13 septembre 2023

Considérations sur la notion de concept

Il semble que la capacité à former des concepts soit la principale caractéristique de la pensée abstraite. Le concept occupe de ce fait une place centrale dans toute théorie de la connaissance. Mais cette notion peut prêter à équivoque.
En considérant les choses de près, on peut distinguer deux sortes de concepts :
- Les concepts post res. C’est la forme la plus commune de concepts, celle qui subsume la multiplicité issue du donné sensible sous l’unité du concept intelligible. Par exemple, toutes les chaises du monde peuvent être subsumées sous le concept unique de « chaise », qui en contient toutes les caractéristiques « essentielles ».
- Les concepts ante res. Ce sont les abstractions pures. Par exemple, la « justice », la « vertu », la « charité », ne correspondent à aucune entité sensible, isolable matériellement. Elles renvoient à des notions purement intelligibles.
La pensée conceptuelle, à son niveau le plus élémentaire, semble apparaître très tôt, dès les stades les plus précoces de la vie intellectuelle. Un bébé peut former le concept de « biberon », puisque ses réactions physiologiques d’anticipation seront identiques quel que soit le biberon qui lui sera présenté, indépendamment de la singularité matérielle de ce dernier. De même, un chat saura reconnaître le concept de « sachet de croquettes pour chat », puisqu’il réagira de façon identique face aux différents sachets de croquettes pour chat qu’il pourra appréhender.
La question fondamentale concerne la réalité effective des concepts, des concepts ante res mais aussi des concepts post res. En effet, rien ne prouve que la multiplicité des « chiens » présents dans le monde soit subsumable sous le concept unique de « chien ». En réalité nous pouvons avoir affaire à autant d’individus uniques, non superposables, et le vocable de « chien » ne serait alors rien d’autre qu’une convention de langage ne renvoyant à rien de réel.
On déduit aisément les risques qui peuvent découler de tout ceci pour la pensée abstraite. Celle-ci, tributaire du concept, risque fort d’être inapte à saisir la réalité de l’expérience vécue, et de n’être par conséquent qu’une mécanique arbitraire mettant en jeu de pures conventions de langage, vides de contenu ; c’est-à-dire que toute la pensée, considérée dans son rapport effectif au monde en soi, risque fort de n’être que pure vanité, pure illusion. De fait, nous l’avons dit en commençant, le concept se trouve au fondement de toute pensée abstraite, il en est inséparable, au point que « concept » et « pensée abstraite » sont proprement des synonymes.
Le concept semble même indispensable pour s’orienter dans la vie considérée dans ses manifestations les plus concrètes, les plus immédiates. Il est évident qu’il faut bien former le concept de « porte » pour franchir une porte !
Ceci ne vaut pas que pour les concepts post res (empiriques). La capacité à former des concepts ante res (abstraits) et à y conformer son comportement, en dépit des sollicitations sensibles, semble indissociable de la faculté que nous nommons « liberté ». Dans une situation de colère, d’irritation extrême, pouvant déboucher sur de la violence physique, la représentation, au sein de la conscience du sujet, du concept de « vertu », ou de « maîtrise de soi », ou de « crainte du Seigneur », ou de « répercussions pénales », peut amener le sujet à modifier son comportement, c’est-à-dire qu’un concept purement abstrait entraîne un changement matériellement constatable dans la chaîne des déterminations causales, envisagée sous son aspect le plus sensible.
Si l’on considère que le concept est une pure convention ne renvoyant à rien de réel, cela signifie que c’est bien l’illusion qui détermine tous les aspects de notre vie, des plus basiques aux plus élaborés. En particulier, cela veut dire que toute forme de discours abstrait n’est que pure gratuité, pure vanité, arbitraire pur, ne renvoyant à rien de correspondant dans le monde en soi.
Et si l’on considère, au contraire, que le concept est quelque chose de réel, alors cela signifie que toute notre vie sensible n’est pas d’une autre texture que celle des rêves, puisque nous passons notre existence à nous déterminer en fonction d’objets sensibles et particuliers, lesquels, sous cette hypothèse, n’ont à leur tour rien de réel, puisque leur essence se trouve entièrement comprise dans le concept qui les subsume. Dans ce cas, ce sont bien les platoniciens qui ont raison, et l’attitude la plus sensée consisterait à se dégager de la multiplicité sensible pour ne considérer que la pure unité essentielle des choses. On pourrait alors envisager une sorte de gradation des concepts, orientée dans le sens d’une essentialisation ascendante, avec au sommet une sorte de « Bien » platonicien ou d’« Un » plotinien. Il va de soi qu’une telle conception de l’existence s’oppose en tous points à toutes les expressions de la vie contemporaine, sous quelque forme qu’on l’envisage.
La notion de concept pose donc un gigantesque point d’interrogation sur toute notre appréhension de la réalité. C’est une grande marque de la miséricorde divine d’avoir fait en sorte que si peu de gens se sentent concernés par ce problème, car celui-ci, envisagé dans toute sa pureté et en toute lucidité, remet radicalement en cause toute la conception que nous pouvons nous faire de la pensée et de la vie.

7 commentaires:

  1. Ah là là, vous me mettez cher à presque 3 h du mat, cher Laconique ! C'est compliqué tout ça, surtout à des heures pareilles. 😅 Vous vous intéressez à la sémiotique maintenant ?

    Les questions que vous soulevez sont très complexes, elles embrassent tout un tas de domaines, la sémiotique donc, mais aussi la philosophie, et même la science pure, voire la biologie avec la perception physiologique du monde.

    L'image que vous avez choisie pour votre article illustre d'ailleurs parfaitement vos réflexions, car, comme avec la Matrice du film, c'est l'existence même de la réalité qui se trouve remise en cause !

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    1. Ah, merci cher Marginal, en effet se coltiner l’objectivité du concept à 3 h du mat c’est un bel effort, j’apprécie !

      Oui, il y a sans doute un peu de jargon de sémiotique dans cet article, mais c’est une discipline que je ne connais pas du tout, donc c’est involontaire. En fait la question de la réalité des « universaux » est une très ancienne polémique philosophique, ce sont les fameuses « Idées » de Platon, et c’est aussi un sujet très présent chez Schopenhauer. Comme vous dites on peut aborder le problème avec plein de disciplines, mais moi c’est surtout l’angle philosophique qui est à ma portée. Cette querelle a fait rage tout au long de l’histoire, en particulier au Moyen Âge. Et d’une certaine manière elle n’est toujours pas résolue… Donc derrière l’esbrouffe de surface il y a un vrai problème métaphysique ! Tout comme derrière l’esbrouffe de surface de Matrix il y a deux super films et une ouverture très maligne sur les grands questionnements philosophiques.

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    2. Bonjour Laconique,
      Bravo pour ce billet, vous avez bien présenté le problème, non seulement pour la théorie de la connaissance et l’ontologie, mais en déduisant de manière judicieuse des ouvertures éthiques (le détachement platonicien du sensible, considéré comme illusoire) ! Sans doute votre meilleur billet en philosophie jusqu’à présent !

      Ça fait plusieurs jours que je cherche du temps pour vous répondre. Le sujet est immense et donc je vais me contenter de quelques remarques un peu en vrac :

      1) Sur les concepts antes res : autant je suis d’accord que la justice, par exemple, n’est pas une qualité sensible, observable, etc. Autant je suis trop empiriste pour admettre que ces concepts existent avant l’expérience. Nous n’avons pas une idée innée de la justice à la naissance, il faut au contraire l’apprendre aux enfants, au travers de circonstances, etc. La justice (et les intelligibles en général) pourrait alors être des concepts formés non par l’intégration de sensations similaires, mais par la saisie d’une relation d’adéquation (X convient à Y) ou de similitude (l’état X est conforme / imite la règle Y), laquelle adéquation se vérifie induction à partir de l’observation empirique d’un certain équilibre (la restauration de la concorde dans un groupe humain, mettons).

      2 : Je ne suis pas convaincu que le chat (ou le bébé) mobilise une pensée conceptuelle. On peut identifier comme similaires des qualités (« rouges ») sans avoir pour autant la capacité de produire une idée abstraire de nos expériences (le « rouge », applicable à des pensées associant des éléments qui non jamais été vécus, comme l’imagination d’un avion rouge, etc.).

      3 : Par suite du point précédent, le chat (ou le bébé) n’a pas du tout besoin du concept de porte pour franchir une porte ! Il suffit qu’il arrive à distinguer des couleurs, des données relatives à la forme, la profondeur, etc.

      4 : Puisque les concepts s’origine dans des expériences (même s’ils ne dérivent pas tous de qualités simples comme le chaud et le froid, etc.), on ne peut guère dire que la pensée conceptuelle serait le point d’appui d’une liberté opposable aux influences du milieu… D’un point de vue matérialiste, quand vous êtes frappé de l’idée que « frapper untel serait injuste » et passer outre votre agacement, ce n’est jamais qu’un processus matériel (acte mental de souvenance, anticipation des conséquences, affect de peur…) qui vient en contredire un autre (frustration, colère, etc.). Il n’y a pas de liberté transcendante là-dedans, n’en déplaise au rationalisme spiritualiste.

      5 : L’avant-dernier paragraphe (« s’il on considère le concept comme quelque chose de réel ») est mal formulé en ceci que, même si le rapport entre la pensée abstraite et le monde objectif n’était pas adéquat (vrai), il n’en resterait pas moins que le concept existe en tant qu’illusion (il est donc réel au sens où une illusion d’optique fait partie de la réalité, le non-être n’ayant pas de réalité, comme disait Parménide).

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    3. 6 : Ce qui reste problématique à mes yeux n’est ni psychologique (d’où viennent les concepts ?) ni anthropologique (le concept sort-il l’homme du déterminisme ?) mais gnoséologique : quel rapport y-a-il entre la pensée et le monde ? Ici, les solutions « essentialistes » ou « nominalistes » sont chacune séduisantes et difficilement acceptables :

      6.1 : Le concept d’essence est dur à avaler pour un matérialiste. Ses origines platoniciennes sont connues. Il y a d’abord dans l’essence un côté fixiste, identitaire (une table est une table) qui s’accorde mal avec le primat du devenir, de la transformation perpétuelle de la matière. Les sciences humaines contemporaines ont ainsi une répugnance fréquente contre l’invocation d’une « nature humaine », qui occulterait l’histoire, le changement social, etc. Ensuite, considérer que la chose est faite d’un mixte d’essence et de caractéristiques non-essentielles (contingentes, secondaires, passagères, etc.) est quelque peu hiérarchisant. Il y a la forme qui a le beau rôle, qui informe, qui met de l’ordre, et puis la diversité sensible qui est passivement « tenue » par quelque chose de plus essentiel, d’invisible… Enfin, d’un point de vue scientifique, l’essence étant inobservable, elle passe pour un archaïsme métaphysique introduisant des propositions arbitraires, invérifiables. Comment vérifiez scientifiquement une analyse d’essence ? Une proposition du style « l’homme est essentiellement raisonnable » ?

      6.2 : Ces difficultés rendent les positions nominalistes (Hume, Montaigne, Spinoza, etc.) très attirantes. Il n’y aurait ainsi pas d’essence cachée dans l’objet ; le concept ne se réfère pas à une réalité objective ; il est du côté du sujet, il est un outil du sujet pour ordonner la diversité du réel en soi inconnaissable (la « chose en soi » chez Kant). La pensée conceptuelle sera alors tantôt une falsification illusoire (Nietzsche) ou une construction pratique permettant de figer artificiellement un réel mouvant pour agir dessus (Hobbes, Bergson).
      6.3 : Par rapport à Platon, la solution nominaliste (apparu dans le moyen-âge anglais et populaire chez les Modernes) apparaît comme sacrément plus économe et plus sobre. Elle souligne le rôle actif (et déformant) du sujet, là où la tradition aristotélicienne et catholique est jugée naïve en acceptant un accord naturel entre le sujet et le monde.

      6.4 : Pourtant, dans ses variantes les plus radicales (« constructivisme radical », inspiré de Nietzsche notamment et influent dans la pensée « post-moderne »), le nominalisme est évidemment un scepticisme. Il élimine la connaissance. Le réel délivré de l’essence est rendu à son impermanence et sa foisonnante variété, mais au prix de la possibilité pour nous d’accéder à la vérité. Ce serait au fond les sophistes (ou les tragiques archaïques) qui auraient eu raison contre le rationalisme de Platon. Platon et surtout Aristote étaient d’une certaine façon des hommes des Lumières : ils croyaient à la possibilité et à l’utilité d’augmenter les connaissances disponibles. Mais à quoi bon accumuler les faits et les théories si nous ne pouvons connaître des choses « que ce que nous y avons mis » (Kant) ? Rien ne différencierait les œuvres humaines entre elles : un poème est autant un produit de l’esprit humain qu’un traité de physique astronomique, d’anatomie ou d’histoire, il n’est pas plus vrai ou faux, etc.

      6.5 : Il y a pourtant quelque chose que le nominalisme ne peut pas expliquer. Si c’est nous qui donnons à la chose une stabilité et une cohérence qu’elle ne possède pas, comment se fait-il que nous pouvons pas croire librement n’importe quoi à son sujet ? Si elle ne possède pas une structure interne, ou n’est pas la combinaison locale d’un faisceau de qualités réuni par une force unificatrice, pourquoi ne change-t-elle pas d’apparence trop rapidement pour que je puisse en penser quoi que ce soit ? Et comment se fait-il que nous pouvons agir efficacement avec l’objet si ce que nous en pensons n’est jamais adéquat à sa nature ?

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    4. 6.5 : Peut-on trouver une voie de sortie entre le rationalisme essentialiste classique et le scepticisme ? Peut-être faut-il conclure avec Hegel que la vérité se trouve par la pratique. La solution à laquelle j’en suis venu à présent est le constructivisme pragmatique. Elle consiste à utiliser la possibilité de l’erreur pratique pour démontrer que nous avons des connaissances sur le monde. Ma pensée est certes une médiation par rapport aux choses et ne les reflète pas purement et directement. Cependant, je peux prouver sa validité par le fait qu’il est vérifiable que je ne peux pas raisonnablement attribuer arbitrairement des propriétés aux choses. Par exemple, si je pense qu’une couche de glace est solide, et qu’en marchant dessus je passe au travers, je sais que ce que je pensais était erroné. Je sais donc aussi que lorsque ma pensée aboutit à une action réussie, elle contenait suffisamment de vérité (une approximation du réel suffisante) pour « agripper » la chose, être en synergie avec elle par une lucidité d’esprit que vérifie le succès de mon action. Nous savons donc quand nous avons mal jugé l’objet. Et nous savons aussi que nous avons régulièrement bien jugé de l’objet, même si nous ne savons pas précisément en quoi notre pensée était adéquate à lui (puisque c’est l’erreur qui nous révèle une inadéquation et nous permet de rectifier notre pensée par tâtonnement successif. L’action réussie ne nous apprend en revanche rien de précis). La vérité est donc démontrable par inférence à partir de la connaissance pratique de l’échec. Un univers dans lequel nous n’agirions pas, où nous serions de purs esprits flottant passivement devant des images, ne serait pas concerné par la question de la vérité. Il y a de la vérité parce que nous avons à penser et à faire avec notre milieu naturel et avec nous-mêmes. Il n’y a pas de problème de la connaissance dans un monde sans vie.

      Le constructivisme pragmatique permet donc d’éviter le scepticisme et le relativisme si populaire de nos jours, sans passer par une solution aussi coûteuse que l’introduction d’une essence de la chose (quand nous échouons, c’est que nous avons imputé de mauvaises caractéristiques à la chose, mais rien ne permet de dire qu’elles étaient plus ou moins essentielles). Il est cependant incompatible avec le positivisme / scientisme : nous ne pouvons pas affirmer l’existence de lois éternelles, puisque la chose se révèlera peut-être autre demain qu’elle ne l’est la dernière fois que nous avons interagit avec elle (argument de Hume sur le caractère dogmatique de l’affirmation d’une permanence de la nature, l’Homme y compris). Nous pouvons construire des modèles scientifiques successifs, des concepts de plus en plus raffinés et précis, des objets de pensée nouveaux (les neutrons en physique, etc.) mais rien ne prouve qu’ils permettront toujours d’agir efficacement dans un milliard d’année. Le changement du monde peut transformer nos connaissances en croyances obsolètes.
      Le constructivisme pragmatique permet dès lors de fonder l’épistémologie (théorie de la science) et de son progrès historique –mais un progrès non-linéaire et non-cumulatif, parce que l’abandon de certains paradigmes sera tôt ou tard nécessaire, non pas seulement à cause de phénomènes déjà présents mais encore inconnus, mais parce que le monde du futur ne sera plus le même (une pensée nouvelle devra donc apparaître pour rendre compte de la vérité d’un monde nouveau). La philosophie et la science prennent ainsi sens dans une philosophie générale matérialiste « crépusculaire ».

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    5. Merci beaucoup cher Johnathan Razorback pour ces réflexions d’une très grande richesse. Mon billet n’en méritait sans doute pas tant, mais du moins cela vous a permis de mettre ces réflexions par écrit, et peut-être vous seront-elles utiles pour des travaux ultérieurs. Je vais tenter de répondre brièvement sur chacun des points que vous avez soulevés.

      1 – Votre position est bien formulée, mais elle est trop empirique pour moi. De mon point de vue, en ramenant toutes les valeurs à de l’empirique, on rendrait impossible la possibilité de formation d’un consensus social (universel) autour desdites valeurs. Et c’est la notion même de l’homme en tant que créature appartenant aussi au monde intelligible, et de la dignité de l’homme, qui se trouverait remise en cause.

      2 et 3 – Vous avez sans doute raison.

      4 – C’est la question centrale à mon avis, en éthique tout du moins. Ma formulation est fortement teintée de kantisme. L’idée de Kant selon laquelle la simple représentation d’un devoir abstrait (ou plus précisément la simple forme d’une maxime universelle du devoir) suffit à générer – à imposer – un acte au sein de l’univers empirique, indépendamment de toutes les pressions d’ordre sensible qui pourraient s’exercer par ailleurs, a toujours été très importante pour moi, en ce qu’elle seule à mon sens se montre apte à fonder une liberté effective au sein de ce monde empirique. Sans cela, cela veut dire que tout est matériellement déterminé dans le monde, et qu’il n’y a aucun jeu pour la liberté. C’est une conclusion qui me semble irrecevable.

      5 – Vous avez sans doute raison.

      6 – Oui, votre « constructivisme pragmatique » répond sans nul doute à un grand nombre d’apories du nominalisme comme du « réalisme » (apories que vous pointez de façon très pertinente pour l’un comme pour l’autre). Il a en effet le grand mérite de réintroduire de la souplesse et une dimension temporelle dans toute cette controverse. Mais il reste au fond un empirisme. Il sort justement de cette opposition métaphysique tranchée que j’ai voulu mettre en évidence dans l’article (de façon un peu artificielle et hâtive sans doute, comme en témoignent vos judicieuses remarques). Au fond, plutôt que de prendre nettement position dans le débat (qui est sans doute un « faux » débat, une fausse « question », comme toutes les questions métaphysiques d’après Nietzsche), vous déplacez le terrain d’analyse et revenez sur le plan de l’expérience du sujet… Sur ce plan-là, vous avez résolu le problème, sans nul doute.

      J’avais réagi sur votre « philosophie de l’histoire crépusculaire », aux tendances anti-idéalistes très marquées.

      Merci encore pour ces éclairages extrêmement minutieux.

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    6. Tout le plaisir est pour moi ;)

      Le pragmatisme (qui est surtout un courant américain) a des liens historiques avec l'empirisme, mais il va au-delà en ceci que l'hypothèse scientifique repose sur un acte d'imagination (de création) et pas simplement sur une perception. L'empirisme, comme Nietzsche, comme la phénoménologie, se contente au fond de l'apparence (ce qui apparaît ; le phénomène dirait Kant). Il décrit mais il n'explique pas. Alors que la séquence : observation - hypothèse - expérimentation et vérification de l'efficacité de la théorie permet d'accéder à une connaissance généralisable (sinon éternelle et intemporelle), au-delà de l'expérience vécu par l'individu. Cette dialectique entre la pratique et la théorie semble avoir été saisie surtout au 19ème siècle, chez Hegel et Marx par exemple, ou chez Claude Bernard en médecine.

      Après, je ne prétends évidemment pas détenir la vérité absolue, surtout en théorie de la connaissance qui est un domaine que j'explore vraiment depuis moins d'un an. Je sens que c'est un domaine où je changerais encore d'opinion.

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