Il n’y a rien d’absolument pur dans la vie. Toute action entraîne avec elle une certaine souillure, une certaine pesanteur qui s’attache à celui qui l’effectue. La pureté, la légèreté, ne se trouvent que dans l’inaction totale, et il suffit de faire quelque chose, de bouger, pour être déjà coupable. Voilà pourquoi les sages taoïstes prônaient avec tant d’insistance le non-agir, voilà pourquoi la Bhagavag-Gîtâ dit du saint que « si affairé qu’il puisse être, en réalité il n’agit pas ». Plus on agit, plus on s’éloigne de l’unité, de l’innocence, et c’est la raison pour laquelle les plus actifs des hommes, à savoir les hommes politiques, sont aussi les plus universellement méprisés. Que faire alors, tout laisser tomber et s’abîmer dans les délices du néant ? On sent bien qu’une telle option n’est pas satisfaisante… Non, « il faut tenter de vivre » comme disait Valéry, et racheter par l’austérité du devoir sans cesse accompli l’impureté inhérente à tout acte.
29 janvier 2012
23 janvier 2012
Jusqu'en enfer
J’ai vu Jusqu’en enfer de Sam Raimi. On m’en avait dit du bien, et je suis assez déçu. Absence totale d’originalité. Des effets vus et revus à satiété. Il ne suffit pas de reproduire à l’infini ce qui était neuf et percutant en 1981 dans Evil dead pour faire un bon film. Et l’esprit n’est plus le même, tout l’humour, toute la transgression ont disparu pour faire place à une série de clichés lénifiants et à un univers complètement aseptisé. Tout cela est bien triste. Un film tout à fait à l’image des années 2000 : aucune inventivité, on se contente de reproduire les années 90 en moins drôle et beaucoup moins malin. Il est temps que tout cela s’écroule pour faire place à du neuf !
Sinon, j’ai revu True romance de Tony Scott (1993) qui est vraiment tout le contraire. Quel film sublime. Il y a tout dans ce film : l’humour, l’émotion, un esprit de liberté qui prend aux tripes et semble incroyable tellement nous nous en sommes éloignés. Mais je vais faire comme les Anciens, et considérer qu’il y a certaines choses qui sont tellement au-dessus de nous qu’il devrait être interdit d’en parler.
15 janvier 2012
Rousseau
J’ai commencé avant-hier la relecture de l’Émile de Rousseau. Rousseau est décidément un de mes écrivains préférés. J’ai lu tous ses grands ouvrages, et je ne crois pas pouvoir en dire autant en ce qui concerne n’importe quel autre auteur. Il y a chez lui une alliance unique de noblesse, de hauteur morale et de musicalité de la langue qui le rend irrésistible. On sent tout de suite à le lire qu’il n’est pas français : aucune trace de sarcasme ou d’ironie chez lui, ou alors seulement dictée par l’amertume. C’est ce qui lui donne sa place tout à fait singulière dans notre littérature, et ce souffle qui semble venir de si loin et de si haut.
11 janvier 2012
La chose la plus difficile du monde
Bukowski a écrit quelque part que rien au monde n’était aussi difficile qu’écrire. Certains auteurs, d’après des témoignages dignes de confiance, sont pris de crampes d’estomac lorsqu’ils sont devant leur page blanche, d’autres vomissent. Flaubert en pleurait de rage, Mallarmé en perdait le sommeil. Je veux bien le croire. Il y a tant de paramètres à respecter lorsque l’on veut écrire correctement, l’articulation entre le message que l’on veut exprimer et le vocabulaire dont on dispose est si problématique, les impératifs d’élégance stylistique qui s’ajoutent à cela sont si contraignants, qu’écrire est un véritable déchirement. On est toujours obligé de sacrifier une grande partie de ce que l’on a en tête pour arriver à produire un texte lisible. Un vrai travail de galérien !
6 janvier 2012
Philosophie et bavardage
Je lis les Entretiens d’Epictète et je suis frappé par la loquacité de ce fameux philosophe, qui contraste avec le côté lapidaire du Manuel. Je croyais les stoïciens plus économes de leurs paroles ! Mais ce goût pour le langage est une constante chez les philosophes grecs, et Diogène Laërce nous apprend par exemple que Platon et Pyrrhon étaient également réputés pour leur abondance verbale. Une seule exception semble-t-il, Zénon, fondateur du stoïcisme, qui avait coutume de dire : « Nous avons deux oreilles et seulement une bouche, parce que nous devons plus écouter que parler. » Encore Zénon venait-il de la périphérie du monde grec, ceci expliquant sans doute cela. Cette passion pour le discours est vraiment une spécificité grecque, car la plupart des autres traditions spirituelles prônent, avec raison d’ailleurs, le silence. C’est peut-être là aussi ce qui a entraîné la chute finale de la Grèce, vaincue par Rome sur le plan politique, par le christianisme sur le plan spirituel. C’est ainsi : le discours amène la division, et la division l’effondrement. Pour reprendre les termes de la Bible (Proverbes, 13, 3) : « Qui ouvre grand ses lèvres se perd. »
4 janvier 2012
La dimension ludique de Platon
Je crois qu’on passe à côté d’une dimension primordiale de l’œuvre de Platon si l’on ne voit pas qu’à partir d’un certain âge il écrivait ses dialogues en partie pour s’amuser. On a pu soutenir que certains dialogues, le Parménide en particulier, reflétaient une crise intellectuelle de Platon, qui en serait venu à douter de sa propre théorie des Idées. A mon avis il n’en est rien. Je crois plutôt que Platon avait délivré l’essentiel de son message dans la République et le Phédon, et qu’ensuite, comme il l’écrit lui-même dans le Phèdre, il a consacré sa vieillesse à un divertissement plus noble que le vin et les banquets, à savoir l’écriture. D’où la dimension aporétique et très abstraite de ses derniers dialogues : il s’agit d’une gymnastique intellectuelle. En outre, je crois déceler chez le vieux Platon une certaine répugnance à confier ses pensées les plus précieuses à l’écrit. A quoi bon exposer à la critique et aux railleries des imbéciles ses convictions métaphysiques ? Certaines choses ne doivent pas être exprimées, on rencontre cela dans toutes les traditions spirituelles. Dès lors, autant s’amuser et décrire l’Atlantide comme dans le Critias ou la configuration matérielle de l’univers comme dans le Timée…
1 janvier 2012
L'année sacrée
2012 ! Nous y sommes ! L’année miraculeuse est arrivée. Après cinq années de cauchemar, le rétablissement de la Justice est enfin en vue. Il y aura des soubresauts, des difficultés sans doute, et beaucoup d’angoisses, mais, au final, François Bayrou sera élu et les choses se remettront enfin à l’endroit. Des temps mémorables approchent, sachons nous montrer à leur hauteur et savourons le spectacle toujours bouleversant du triomphe du Bien.
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