Je n’ai pas encore beaucoup avancé dans La Guerre du Péloponnèse de Thucydide, mais je me demande si je ne le préfèrerai pas aux historiens romains, et à Tite-Live en particulier. Celui-ci, malgré l’ampleur de son style, souffre d’une sécheresse d’esprit lorsqu’on le compare à l’historien athénien. C’est que, au fond, pour lui, la seule valeur invoquée, le seul idéal qui soutient ses hommes d’Etat, c’est Rome. Il parle à peine de vertu, jamais de sagesse ou de liberté. C’est cette simplicité et ce caractère concret qui ont permis, sans nul doute, aux Romains de triompher de leurs adversaires, engloutis par leur amour de l’or (Carthage) ou leur penchant excessif pour la liberté (la Grèce). Mais ce qui s’est montré si efficace sur le plan pratique se révèle assez pauvre, assez répétitif, sur le plan littéraire. Chez Thucydide, on devine, derrière les actions, tout un monde d’abstractions, de valeurs qui luttent les unes contre les autres ou s’interpénètrent. Les orateurs invoquent la liberté, le bonheur, la sagesse, tous ces thèmes hérités des philosophes et des sophistes. L’histoire emprunte le langage de la philosophie et la Fortune, au lieu de se confondre avec le destin d’une cité élue, favorise tour à tour telle ou telle notion politique, tantôt la Justice, tantôt la Force. On a l’impression de lire une tragédie, tandis que les historiens romains n’ont au fond écrit que des annales.
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