12 février 2014

Xun Zi et l'école des lettrés



                                                       
                                                        
      Je ne connais aucune civilisation qui ait voué un culte plus fervent à l’écrit que la civilisation chinoise. Il n’y a guère que les docteurs juifs qui aient manifesté une telle passion pour l’étude de leurs textes sacrés. L’étude, pour le maître chinois, spécialement lorsqu’il appartient à « l’école des lettrés », plus connue en Occident sous le nom de confucianisme, est l’activité humaine par excellence. « L’homme de bien dit : Jamais on ne doit cesser d’étudier. » Ainsi s’ouvre l’ouvrage de Xun zi, célèbre et imposant continuateur de Confucius.
      On ne peut qu’être frappé par la modestie d’une telle démarche. Confucius ne se considérait pas comme le fondateur d’un mouvement de pensée, mais comme un simple imitateur des sages du passé. « Je transmets, et n’invente rien de nouveau, disait-il. J’estime les Anciens et ai foi en eux. » (Entretiens, VII, 1). Et Xun zi fait cet aveu surprenant : « Il m’est arrivé de passer un jour entier plongé dans mes pensées. Cependant, cela n’a jamais valu un seul moment d’étude. » (Xun zi, I, 2). On rechercherait en vain de telles déclarations dans la tradition occidentale. Les dangers de la lecture, le caractère supérieur de toute pensée personnelle sont en effet proclamés par quasiment tous nos philosophes, de Platon à Schopenhauer.
       Lequel vaut le mieux ? Vivre le nez dans les livres, comme Confucius et Xun zi, ou aller se frotter à ses contemporains, comme Socrate, qui y a laissé davantage que quelques plumes ? La vérité est-elle chez les Anciens, ou devons-nous la réinventer à chaque instant ? Voilà un problème difficile, et qui mérite bien que nous y portions toute notre application.