23 août 2012

Hommage à Tony Scott

     
      Les forces de la sujétion menacent à chaque instant la liberté de l'individu contemporain. Des images, des sons envahissent son esprit et lui imposent une vision du monde simpliste et avilissante. Le silence intérieur a été rompu par l'invention du cinéma, et les immenses bénéfices de l'immobilité - la marque des dieux - ont été oubliés. Le monde a sombré dans le bruit, dans l'agitation. 
      Et pourtant, au sein de la futilité et de l'insignifiance, un miracle s'est produit, en 1993. Le génie de deux hommes, Quentin Tarantino et Tony Scott, a donné le jour à un film exceptionnel : True Romance. Il est difficile de mettre des mots sur une émotion. Disons seulement que parfois, devant une œuvre d'art, on se dit que la liberté de l'homme est plus puissante que toutes les forces du monde matériel. On se dit que la vie vaut la peine d'être vécue, même lorsque tout semble foutre le camp, à partir du moment où on la vit avec classe. C'est ce que l'on ressent devant True Romance. C'est là la signification de ces mots tout simples qu'Alabama inscrit sur un bout de serviette à l'attention de son amoureux Clarence : "You're so cool."
      Tony Scott a disparu le 19 août 2012, après Chris Penn en 2006 et Dennis Hopper en 2010, mais on imagine difficilement un destin mieux accompli que le sien, lui qui a réalisé le deuxième plus grand film de tous les temps, après l'inégalable chef-d'œuvre de James Cameron sorti en 1984 ; lui qui a su capter, au moins une fois, l'essence même de son art : le cinéma. Et chaque fois que je verrai son nom quelque part, je sais que ce seront les mêmes mots qui me viendront à l'esprit, encore et encore, ces mots que son talent a chargés d'une portée si particulière : "You're so cool... You're so cool..."

17 août 2012

Le paradoxe des vertus

      
      Il y a tout de même quelque chose de paradoxal dans la pratique des différentes vertus, c'est qu'elles nous mettent constamment en présence de leurs antipodes. Un homme parvenu au comble de la sagesse sera condamné à vivre entouré de personnes qui lui paraîtront stupides, l’homme le plus courageux de la terre ne verra que des lâches autour de lui. Et il en est de même pour toutes les autres vertus : celui qui cultive le détachement aura sans cesse de l’excitation et de la fébrilité sous les yeux, tout sera excessif pour l’homme tempérant, tout semblera grossier à l’homme subtil, etc. En voulant fuir un défaut particulier, en l’éradiquant de sa personnalité, on ne fait en réalité qu’exacerber sa sensibilité à ce même défaut chez les autres. Difficile problème… Peut-être est-ce à cause de ce phénomène que certaines sagesses anciennes préconisaient le juste milieu en toute chose et faisaient l’éloge de la banalité. C’est que les opposés s’engendrent mutuellement. Comme dit Lao-tseu : « Lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté, alors la laideur a paru. »

11 août 2012

L'année miraculeuse

      Le 30 mars 1981, un homme ouvre le feu sur Ronald Reagan et tire six balles dans sa direction. Une d'entre elles ricoche sur la portière de sa limousine et atteint le président à la poitrine. A l'hôpital, son état est jugé "critique".

     Le 13 mai 1981, un homme ouvre le feu sur le pape Jean-Paul II. Le pape est touché à l'abdomen, au bras gauche et à la main droite. Il perd les trois quarts de son sang à l'hôpital.

      Au cours du second semestre 1981, on diagnostique à François Mitterrand un cancer de la prostate. Les médecins ne lui accordent que quelques semaines d'espérance de vie, quelques mois tout au plus. Le président souffre au point d'être obligé d'écourter plusieurs réunions officielles.  

      Ronald Reagan, Jean-Paul II et François Mitterrand ont vu la mort en face en 1981. Par la force de leur volonté, ils l'ont vaincue, et ont ensuite battu des records de longévité au pouvoir. Par quel mystère insondable la Providence s'est-elle ainsi manifestée trois fois de suite en 1981 ? Quelles puissances mortifères ont été alors défaites ? Quelles graines de grandeur ont été semées en cette année miraculeuse, dont l'éclosion n'a peut-être pas encore eu lieu ?

      L'année 1981 ne s'est pas achevée le 31 décembre 1981. Elle continue, et rien ne peut en venir à bout. Aux heures les plus sombres, dans les circonstances les plus désespérées, elle luit dans le cœur des hommes libres et témoigne à jamais de la victoire de la vie sur les forces de l'anéantissement. 

9 août 2012

Women

      Terminé Women de Bukowski, que j'avais commencé il y a de longs mois. Lecture extrêmement plaisante, quoiqu'un peu répétitive (beuveries, baise, séparation, beuveries, baise, séparation...). Comme toujours, Hank ne décolle pas de l'instant qu'il relate, et c'est ce qui fait sa force. Incontestablement un des grands livres de Bukowski.