8 mai 2015

Jane Austen, Pride and Prejudice


     Lu le début de Pride and Prejudice, de Jane Austen. Une intelligence très fine, un style impeccable, ni trop sec ni trop alambiqué, et surtout une personnalité délicieuse, à la fois caustique et pleine d’empathie envers ses congénères. Un cœur dénué de toute morgue, de toute lassitude, comme on en voit trop rarement. Comme dit Gide, « quelle femme charmante ce dut être » ! Je comprends parfaitement pourquoi elle est l’auteur britannique le plus populaire après Shakespeare. Et pourtant… C’est la deuxième fois que je débute la lecture de ce fameux roman, et comme la fois précédente je cale à la quarantième page. Malgré toute ma sympathie et toute mon estime, mon intérêt s’étiole. A quoi bon lire deux cent cinquante pages de plus, puisque l’on sait déjà qu’Elisabeth et Darcy finiront ensemble ? A quoi bon, puisque l’on prévoit tout ce qui va suivre : des froissements d’amour-propre, des quiproquos, des brouilles, l’aveu difficile des sentiments réciproques, en un mot du pur marivaudage. Mais Marivaux expédiait ses intrigues en trois actes… Je ne désespère pas de terminer ce roman culte un jour ou l’autre, mais en attendant tout cela me donne une furieuse envie de me rabattre sur une littérature dense, concise, factuelle, où la psychologie ne joue qu’un rôle mineur. En un mot, je crois que la charmante lady du sud de l’Angleterre va me précipiter droit dans les contrées ténébreuses et pestilentielles d’Howard Philip Lovecraft…

6 commentaires:

  1. Ah, cher Laconique, quand je disais précédemment que vous étiez prolifique je ne me trompais pas ! C'est intéressant, ce que vous nous pondez-là, et pour moi vous n'êtes jamais aussi bon que lorsque vous abordez votre domaine de prédilection : la littérature.

    Hum... Jane Austen... Jamais lu, bien qu'entendu parler d'elle et de ses livres, surtout par les adaptations cinématographiques célèbres qui en ont été tirées. Je dois vous dire, et vous l'ignorez certainement, que cette littérature anglaise féminine me titille. Je range d'ailleurs Austen dans le même sac que les sœurs Brontë et Émilie Dickinson, même si cette dernière est américaine et écrit de la poésie. Dans mon esprit j'associe tout ça, que voulez-vous, et j'ai bien envie de mettre de l'ordre dans mes idées en me lançant par exemple dans "Les hauts de Hurlevent". J'ai déjà feuilleté le début, mais je crains comme vous que "mon intérêt s'étiole" vite, et, sans employer votre euphémisme, de m'emmerder sévèrement au bout de quelques pages.

    Mais assez parlé de mon cas, j'aimerais revenir sur ce que vous dites au sujet de cet ennui et de sa cause : vous avez l'impression de deviner ce qui va se passer, vous connaissez déjà la fin, en bref vous n'êtes pas surpris.
    Je ne vais pas vous faire la leçon, à vous, cher Laconique, et je ne vous apprends rien lorsque j'affirme que la littérature n'est pas qu'une affaire de bonne histoire qu'on nous raconte. Je ne pense d'ailleurs pas que vous lisez uniquement pour être déstabilisé et ému par de multiples tours de passe-passe narratif, comme toutes ces filles en chaleur avides de sensations et ces mecs décérébrés qui matent à foison des séries télé qui remplissent parfaitement leur rôle, créer des sensations à partir de rebondissements et de twists sans fins. J'ouvre au passage une parenthèse à propos de cette mode des séries que je trouve totalement affligeante et symptomatique de notre stupide époque dont l'objectif principal est de se griser.
    Cela étant dit, revenons maintenant au roman de Jane Austen : peut-être peut-on trouver, par exemple, son bonheur dans l'agencement de l'intrigue, dans le style et dans les fines analyses psychologiques ? Sinon j'imagine que ce livre recèle d'autres défaillances que celles que vous mentionnez.

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  2. Eh oui, cher Marginal Magnifique, vous n’êtes guère convaincu par ma prescience en matière de politique, ni par mes profondes vues métaphysiques, et il est vrai que la littérature est le domaine où j’ai le moins l’air de me fourvoyer ! En tout cas vous n’avez pas tout à fait tort de ranger « dans le même sac » Jane Austen, les sœurs Brontë et Emily Dickinson. C’est un peu le même profil : des filles pasteurs, qui ont reçu une éducation rigide et très complète, qui ne sont jamais mariées, et qui ont transféré dans leur œuvre l’excédent d’hormones et de romantisme que la réalité ne leur permettait pas d’évacuer. De nos jours, il semble que les jeunes filles aient moins d’inhibitions, moins d’entraves pour payer leur tribut à la nature… C’est peut-être un progrès dans un certain sens, mais c’est assurément une grande perte pour la création littéraire ! Quoi qu’il en soit, votre intérêt pour ce domaine ne me surprend pas, je sais que votre curiosité littéraire et artistique ne faiblit pas, comme en témoigne votre page Facebook ! Je dois vous dire que moi aussi je suis intrigué par « Les Hauts de Hurlevent », livre culte s’il en est, mais cela me semble bien plus sombre que Jane Austen, presque gothique, et dans le climat politique actuel je n’ai pas envie d’en rajouter dans la sinistrose…

    Vous avez bien raison de dire que la littérature n’est pas une affaire de twists et de « tours de passe-passe narratifs », lesquels ont en effet envahi non seulement les séries, mais également le cinéma depuis une bonne dizaine d’années. En passant, je partage votre désintérêt pour les séries télé, mais je ne suis pas sûr que ce soit si nouveau : ça a toujours existé, avant il y avait « 24 heures chrono », et encore avant « Dallas » et « Les Feux de l’amour ». Mais c’est vrai qu’il y avait peut-être moins de twists… En tout cas ce n’est assurément pas cela, vous vous en doutez, que je recherche dans une lecture, et connaître d’avance la fin d’un livre ne m’a jamais empêché de me régaler. Mais disons qu’avec ce « Pride and Prejudice » on a quand même parfois l’impression de baigner dans les fantasmes d’une jeune fille désœuvrée ; alors oui, le style est charmant, la psychologie est très fine, mais l’intrigue traîne un peu, on se lasse d’une vision de l’existence où le mariage et la fortune constituent le summum de la félicité… « Le ciel est un peu bas », disait très joliment Gide à propos de Jane Austen, et c’est un peu ce qui me « saoule » par moments. Mais bon, l’intelligence, la finesse d’esprit, la distinction rachètent ces petits défauts, et je crois que j’irai au bout cette fois !

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  3. Je me demandais, cher Laconique : est-ce la version anglaise du roman d’Austen que vous essayez de lire intégralement ? Car vous avez titré Pride and Prejudice, et non Orgueil et Préjugés.

    Je n’ai pas lu Orgueil et Préjugés, mais si mes souvenirs du lycée sont bons (j’avais eu droit, en cours d’anglais, à l’adaptation télévisée de 1995), un grand thème d’Austen est la typologie du mariage, où elle distingue en gros le mariage d’intérêts du mariage d’amour, sa valorisation du second s’inscrivant dans le romantisme et la primauté de l’individu sur les stratégies matrimoniales familiales. C’est peut-être là un des aspects « révolutionnaires » de ce roman qui échappe un peu au lecteur d’aujourd’hui.

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  4. Oui, je le lis en anglais. Ça va, c’est un vocabulaire assez simple, c’est pas du Conrad !

    Ah là là ! cher Johnathan Razorback, vous êtes incorrigible ! C’est plus fort que vous, il faut que vous voyiez les choses sous l’angle politique ! Votre lecture ne manque sans doute pas de pertinence, mais enfin, c’est un peu réducteur... Quoi qu’il en soit vous n’avez pas tort, il est vrai que l’argent joue un rôle non négligeable dans « Pride and Prejudice », mais je ne pense pas que Jane Austen ait été animée par des revendications politiques, elle rêvait juste d’épouser un homme riche (et le héros, Darcy, est très riche), et elle était sensibilisée à ces problèmes parce que la mort de son père avait placé sa famille dans une situation inconfortable à cet égard. Mais bon, un même texte peut se prêter à différentes lectures, c’est le charme de la littérature. Pour ma part, je préfère voir dans ce roman ce qu’y ont vu des lecteurs comme Gide ou Virginia Woolf, à savoir un trésor d’esprit et de causticité. Je n’ai pas vu la série que vous mentionnez, il y a eu aussi un film en 2006, qui a assez bonne réputation, et que je n’ai pas davantage vu

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  5. Et bien moi, j'ai aimé "0rgueil et Préjugés" parce que la psychologie y joue un rôle majeur. Nous sommes tous plus ou moins dépendants de nos sentiments et je trouve intéressante, la fine analyse de ses personnages,que nous livre Jane Austen. Et même si l'on sait qu'Elisabeth et Darcy finiront ensemble, long est leur chemin pour l'accomplissement de cet amour et agréable de les accompagner au fil des pages. Il est vrai que l'oeuvre peut paraître démodée car de nos jours, romantisme et grands sentiments n'ont guère la côte, mais justement elle est dépaysante car d'une autre époque. Maintenant en matière de lecture, chacun ses goûts, mais peut-être que si vous vous obstiniez Laconique à poursuivre au-delà des quarante pages, finiriez-vous par trouver attachants les héros de cette grande oeuvre.

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  6. Vous parlez très bien de cet ouvrage et l’on sent que vous êtes une personne de goût, avec une fine sensibilité littéraire, ce qui est de plus en plus rare à notre époque. « Orgueil et préjugé » est un livre culte, et ce n’est pas pour rien, je ne remets nullement en cause ce statut. Mais, malgré toutes les qualités que vous avez fort justement énumérées, le premier critère pour lire un livre, c’est avant tout l’envie, et le fait est que si je prends du plaisir lorsque je lis cet ouvrage, l’envie me manque souvent d’y revenir… Cela tient peut-être au fait que je le lis en anglais, ce qui rend la lecture plus lente. Mais je suivrai vos conseils, je n’abandonnerai pas, l’expérience m’a en effet prouvé que la constance porte souvent ses fruits en littérature.

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