23 septembre 2010

La Carte et le territoire

      J’ai donc fini La Carte et le territoire, et je suis assez déçu. Houellebecq n’a plus rien à dire sur le monde, il se contente de le photographier platement, dans sa dimension la plus matérielle, la plus aride. On a alors droit à des descriptions, à des narrations objectives et désincarnées, à des digressions scientifiques, etc. Quel ennui ! Dans le fond, Houellebecq est bien ce que l’on soupçonnait depuis longtemps : un réactionnaire. La question sociale ne l’agite pas, l’accroissement des inégalités ne le trouble pas, sa position face au monde est une acceptation apathique. On se rend compte à présent que ce qui constituait le seul moteur de son écriture durant sa bonne période, c’était la frustration sexuelle. Maintenant que ce problème est réglé pour lui, et qu’il est délivré de l’aliénation du travail, il n’a plus rien à dire. Reste seulement la précision du style, et l’acuité du regard, c’est-à-dire une conception extrêmement pauvre de la littérature.

13 septembre 2010

Le nouveau Houellebecq

      J’ai donc commencé le nouveau Houellebecq, La Carte et le territoire, et je suis atterré par l’unanimité critique autour de ce roman. Oui, Houellebecq est le plus grand écrivain français vivant, et de loin. Mais son dernier roman, que l’on présente comme son meilleur, comme un chef-d’œuvre de la littérature mondiale, est bien moins bon que les précédents. Houellebecq ne s’intéresse plus à la société, et tandis que l’on trouvait auparavant dans ses ouvrages des thèses très aiguës sur la mal-être contemporain, il ne décrit plus à présent que les errances apathiques d’artistes millionnaires, entourés d’écrivains people et d’attachées de presse. On sentait déjà cette inflexion dans son précédent roman, La Possibilité d’une île : il y était beaucoup question de voitures de luxe, de villas somptueuses, etc.
       Certes, Michel Houellebecq reste un très bon écrivain, souvent très drôle (par exemple lorsqu’il parle de lui-même). Son écriture, à la fois impersonnelle et toujours à la limite de l’ironie, possède un timbre unique dans notre littérature, malgré un certain relâchement perceptible à l’allongement des phrases. Mais il se dégage de La Carte et le territoire une terrible impression de vacuité, de gratuité, d’ineptie même parfois, qui appellent à modérer largement le jugement que l’on peut porter sur cette œuvre.
       D’où vient cette unanimité dans la louange de la part de la critique alors ? Tout d’abord, la critique est versatile, et après le bide de son film, elle était davantage disposée à se montrer positive. Mais, surtout, ce qui lui a donné cette impression de « chef-d’œuvre », c’est que, pour la première fois, Houellebecq a écrit un livre sans réelle nécessité intérieure. Il est plus ou moins heureux maintenant, et aurait pu écrire sans effort quelque chose de tout à fait différent. C’est précisément cette gratuité, qui, pour la critique, est le propre du littéraire, et qui, associée à l’application habituelle de Houellebecq, lui a semblé être la marque d’un grand livre. Houellebecq était inclassable, maintenant il rentre dans les clous, il rassure. Pauvre critique, aveugle au déclin d’un style, et sensible seulement à des formes de beauté qui ne choquent pas trop son conformisme…

6 septembre 2010

La Bible

      J’éprouve vraiment un plaisir infini à lire la Bible. Ou, plus précisément, l’Ancien Testament. Il y a quelque chose de proprement miraculeux dans l’histoire du peuple juif qui, en suivant sa voie, et sa la moindre volonté de prosélytisme, a conquis, par son livre saint, le monde entier. Il y a peu de textes plus épris de pureté et qui parlent plus intimement au cœur de l’homme que ceux que l’on trouve dans l’Ancien Testament. La morale qui s’en dégage est à la fois sublime et familière : il faut suivre sa voie (et sa loi) sans se préoccuper des autres ; il faut s’abandonner à la volonté divine, qui agit toujours avec justice.

5 septembre 2010

François Bayrou

      J’ai vu François Bayrou hier soir à la télé. Cet homme a un destin. Je l’ai toujours su. J’ai voté pour lui en 2007 et je revoterai pour lui en 2012. Il suit sa voie, quand tous les autres se soumettent aux circonstances. Or, qui se soumet aux circonstances sera brisé par les circonstances. Il est juste dommage qu’il faille passer par la honte présente pour que les Français ouvrent enfin les yeux. Mais cela a toujours été ainsi ; comme disait François Mitterrand : « Les Français doivent mesurer concrètement l’impossible pour évoluer vers le souhaitable. »

3 septembre 2010

Voltaire

      Voltaire m’exaspère, et pourtant c’est sans doute mon écrivain français préféré. Je ne me lasse pas de le lire et de le relire, et je reviens toujours à lui. Ce que j’apprécie chez lui, c’est sa concision. Il dit ce qu’il a à dire, emploie toujours le mot juste, et « passe outre », comme dirait Gide. En cela, c’est un vrai classique, ce qui est d’ailleurs conforme à ses propres goûts littéraires, puisqu’il plaçait Racine plus haut que tout. Tant que la langue française existera, l’œuvre de Voltaire en sera l’une des expressions les plus parfaites, à n’en pas douter.
      Quel dommage que cet esprit si clair, cette intelligence si vaste (tout l’intéressait, et en particulier l’histoire des hommes) se montre si souvent mesquin ! Il ne peut pas s’empêcher d’attaquer ses adversaires (pour la plupart des jésuites aujourd’hui totalement oubliés), de s’embarquer dans des controverses mineures sur lesquelles il revient ouvrage après ouvrage. Sa passion pour la polémique envahit tout, sa correspondance, ses traités philosophiques, et même ses contes. Et avec quelle légèreté il envoie valser ce qu’il ne comprend pas, comme la religion… La Bible n’est pour lui qu’un fatras d’incohérences et de monstruosités. Il est resté complètement insensible au charme de La Nouvelle Héloïse, qu’il a attaquée de manière à la fois méchante et puérile. Non, vraiment, j’ai souvent envie de jeter le volume par la fenêtre de dépit lorsque je le lis. Et pourtant, tout cela doit être lié. Un Voltaire nuancé, un Voltaire détaché serait sans doute plus fade et, en définitive, moins bon écrivain.

1 septembre 2010

La voie

      L’important, c’est de trouver sa voie. Quoi qu’on fasse, on sera toujours confronté au mépris et à l’indifférence. C’est une erreur de croire qu’en se conformant à un modèle donné, on suscitera tout d’un coup l’adhésion universelle. Il n’est pas dans la nature humaine d’estimer spontanément ses semblables, de toute façon. Il faut trouver sa voie, et s’y tenir. C’est la seule façon d’obtenir la paix intérieure, et d’avancer vers la réalisation de soi-même.