Il y a quelque temps, je suis allé au musée du Louvre afin de trouver ce qui pouvait survivre au passage des siècles. J’ai passé là-bas un long moment et j’ai vu beaucoup de choses. Je quêtais sur les visages de marbre l’expression humaine de l’immortalité. En ce qui concerne les femmes, j’ai surtout vu des vierges. Des vierges chrétiennes, des vierges grecques. Même les Vénus arboraient une expression impassible et hiératique, digne du matériau qui les constituait. J’ai ensuite regardé les hommes, et j’ai vu sur toutes les faces la même expression : un visage dur, fermé, souverain, que ce soit chez Ramsès II, chez Auguste ou chez Bonaparte. Pour finir, j’ai regardé autour de moi, et j’ai vu un tout autre spectacle : des chairs juvéniles, des émotions fugaces, des hormones à fleur de peau. J’ai vu aussi des corps chenus, des vieillards, des impotents. Et il m’est apparu alors que deux choses seulement pouvaient transcender le temps : la chasteté, la maîtrise de soi. Tout le reste, toute cette efflorescence joyeuse, était soumis à l’empire du changement, du vieillissement, de la souffrance et de la mort.
Ah ! je vous ai bien compris, Egyptiens, Sumériens, Grecs, Romains ! Depuis cinq mille ans vous n’avez pas vécu et vous n’êtes pas morts pour rien ! Vous m’avez enseigné la meilleure des voies, la seule des voies. Elle est aride et escarpée, mais je tâcherai de la suivre, et j’espère en retour obtenir moi aussi ce bien que vous avez acquis et que vous m’avez promis : la vie éternelle.