14 juillet 2012

L'homme et la Voie

     
     

      On trouve chez Confucius une affirmation surprenante : « L’homme peut développer la Voie, dit-il, mais ce n’est pas la Voie qui développe l’homme » (Entretiens, XV, 28). Pour l’humanisme confucéen, l’homme est la réalité première, à partir de laquelle la Voie peut ensuite se manifester. Bien entendu, tel n’est pas l’avis de Lao-tseu, pour qui la Voie était déjà là « avant la naissance de l’univers » (Tao-tö king, 25). Même chose dans la Bible, où la sagesse est établie « dès le principe, avant l’origine de la terre » (Proverbes, VIII, 23).
       Confucius est mort il y a deux mille cinq cents ans, et il est resté dans les mémoires comme le plus grand sage de la Chine. Lao-tseu, lui, était si proche de la Voie qu’il n’est pas mort, et qu’il vit encore de nos jours, caché quelque part au fin fond de l’Inde ou de la Chine. Quoi qu’il en soit, voilà une question qui mérite qu’on y réfléchisse : soit il n’y a que la Voie qui existe et l’homme est un phénomène contingent et éphémère, soit la Voie n’est qu’une création de l’esprit humain, et l’homme est seul dans l’univers, sans réalité extérieure sur laquelle il puisse modeler son action. Deux perspectives qui, chacune à sa manière, devraient nous inviter à une certaine humilité quant à notre nature.
       Selon moi, c’est la Voie qui crée l’homme et non l’inverse. Je tire cette conviction du phénomène de l’universalité de la vertu : un acte vertueux sera reconnu comme tel par tous les hommes, indépendamment de l’époque, de la culture, du caractère. C’est donc la Voie qui s’impose aux hommes, et non les hommes qui inventent la Voie. Consolons-nous dès lors de notre statut de simples émanations en considérant la majesté et la pérennité de l’antique Voie qui nous soutient !

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