30 décembre 2010

L'intelligence et la volonté

      Il y a une réflexion de François Mitterrand qui m’a toujours semblé très juste : « L’intelligence ? C’est la chose du monde la mieux partagée. La volonté, ça, c’est plus rare. »
      Tout le monde voit ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’il faudrait faire et ce qu’il faudrait éviter. Une des caractéristiques de l’âme humaine, c’est sa parfaite lucidité, sa parfaite transparence, même chez les individus les plus misérables et les plus dépravés. Etre intelligent, cela ne veut rien dire, car tout le monde l’est. Ce qui distingue vraiment quelqu’un, c’est la force de sa volonté. Savoir vaincre les multiples sollicitations sensibles, toutes les petites faiblesses de l’instant, et persévérer dans la voie juste, c’est beaucoup plus difficile, et infiniment plus rare.
      Platon, dans les Lois, a écrit que l’existence était un combat contre soi-même. Je suis de son avis. Ce n’est pas par la pensée que l’esprit triomphe de la matière, c’est par l’effort.

17 décembre 2010

Les temps contraires

      Lorsque j’avais vingt ans, je croyais que le tempérament déterminait tout, et qu’il n’y avait pas de circonstances si pénibles qui ne pliassent devant la force de la volonté. Je dois admettre aujourd’hui que je me suis trompé.
      On apprend toujours beaucoup de choses de la nature. Depuis quelques mois, je cultive des plantes. Au printemps, en été, il suffisait que je les arrose pour qu’elles poussent. Mais, dans la nature, tout obéit à des cycles. C’est à présent l’hiver, il fait froid, il fait sombre, et mes plantes ne poussent plus. C’est ainsi, mes plantes n’y sont pour rien, elles ne font que se soumettre à une loi qui les dépasse.
       Rien, depuis deux ou trois ans, ne semble possible en France. La peur, la violence et le désespoir règnent. Lorsque je m’examine moi-même, je constate que mes facultés d’action ont singulièrement baissé aussi. Ce qui, autrefois, me paraissait facile, naturel, me semble presque impossible aujourd’hui, comme si mes mouvements étaient bloqués par une inertie funeste. Je le constate, mais je sais que ce n’est pas de ma faute, que je ne suis pas à blâmer dans cette histoire. Les temps sont contraires, et rien n’est possible, pour personne. Mais, après le grand réveil des peuples et le sursaut inévitable de la France, ils reviendront, ces jours après lesquels je soupire tant.

13 décembre 2010

Une ambiance suicidaire

      Un parfum de suicide flotte dans les airs. Il ne se passe pas un jour sans que je découvre la mention d’un suicide dans les faits divers. Le dernier en date est le fils de Bernard Madoff qu’on a retrouvé pendu dans son appartement de Manhattan. Mais, la plupart du temps, ce sont de tout jeunes gens qui se suicident, parfois dans leur collège ou dans leur lycée. Je serais curieux de connaître les statistiques exactes du nombre de suicidés. Je suis absolument certain que celui-ci n’a fait que croître ces dernières années. Et, d’une manière plus générale, j’observe très nettement autour de moi et chez la population une tendance au découragement, à l’abdication, au désespoir.
       Tout cela n’est pas le fruit du hasard, mais reflète l’état d’esprit actuel de notre société. Les gens pensent, avec raison d’ailleurs, que le futur est sombre, que l’avenir immédiat s’annonce pire que le présent, pire que le passé. Tout ce qui se fait actuellement, tout ce qui se dit, ne débouchera sur rien, et les gens en ont l’obscur pressentiment. Il faudra atteindre la catastrophe, ou du moins une crise majeure, pour que tout ce que la société a de pourri disparaisse et pour pouvoir poser les bases d’un système meilleur, centré sur l’homme, et non plus sur le profit.
       Dans cette situation, le comportement naturel de ceux qui se calquent sur l’air du temps, c’est le suicide. Notre monde est en train de se suicider, et pour continuer à vivre, il faut donc aller contre la marche du monde. C’est possible, mais cela demande des efforts, une certaine force intérieure. Et c’est lorsque l’on est jeune que l’on est le plus sensible à l’influence de l’époque, comme en témoigne le fait que ce sont toujours les jeunes qui adoptent toutes les modes. Quel triste destin que d’être jeune dans les années 2010 !
      En ce mois de décembre, nous approchons chaque jour davantage du solstice, et il y a là une grande leçon à méditer : le déclin des jours et le triomphe de la nuit ne sont pas irréversibles. La lumière diminue chaque jour davantage, jusqu’au jour où le globe bascule et où le soleil, enfin, retrouve le chemin de son éclat maximal.