8 décembre 2012

Bérénice

      Relu Bérénice de Racine. Il est frappant de constater que, dans tout le théâtre profane de Racine, on ne trouve pas un seul personnage féminin parfaitement noble et vertueux. Bérénice, si élevée et gracieuse dans la prospérité, se transforme en furie déchaînée dès que son amour est en jeu. Ses réactions sont alors totalement primaires, à la limite de la vulgarité. Et il en est de même pour les héroïnes les plus magnanimes de Racine, Iphigénie et Atalide par exemple, qui perdent toute retenue lorsqu’on touche à leurs histoires sentimentales. Aucune femme, chez Racine, n’a la hauteur de vues suffisante pour s’élever au-dessus de ses petits intérêts. Bérénice ne se reprend que dans sa dernière tirade, admirable il est vrai, tant Racine excelle dans les grandes déclarations solennelles (cf. la grande explication de l’acte IV d’Iphigénie).

2 commentaires:

  1. Très court, cher Laconique, très court ! Mais j'aime lorsque vous êtes concis, vous ne perdez en rien vos facultés d'analyse et savez en peu de mots, toujours justes, nous faire partager vos réflexions pertinentes.

    Dans cet article, vous en restez au simple constat, aucune interprétation de votre part. Il est évident que ce n'est ni par paresse ni par manque de discernement que vous ne creusez pas plus le sujet que vous amenez. On est alors en droit de se demander quelles sont vos raisons. J'en vois deux.

    D'abord, les conclusions sont trop évidentes, peut-être même trop déprimantes, pour les développer. On est obligé de reconnaître chez Racine une juste analyse de la psychologie féminine, quand il évoque ces femmes "qui perdent toute retenue lorsqu’on touche à leurs histoires sentimentales". Je ne suis pas expert de Racine, en tout cas je le suis largement moins que vous, mais rien ne me semble plus juste que ce que vous décrivez si bien dans votre texte. Le corollaire de tout cela, si l'on généralise à l'ensemble du sexe féminin, est que les femmes sont des animaux primaires, sans noblesse, tout entiers soumis aux attraits de la chair et aux impératifs de la reproduction.

    Cela me conduit directement à ma deuxième raison : sans doute craignez-vous d'être taxé de misogynie en dévoilant trop clairement la réalité au grand jour. Mais n'ayez crainte, cher Laconique, la lucidité n'est pas misogynie !

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  2. Vous me faites rire, cher Marginal, et je vous remercie pour ce commentaire plein de finesse. Je dois reconnaître que vous avez tout à fait raison. Il est certain que si l’on devait tirer une théorie des genres du théâtre de Racine, on serait forcé d’en venir à la conclusion que pour lui les femmes sont beaucoup plus soumises à leurs affects que les hommes. Pour en rester au cas de « Bérénice », Titus et Antiochus souffrent de la situation et envisagent toutes les extrémités, mais ils demeurent toujours maîtres de leur langage et de leur comportement, tandis que Bérénice, qui est pourtant reine, se laisse aller à tous les dérapages verbaux, multipliant les insultes (« perfide », « ingrat », « barbare »), sombrant carrément dans l’hystérie.

    Vous me connaissez trop pour douter du fait que la définition si matérialiste que vous donnez de la nature féminine ne soulève en moi un incontestable assentiment. Mais, s’il est vrai que je préfère éviter sur ce blog les sujets polémiques (il y a bien assez de polémique ailleurs sur le web), ce n’est pas là la raison de ma brièveté. Je suis généralement bref dans mes comptes rendus de lecture parce que j’estime que ça ne sert à rien d’en faire des tartines et de jouer au cuistre. Dans mes articles philosophiques, je me laisse davantage aller, compte tenu de l’extrême importance de la matière et de leur grande répercussion. En tout cas, avec vos commentaires si clairvoyants, qui pointent intuitivement les enjeux concrets et réels derrière l’habillage littéraire, vous me forcez à aborder les problèmes de front, en plus de me faire bien marrer !

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