7 septembre 2022

Considérations sur le platonisme en politique



Il n’est pas impossible que l’on ait mal interprété, jusqu’à nos jours, l’action des fameux « hommes illustres » de l’Antiquité classique. On a vu, chez tous ces généraux et hommes d’État grecs et romains, l’expression d’une civilisation à son apogée, une alliance unique et éblouissante de rationalité, de maîtrise de soi et d’énergie virile. Peut-être faudrait-il y voir au contraire, comme Nietzsche l’a fait en son temps, le signe d’une indéniable décadence par rapport aux vertus plus stables et plus discrètes de l’ère patriarcale grecque, dont Homère fournit l’archétype, et dont les tragiques (Eschyle, Sophocle, Euripide) constituent les tous derniers échos avant extinction. Le platonisme en particulier, philosophie abstraite s’il en est, lorsqu’il a été appliqué en politique, ne traduit-il pas un immense désarroi quant aux valeurs et au sens même de la vie ? Loin de mener à une maîtrise accrue de la situation, à une appréhension vraiment objective des choses, comme l’ont cru ses adeptes, n’a-t-il pas conduit, au contraire, de manière systématique, à des comportements aberrants, erratiques, et finalement à des résultats catastrophiques, conséquence naturelle d’une altération radicale de la conception saine de l’existence ? Ne faut-il pas faire le procès du platonisme en politique, et voir ce qu’il est vraiment : un signe de décadence et de désespoir ?
Tout cela commence à la vérité avec Socrate, et c’est un des grands mérites de Nietzsche d’avoir entrepris une véritable critique de la nature et des motivations de l’esprit socratique, dès son premier ouvrage, La Naissance de la tragédie (1872), et jusqu’à ses toutes dernières pages de 1888 (Ecce homo). Qu’est-ce que Socrate ? C’est avant tout l’expression d’une révolte contre le grand principe patriarcal traditionnel, bien oublié de nos jours, mais qui a modelé toute la civilisation pendant des millénaires, et dont on trouve des traces un peu partout, dans le Ramayana de l’Inde, dans L’Iliade, mais surtout dans les institutions archaïques du monde indo-européen traditionnel, telles que de nombreux historiens ont pu nous les décrire (voir par exemple J. Ellul, Histoire des institutions, t. 1, pour ce qui concerne la Grèce). « Achille, fils de Pélée », « Hector, fils de Priam », « Ulysse, fils de Laërte », mais aussi « Cimon, fils de Miltiade », « Périclès, fils de Xanthippe », etc. Une exposition détaillée du principe patriarcal mériterait une longue étude à part entière, étude sans doute nécessaire tant ce principe nous est devenu étranger, mais il faut en tout cas comprendre que pour la mentalité que nous qualifierons d’« antique » tout le rapport à l’existence, l’essence même de celle-ci à vrai dire, était strictement déterminé par la lignée paternelle. C’est de cette lignée que toutes les vertus individuelles découlaient, il n’y avait pas d’autre source. « Digne de mon sang » est une notion qui revient sans cesse chez les tragiques. Cette conception de l’existence avait fait la preuve de sa pérennité, comme si elle était inscrite dans l’ordre même des choses. Elle donnait à la vie un certain caractère de noblesse et de grandeur, elle fournissait aussi une base de stabilité et d’endurance aux entreprises individuelles et collectives, dont l’agitation stérile de la vie politique contemporaine fournit l’exact contrepoint. Or c’est ce principe qui, sans que l’on sache vraiment pourquoi, s’effondre tout d’un coup, en Grèce mais aussi en Inde, aux alentours du VIe siècle avant notre ère. Socrate n’est pas le responsable de cet effondrement, il en est le symptôme. La dialectique socratique est un effort désespéré pour faire face et tenir bon, lorsque tout le reste fout le camp. Nietzsche y voit le triomphe des instincts populaires (de ceux qui, justement, n’ont pas de lignée) sur les antiques valeurs aristocratiques des Grecs : « Avec Socrate le goût grec s’altère en faveur de la dialectique : que se passe-t-il exactement ? Avant tout c’est un goût distingué qui est vaincu ; avec la dialectique le peuple arrive à avoir le dessus. Avant Socrate on écartait dans la bonne société les manières dialectiques : on les tenait pour de mauvaises manières, elles étaient compromettantes. (…) On ne choisit la dialectique que lorsqu’on n’a pas d’autre moyen. On sait qu’avec elle on éveille la défiance, qu’elle persuade peu » (Crépuscule des idoles, « Le problème de Socrate »). Dans l’Athènes du Ve siècle, confrontée à la guerre du Péloponnèse qui lui sera fatale, ravagée par la peste, agitée par les démagogues comme Cléon, la dialectique socratique représentait une planche de salut, puisque de toute façon les principes naturels de la civilisation traditionnelle étaient en train de couler : « Le fanatisme que met la réflexion grecque tout entière à se jeter sur la raison trahit une situation de détresse : on était en danger, on n’avait que ce choix : ou couler à fond, ou être absurdement raisonnable… » (Ibid.).
Il faut donc bien comprendre, au seuil de cette réflexion, d’où vient le socratisme, et le platonisme qui en est la continuation théorique : il s’agit d’une construction artificielle, hors-sol pourrait-on dire, échafaudée en vue de récupérer le sens de la vie, lorsque celui-ci s’en est allé. Le refuge dans la vérité objective, « scientifique » dirait-on de nos jours (Nietzsche a des pages féroces dans lesquelles il assimile de façon très pertinente la mentalité scientiste de son époque à l’esprit socratique), ce refuge dans une « vérité » abstraite et universelle (conception qui gouverne encore notre monde aujourd’hui) est le fruit du désespoir, il ne peut séduire que des esprits coupés des valeurs ancestrales, des marginaux, des excentriques, des « sans-père », et il ne peut conduire qu’à des comportements dogmatiques, idéologiques, artificiels, absolument calamiteux sur le plan politique. C’est ce que nous essaierons de mettre en évidence dans cet article.
Nous disposons, pour étudier le platonisme en politique durant l’Antiquité gréco-romaine, d’un outil incomparable : les Vies des hommes illustres de Plutarque. Il s’agit, pourrait-on dire, d’une « Histoire platonicienne de l’Antiquité », puisque Plutarque est un philosophe platonicien qui étudie l’histoire selon des principes platoniciens. Sans surprise, il montre une certaine prédilection pour les hommes d’État qui se revendiquaient de la même école que lui, et nous avons donc dans son œuvre toute une galerie de portraits d’authentiques platoniciens en politique. C’est donc à travers Plutarque que nous pouvons tenter de mesurer l’efficacité réelle du platonisme appliqué.
Deux traits communs ressortent avec évidence de toutes les biographies que nous allons évoquer : 1.  Une incontestable lacune, dans tous les cas, du côté de la lignée paternelle ; 2.  Une propension à l’agitation politicienne, une tendance à vouloir appliquer des principes abstraits (souvent la « vertu », la « liberté ») à la situation, et ce au mépris des contingences, avec, dans quasiment tous les cas, une issue tragique.
Nous pouvons à présent passer à nos « hommes illustres » (toutes les citations sont de Plutarque)  :

- Alcibiade : Le père d’Alcibiade, Clinias, meurt à la bataille de Coronée (447 av.  J.-C.), lorsque celui-ci n’a que deux ans. Il semble qu’Alcibiade ait trouvé en Socrate, auprès duquel il a combattu à la bataille de Potidée (432 av.  J.-C.), une sorte de père de substitution : « Assiégé et amolli dès sa jeunesse par ceux qui ne cherchaient qu'à lui complaire (…), il sut néanmoins, par la bonté de son naturel, reconnaître le mérite de Socrate ; il l'attira auprès de sa personne, et en écarta tous les hommes riches et puissants qui lui faisaient la cour. Il eut bientôt formé avec ce philosophe une liaison intime, et il écouta avec plaisir les discours d'un ami dont l'attachement n'avait pas pour objet une volupté honteuse et de lâches plaisirs ; mais qui voulait, en lui faisant connaître les imperfections de son âme, réprimer son orgueil et sa présomption. (…) On était étonné de le voir souper et lutter tous les jours avec Socrate, loger à l'armée sous la même tente que lui ; au contraire, traiter avec dureté tous ceux qui le recherchaient, les insulter publiquement.  » Alcibiade est donc le premier homme politique proprement socratique. Or qu’est-ce que la carrière politique d’Alcibiade ? Une suite de trahisons (passant d’Athènes à Sparte, puis au Mède, avant de revenir à Athènes et d’en être à nouveau exilé, etc.). Ce qu’il faut noter, c’est que l’homme qui a été le plus proche de Socrate est sans doute, en même temps, celui qui est le plus directement responsable de la chute de l’empire athénien (on connaît son rôle à l’origine de la désastreuse expédition de Sicile). Ce bref miracle athénien, où la force s’appuyait sur la rationalité, où un sens quasi divin de la beauté et de l’équilibre éclatait dans toutes les productions humaines (qu’on songe à la tragédie, à l’architecture), a donc été brisé irrémédiablement par un homme politique socratique. Alcibiade, après une série de revers, aura une fin tragique et obscure, assassiné en Phrygie, au sortir du lit de sa concubine.
- Dion de Syracuse : Le père de Dion, Hipparinos, meurt alors que celui-ci n’est encore qu’un enfant. Il semble que Dion ait trouvé en Platon une sorte de père de substitution : « Dion était d'un naturel fier, magnanime et courageux. Ces qualités s'accrurent encore en lui dans un voyage que Platon fit en Sicile par un bonheur vraiment divin, et auquel la prudence humaine n'eut aucune part. Il faut plutôt croire qu'un dieu, qui jetait de loin le fondement de la liberté des Syracusains, et préparait la ruine de la tyrannie, amena Platon d'Italie à Syracuse, et ménagea à Dion le bonheur de l'entendre. Sa grande jeunesse le rendait plus propre à s'instruire, et plus prompt à saisir les préceptes de vertu donnés par Platon, qu'aucun des disciples de ce philosophe. C'est le témoignage que lui rend Platon lui-même, et ses actions en sont encore une meilleure preuve. Élevé dans le palais d'un tyran, formé à des mœurs serviles, à une vie lâche et timide, toujours entouré d'un faste insolent, nourri dans un luxe effréné, rassasié de ces délices et de ces voluptés dans lesquelles on place le souverain bien, il n'eut pas plutôt goûté les discours de Platon et les leçons de sa sublime philosophie, que son âme fut enflammée d'amour pour la vertu.  » Ce n’est pas ici le lieu de revenir en détail sur les relations complexes entre Dion, Platon et Denys de Syracuse. Retenons seulement que Dion, imprégné par l’idéal platonicien, s’engagea dans une opposition intransigeante à l’égard de Denys, et qu’il fut exilé de longues années sur le continent. Après une dernière entrevue avec Platon à Olympie, Dion s’embarque en 357 pour Syracuse avec ses partisans, et chasse Denys du trône. Il est accueilli en libérateur par les Syracusains, mais il échoue finalement à venir à bout des dissensions internes, et il meurt assassiné, après avoir perdu une grande partie de ses soutiens. Agitations, dissensions, fin tragique, et désordre politique, puisque après sa mort Syracuse retombe dans la guerre civile, tel est le triste bilan du platonicien Dion en Sicile.
Nous pouvons à présent passer aux hommes politiques romains :
- Caton d’Utique : Le père de Caton meurt alors que celui-ci n’est encore qu’un enfant, et il est élevé par son oncle maternel. Très vite, Caton semble compenser cette lacune familiale par un attachement assez rigoriste aux idéaux philosophiques : « Il se lia intimement avec Antipater de Tyr, philosophe stoïcien, et fit sa principale étude de la morale et de la politique. Épris d'un si grand amour pour toutes les vertus, qu'il y semblait porté par une inspiration divine, il préférait à toutes les autres la justice, mais cette justice sévère qui ne se prêtait jamais à la grâce ni à la faveur.  » Ce n’est pas ici le lieu de revenir en détail sur la carrière politique agitée de Caton le Jeune. Il est connu pour son opposition intransigeante à César, et ses revirements à l’égard de Pompée, qu’il finit par rejoindre lors de la guerre civile après l’avoir longtemps vilipendé. Caton meurt en platonicien, et, acculé à Utique par les victoires de César, il finit par se poignarder après avoir relu le Phédon. Agitations, dissensions civiles, mort tragique et vaine, puisqu’elle n’empêchera pas César d’accéder à la dictature, tel est le triste bilan de Caton en politique.
- Cicéron : Cicéron était ce qu’on appelle un homo novus, c’est-à-dire qu’il n’est pas issu d’une famille patricienne. Plutarque fait état des incertitudes qui entourent sa lignée paternelle. Comme pour compenser une lacune de ce côté-là, le jeune Cicéron s’adonne avec enthousiasme à l’étude des lettres et de la philosophie : « Il avait reçu de la nature un esprit né pour la philosophie et avide d'apprendre, tel que le demande Platon : fait pour embrasser toutes les sciences, il ne dédaignait aucun genre de savoir et de littérature.  » Il se forme en particulier auprès d’un maître platonicien : « Après avoir terminé ses premières études, il prit les leçons de Philon, philosophe de l'Académie, celui de tous les disciples de Clitomachus qui avait excité le plus l'admiration des Romains par la beauté de son éloquence, et mérité leur affection par l'honnêteté de ses mœurs.  » Cicéron conservera toute sa vie ce fort attachement à l’égard de la philosophie, comme en témoignent les nombreux traités qu’il a consacrés à ce sujet, et auxquels nous devons en partie ce que nous savons sur les philosophies hellénistiques (notamment le De Finibus et les Tusculanes). Ce n’est pas ici le lieu de revenir sur la carrière agitée de Cicéron, sur ses nombreux revirements à l’égard de César et de Pompée. Après avoir prodigué son énergie dans de nombreux textes polémiques (Philippiques, etc.), il meurt finalement assassiné sur l’ordre d’Octave et d’Antoine, sans avoir réussi à empêcher la chute de la République et l’établissement du Principat. Agitations, dissensions civiles, fin tragique et vaine, tel est le triste bilan de Cicéron en politique.

- Brutus : L’incertitude règne autour des origines paternelles de Marcus Junius Brutus. Si, pour certains, il descend bien du premier consul de la république, Lucius Junius Brutus, pour ses ennemis, en revanche, « Marcus Brutus était de race plébéienne, fils d'un Brutus intendant de maison, et (…) il n'était parvenu que depuis peu aux dignités de la république ». Quoi qu’il en soit, c’est surtout du côté maternel que Brutus semble s’être tourné. Sa mère, Servilia, était la sœur de Caton (cf. supra), auquel il était fort attaché, au point de devenir son gendre. Tout comme Caton, Brutus était fort versé, dès son plus jeune âge, dans les lettres et la philosophie : « On peut dire qu'il n'y avait point de philosophe grec dont Brutus ne connût la doctrine ; mais il donna une préférence marquée à l'école de Platon. » La doctrine platonicienne semble avoir imprégné Brutus, et la droiture de son caractère ne passait pas inaperçue auprès de ses contemporains : « Brutus, aimé du peuple pour sa vertu, chéri de ses amis, admiré de tous les gens honnêtes, n'était pas même haï de ses ennemis. Il devait cette affection générale à son extrême douceur, à une élévation d'esprit peu commune, à une fermeté d'âme qui le rendait supérieur à la colère, à l'avarice et à la volupté. Toujours droit dans ses jugements, inflexible dans son attachement à tout ce qui était juste et honnête, il se concilia surtout la bienveillance et l'estime publique, par la confiance qu'on avait dans la pureté de ses vues.  » Le destin politique de Brutus est bien connu : l’assassinat de César (« La seule chose qui soit bien arrêtée dans mon esprit, c'est de n'être jamais esclave de personne »), le conflit avec ses héritiers (Octave et Antoine), la défaite dans la plaine de Philippes et le suicide final. Brutus n’aura pas réussi à sauver la République. Agitations, dissensions civiles, fin tragique et vaine, tel est le triste bilan de Brutus en politique.
La grande période classique de l’Antiquité occidentale, qui a vu la floraison de tant d’écoles philosophiques et en particulier du platonisme, est donc une période de crise sans précédent du principe fondamental de toute société humaine : l’ordre patriarcal. Ceci jette une lumière sans complaisance sur l’origine de la philosophie : celle-ci n’est ni une étape nécessaire et naturelle du progrès de l’esprit humain, ni un effort grandiose de l’homme pour atteindre on ne sait quel idéal de liberté et de béatitude. Elle est un effort désespéré et tragique pour faire face à la disparition du fondement même de l’existence. Les conflits incessants dans le monde méditerranéen entre l’époque de Socrate (guerre du Péloponnèse) et la bataille d’Actium sont l’expression et la conséquence directe de ce dérèglement global, que l’effervescence philosophique a grandement favorisé. Ce fut la fin de la paix, la fin du calme. Toutefois, cette crise a pris fin. Une génération après la mort de César, une voie grandiose a été rouverte à l’homme pour retrouver le chemin du Père, non pas le père selon la chair, mais le Père véritable, « de qui toute paternité au ciel et sur la terre tire son nom » (Éphésiens 3, 15).

3 commentaires:

  1. Merci pour cette stimulante perspective entre déchéance du patriarcat et apparition d'une philosophie en roue libre.

    Elle me rappelle, à certains égards, un article de Jean Borella intitulé "Platon ou la restauration de l'intellectualité occidentale". Un article qui se montre donc bien plus optimiste à l'égard de la philosophie platonicienne que le vôtre mais qui n'empêcherait pas toutefois de trouver certains points de ralliement. Un extrait :

    "Or, un fait frappe immédiatement tous ceux qui abordent ce genre de textes vénérables [les textes présocratiques], si on les compare aux textes platoniciens, dont pourtant les sépare seulement au maximum une centaine d’années, ou peut-être beaucoup moins : leur caractère extrêmement « hermétique », et le caractère « explicite » de l’œuvre de Platon. Il a fallu qu’un événement important se produise dans cet espace de soixante à quatre-vingts ans qui sépare le début du Ve siècle du début du IVe, un événement d’une exceptionnelle gravité, capable d’entraîner la ruine définitive de l’intellectualité occidentale. Si le platonisme n’avait pas providentiellement redressé le mouvement de destruction qui s’était alors emparé de l’intelligence grecque, le sort de l’Occident eût assurément été différent. Les doctrines chrétiennes et islamiques n’eussent point trouvé, dans leur rencontre avec le platonisme, la synthèse métaphysique qui, à travers tous ces « fils de Platon » que furent Clément, Denys, Augustin, Sohrawardî (Shaykh al-Ishrâq), Ibn’Arabi (shaykh al-Akbar), leur permit de maintenir et de sauver la lumière de la véritable gnose, et, par là, de vivifier de l’intérieur les formes les plus exotériques de la théologie comme de la vie religieuse."

    Notons par ailleurs que Guénon a souligné la simultanéité du début du Kali-Yuga et de l'apparition de la philosophie platonicienne. Peu importe de quoi le Kali-Yuga est véritablement le nom - le rapprochement entre les deux "événements" laisse spéculativement songeur.

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    1. Merci à vous pour ce commentaire très éclairant. Je ne connaissais pas Jean Borella. Il y a un point sur lequel je suis tout à fait d’accord avec lui (et avec René Guénon), c’est qu’en effet il semble y avoir eu une vraie coupure de civilisation, en Grèce et ailleurs, aux alentours du Ve siècle av. J.-C. Guénon l’évoque dans La Crise du monde moderne, il mentionne l’apparition du confucianisme et du taoïsme en Chine, le bouddhisme en Inde, Zoroastre en Perse, l’exil des Hébreux à Babylone, les premiers rois de Rome, etc. C’est cette époque que Karl Jaspers qualifie d’« âge axial », époque qui voit en effet l’apparition des philosophies profanes et une remise en cause généralisée des principes (patriarcaux) antérieurs. C’est une énigme assez passionnante.

      Pour le reste, je ne suis pas vraiment un « pérennialiste ». Je ne considère pas le christianisme comme une branche particulière d’une « Tradition primordiale », et je ne partage pas l’accent mis par Guénon et ses successeurs sur « l’intellectualité ». L’apport du platonisme sur le christianisme me semble très problématique par exemple (nulle trace d’influence de Platon chez saint Paul).

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    2. Le christianisme est en effet incompatible avec le point de vue "pérennialiste", Guénon niant tout ésotérisme chrétien ainsi que la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Jean Borella propose un contrepoint à ces affirmations dans ses ouvrages passionnants.
      Frithjof Schuon, autre "disciple" guénonien, s'est pour sa part quelque peu excentré de l'intellectualité qui domine en effet chez Guénon.

      Au plaisir de vous lire prochainement au sujet de Platon et Saint Paul.

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