24 novembre 2012

La Faim

      Lu La Faim, de Knut Hamsun. Livre assez extraordinaire, qui n’a pas du tout vieilli. Très grande acuité psychologique dans la peinture d’une conscience constamment sur la brèche, confrontée à la misère la plus absolue. Le narrateur passe à chaque instant de la rage à l’exaltation, et l’événement le plus minime retentit dans son âme aux abois comme le crissement douloureux d’une craie sur un tableau noir. Et ce qui est le plus remarquable, c’est que, plongé dans l’abîme, le narrateur est sans cesse traversé par de grands élans de magnanimité et de désintéressement. Cela m’a fait penser à un autre roman très marquant sur la solitude urbaine et le présent perpétuel : Un Homme qui dort, de Georges Perec. Et pourtant, et pourtant… lecture assez rebutante parfois, ennuyeuse par moments, en raison de son sujet même : une errance sur trois cents pages, sans fil conducteur, une succession d’épisodes insignifiants, le long monologue d’un être en proie à la souffrance et au désarroi.

Demain, Bayrou

      Qui peut mesurer l’amplitude des secousses qui se préparent ! Quel spectacle que celui d’un monde qui s’écroule ! Et qui donc aura la stature pour reprendre les rênes de l’État dans le chaos universel, et pour remettre enfin la France sur la voie qui est la sienne, la seule possible, celle de la grandeur et de l’indépendance ? Cet homme existe. Son heure approche et il le sait. Je n’écrirai pas son nom dans cet article, car que m’importe, dans six mois, dans un an, la petite satisfaction d’avoir eu raison ? Si l’on se place à l’échelle du destin, le futur est déjà accompli, et ce qui est inconcevable aujourd’hui ne sera que banalité demain.

2 novembre 2012

L'être et le néant

    

      Y a-t-il au monde plaisir plus grand que celui de lire un texte parfaitement intelligible ? Un texte dénué de toute notion abstraite, et qui décrit la réalité observable avec une acuité absolue... Face à un tel texte, c’est comme si le monde se déployait devant nos yeux, avec ses contours si nets, si tranchés… Et pourtant, les problèmes métaphysiques demeurent, et le langage reste sans doute le meilleur instrument dont nous disposons pour les affronter. Tel est par exemple le cas pour le fameux problème de l’être et du néant.
      Il y a un point sur lequel tout le monde est d’accord : le néant engendre l’être et l’être engendre le néant. On retrouve cette pensée dans la philosophie indienne traditionnelle, chez Lao-tseu et les maîtres taoïstes, chez Platon, etc. Mais, en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il y a, entre ces deux entités originelles, quatre sortes de relations possibles. Etudier et évaluer soigneusement chacune de ces relations, n’est-ce pas là un moyen comme un autre d’accéder à la sagesse ? Détaillons un peu tout cela.
      1. Le néant engendre l’être. C’est le cas le plus favorable. Tchouang-tseu disait : « Du vide de l’esprit jaillit la lumière. » Du silence et de la paix de l’esprit naissent l’action adéquate, le geste parfait.
      2. L’être engendre l’être. C’est là le domaine de la causalité, de la matière, de l’aliénation et de la souffrance. Face aux objets sensibles, d’innombrables variétés de sentiments apparaissent : désir, crainte, animosité, ressentiment, convoitise, etc. L’action est détournée de son cours optimal, de longues chaînes causales se mettent en place sans jamais atteindre la quiétude originelle.
      3. L’être engendre le néant. Tout ce qui naît meurt, tout ce qui existe disparaît. C’est le domaine de la justice. L’être, impur, est conduit, du fait de ses contradictions internes, à l’anéantissement. « Les êtres divers du monde feront retour à leur racine », dit Lao-tseu (Tao-tö king, 16).
      4. Le néant engendre le néant. Le néant est à lui-même sa propre source. « Sa fonction ne s’épuise jamais. » (Tao-tö king, 6).
      A partir de ces quelques observations, de profonds enseignements peuvent sans doute être tirés. Aurai-je le cœur assez pur pour les discerner ?