), un certain moralisme familial typiquement anglo-saxon (ah ! la famille, qu’y a-t-il de mieux dans la vie ?). Malgré tout un grand livre, un monument romanesque, bien supérieur au film emphatique et larmoyant qui en a été tiré.