10 janvier 2019

Le statut de la femme dans la société technique



Lu Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick, avec beaucoup d’intérêt. Je commence à connaître cet auteur, et deux constats peuvent être faits :
1. Philip K. Dick décrit un monde très urbanisé, où la technologie occupe une place prépondérante.
2. Les personnages de Philip K. Dick et l’auteur lui-même, d’après différents éléments biographiques, sont très sensibles à la beauté féminine, aux charmes féminins en général.
On pourrait croire qu’il s’agit là de deux faits indépendants. L’objet de cet article est de soutenir qu’il s’agit au contraire de faits étroitement corrélés.
En un mot : plus la femme est située dans un univers urbanisé, plus elle est attirante pour l’homme. La femme, comme tout le reste, change de statut selon le milieu où elle se situe. J’ai longtemps habité à la campagne, poursuivit-il. Le rapport à la jeune fille, et l’image que la jeune fille a d’elle-même, n’est pas du tout le même qu’en ville. La jeune fille est intégrée à la nature, elle est dépassée par quelque chose de plus grand qu’elle : la mer, les roches immémoriales. Son comportement est naturel, humble, spontané, elle est incluse dans le flux universel et ne se détache pas vraiment pour l’observateur.
En ville, tout change. C’est un univers d’objets, régi par une seule loi : la fonctionnalité. Quel que soit l’objet sur lequel le regard se pose, il a une fonction, il est censé remplir un désir ou un besoin de l’homme. La femme, plongée dans ce milieu, en acquiert fatalement les caractéristiques : elle devient objet, susceptible d’une utilisation, en l’occurrence l’acte sexuel. Elle se détache fortement par rapport à un univers métallique et froid. Tout concourt à accroître prodigieusement son potentiel d’attraction. Elle le sent, et son comportement se modifie en conséquence.
Il faut donc bien comprendre que le désir moderne n’est plus du tout l’expression d’un instinct naturel. Il est la conséquence de la nature technicienne de l’univers que l’homme s’est bâti.
Tout concourt à illustrer cette thèse. Plus l’environnement urbain est dense, plus le taux de divorce est élevé. C’est un fait, tu peux vérifier. Et le genre cyberpunk lui-même, pour en revenir à Philip K. Dick, est systématiquement peuplé de créatures féminines hypersexualisées : il suffit de penser à Total Recall, Ghost in the Shell, tout l’univers manga en général, le cinéma de David Cronenberg, etc.
Ainsi, contrairement à une idée répandue, le désir sexuel est la chose la moins naturelle qui soit. C’est un phénomène socialement déterminé, comme tous les autres. Maintenant, réfléchis à la place phénoménale que la technologie a prise dans nos vies depuis vingt ans. Et poursuis le corollaire quant au statut de la femme. Je me suis promené dans les rues de nos villes dans les années quatre-vingt-dix. Je me souviens. Cela n’avait rien à voir. Les jeunes filles étaient silencieuses, intégrées au reste de la population, la société était plus uniforme, et de fait plus unifiée. Aujourd’hui, les jeunes filles sont bruyamment démonstratives lorsqu’elles sont en groupe et en public, elles sont le centre du monde et elles le savent, en revanche elles sont presque apeurées lorsqu’elles se trouvent en situation d’isolement ou de proximité avec un homme, elles se vivent comme des proies potentielles. Ce n’était pas comme cela avant.
Tout ceci explique la résurgence actuelle du féminisme, qui au-delà du désordre idéologique permanent qui le décrédibilise, possède en réalité des sources profondément légitimes. Les jeunes femmes sont dans une position intenable dans notre société, soumises à des injonctions contradictoires, et elles ne sont jamais appelées à se considérer en tant que sujets, avec la dignité et la liberté qui en découlent.
Mais, comme toujours, nous subissons une dérive sans nous interroger sur ses causes. Tout cela est vraiment navrant, et il fallait que je le dise, pour essayer, qui sait, de changer un peu les choses.

3 janvier 2019

Jean-Paul II : La Splendeur de la vérité



J’aime beaucoup les émotions, me dit-il. C’est vraiment ce que je préfère dans la vie. Se sentir bien, confiant, joyeux, il n’y a rien de tel. Mais enfin, force est de constater que si tout le monde est comme cela, cela aboutit à une société invivable. Les individus ne sont plus alors que des automates mus par leurs affects. Toute relation, toute communication se réduit à la recherche d’effets à produire sur l’autre. Il n’y a plus rien d’objectif, chacun est dans sa bulle, livré à ses penchants. Il est vrai que c’est là, en grande partie, une peinture fidèle du monde actuel.
Aussi, c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu La Splendeur de la vérité (1993), l’encyclique de Jean-Paul II consacrée à la morale. Affirmer que la morale repose en dernier ressort non sur des sentiments subjectifs ou intersubjectifs, mais sur la vérité, c’est, dans le monde dans lequel nous vivons, accomplir un acte révolutionnaire, d’une formidable portée émancipatrice. « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres », affirme l’Évangile (Jean, 8, 32). « S’il existe un droit à être respecté dans son propre itinéraire de recherche de la vérité, il existe encore antérieurement l’obligation morale grave pour tous de rechercher la vérité et, une fois qu’elle est connue, d’y adhérer », écrit Jean-Paul II (34). Il fustige les trois grands travers moraux du monde contemporain : le subjectivisme (« Le bien, c’est ce que je sens être tel »), le relativisme (« Il n’y a pas de bien ni de mal absolus, il faut s’adapter aux circonstances »), l’utilitarisme (« Le bien, c’est ce qui est utile »). En fondant la morale sur une réalité extérieure à l’homme, il nous libère de cette effroyable mécanique émotionnelle qui nous détruit à petit feu. Il trace une voie claire et humaine pour agir, pour vivre tout simplement. Le monde moderne, obnubilé par la liberté, ne génère en réalité que des individus désemparés, souffrants, agressifs et agressés. En lieu et place de la liberté promise, nous avons l’aliénation totale.
J’aime beaucoup les émotions. C’est ce que je préfère dans la vie. Mais aucune émotion au monde n’est comparable à la liberté profonde que l’on ressent lorsque l’on reconnaît qu’il y a quelque chose au-dessus des émotions.

20 décembre 2018

Racine, Wagner, Kubrick : Le grand mystère



Il y a entre Jean Racine, Richard Wagner et Stanley Kubrick un si grand nombre de points communs que cela dépasse le cadre de la simple coïncidence. Outre le fait que ce sont sans doute les plus grands génies du monde occidental dans leurs arts respectifs, on peut relever les faits suivants :
- Racine a perdu ses parents dans ses toutes premières années. Wagner a perdu son père à l’âge de six mois.
- Ils ont tous trois vécu dans les limites de leur siècle : Racine (1639-1699), Wagner (1813-1883), Kubrick (1928-1999).
- Ils ont tous trois été heureux en ménage et ont fait un mariage fécond : Racine a eu sept enfants, Wagner a eu trois enfants, Kubrick a eu deux filles.
- Ils sont tous trois morts aux alentours du printemps : Racine le 21 avril, Wagner le 13 février, Kubrick le 7 mars.
- Ils ont tous trois produit un nombre restreint d’œuvres : 12 pièces pour Racine, 13 opéras pour Wagner, 13 films pour Kubrick.
- Leur dernière œuvre, énigmatique, présente une mise en abyme, avec un spectacle dans le spectacle. Dans Athalie de Racine, c’est le couronnement et l’onction de Joas. Dans Parsifal de Wagner, c’est l’exposition du Graal. Dans Eyes wide shut de Kubrick, c’est l’orgie dans le palais vénitien. Le spectacle devient donc une liturgie. C’est l’art total, l’art sacré, l’aboutissement de l’œuvre.
Quel mystère se cache derrière un tel parallélisme des destinées et des œuvres ? Nul doute que c’est le sens même de la vie qui est ici en jeu. J’ignore encore la signification exacte de cette troublante conjonction, mais je vais m’employer à la percer et à la révéler au grand jour.

6 décembre 2018

L'anthropologie du Nouveau Testament



« Ceux qui considèrent la Bible comme un recueil de contes édifiants n’ont rien compris, me dit-il. C’est pourtant l’opinion la plus répandue. Or la Bible est tout autre chose. La Bible est un livre critique, c’est là son essence fondamentale. Ce n’est pas une succession d’histoires pieuses inventées ex nihilo. C’est une réaction, radicale et corrosive, à une réalité jugée insupportable. Cela vaut pour les deux Testaments :
- L’Ancien Testament est une dénonciation de l’illusion du pouvoir absolu, de la puissance, qui avait atteint des degrés inimaginables à cette époque. Dieu dit : « Vous pouvez bâtir des pyramides, assembler des empires dévastateurs en Assyrie, à Babylone, en Perse, moi, je renverserai tout ça, il n’en restera rien, et j’exalterai le peuple le plus insignifiant, le plus méprisé de la terre, sans raison, sans justification, tout simplement parce que je l’ai décidé. Toutes vos armées, toutes vos richesses, toutes vos pompes, tout cela n’est rien, ce n’est que du vent, et je vais vous le prouver. » Voilà le message de l’Ancien Testament. Il ne s’agit pas de morale, ou de chimères, ou de consolations. Il s’agit d’une dénonciation lucide et sans concession d’un mirage politico-social qui aveuglait alors tous les esprits.
- Le Nouveau Testament, lui, a deux cibles :
D’une part, il s’agit d’une réaction dialectique contre le légalisme juif. Pour parler en termes hégeliens, c’est la négation de la négation. D’où la phrase du Christ : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Marc, 2, 27).
D’autre part, il s’agit de prendre en compte la nouvelle anthropologie issue de l’avènement de l’Empire romain. Jusqu’alors, l’individu ne comptait pas, il était totalement dépendant du sort de la cité, et pouvait être exterminé avec celle-ci en cas de défaite militaire. À partir du premier siècle de notre ère, les choses changent. La guerre disparaît, on meurt désormais de vieillesse, le bonheur ou le malheur deviennent des perspectives individuelles. Dès lors, livré à lui-même et à ses penchants, délivré de la peur, c’est un autre fléau qui s’abat sur l’individu : la possession. Ici, nul besoin d’effort d’imagination, il suffit de se promener dans les rues pour comprendre de quoi il s’agit, la situation du monde romain est encore la nôtre : chacun est possédé par son démon particulier, qu’il se nomme Avidité, Narcissisme, Orgueil, Nihilisme, etc. C’est de la nature même de l’homme qu’il s’agit : l’homme est désormais un champ d’action ouvert à toutes les menées des démons. Et le Christ, si l’on y regarde attentivement, ne fait pas autre chose que de guérir des possédés, encore et encore. Il n’a rien à offrir à ceux qui s’adressent à lui, il ne les renvoie pas euphoriques et comblés (ce qui est justement l’œuvre des démons). Il les renvoie libres : « Va, tu es guéri, ne pèche plus. » Telle est donc la promesse du Nouveau Testament en ce qui concerne cette vie : la liberté, et rien de plus : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jean, 8, 31). « C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés » (Galates, 5, 1). D’où la déception de ceux qui recherchent dans la religion la même chose que ce que leur propose le monde : des sensations fortes, des étourdissements. D’où aussi le caractère toujours précaire de l’œuvre de Dieu, et la parabole terrible de l’Évangile sur l’esprit impur qui revient sept fois plus puissant après avoir été chassé une première fois (Matthieu, 12, 43).
C’est là l’anthropologie du Nouveau Testament ; seul le christianisme porte ce message sur l’homme, et ce message est plus actuel que jamais.
Si tu suis le Christ, tu ne seras pas transporté instantanément au septième ciel, tu ne kifferas pas. Tu ne ressentiras rien. Mais tu seras immunisé à l’égard de tous les démons du monde moderne. Tu verras clair, tandis que tous autour de toi tâtonneront dans les ténèbres. »
J’aimerais retranscrire ici la fin de son discours, mais le reste s’est perdu dans les brumes de ma mémoire, car c’est alors que je reçus un message de Jessica sur mon portable.

15 novembre 2018

Ségolène Royal, ou l'éclat immaculé de la vertu



Rien n'ébranle la racine des justes.

Proverbes, 12, 3.

Il y a bien des années, une période insensée de honte et de faiblesse s’est abattue sur la France. Les mimiques grossières d’un bateleur de foire subjuguaient les foules, et rien ne lui résistait. Les âmes influençables tombaient toutes sous le charme de ses artifices. Autour de moi, tous ont chuté, sans exception. Dans cet avilissement universel, une femme s’est dressée, seule, dans le scepticisme général, pour défendre la vérité et la dignité. Cette femme, c’est Ségolène Royal.
Aujourd’hui, plus de dix ans après, elle publie un livre, et rien n’a diminué de sa lucidité, de son courage et de sa détermination. Tandis que du côté de son adversaire d’alors de grands procès se préparent, Ségolène Royal est reconnue aujourd’hui comme une incontestable autorité morale, un recours vers lequel se tourner dans les périodes de doute et de confusion.
Il m’est doux de penser qu’alors, tandis que les ténèbres envahissaient les esprits, j’avais su distinguer la vérité, envers et contre tous.
L’heure est venue de la grande rétribution. Aux artisans de mensonge, échoira l’opprobre ; aux semeurs de justice, tous les fruits de bonheur et de prospérité seront réservés.
Il m’est doux de penser qu’au sein du règne de l’erreur et de la facilité, j’avais su me tourner dès l’origine vers les deux seules personnalités authentiquement bénéfiques de notre temps, celles qui joueront dans les années qui viennent le plus grand rôle politique et dont l’histoire se souviendra pour nommer notre époque : Ségolène Royal et François Bayrou.