12 avril 2013

Le principe suprême

          Lu De la tranquillité de l’âme, de Sénèque. Je note la phrase suivante : « Il faut que l’âme, s’arrachant à toutes les choses extérieures, se replie sur elle-même. » À vrai dire, après avoir écrit une telle phrase, il est à peu près inutile d’ajouter quoi que ce soit. C’est là le principe premier et ultime de la sagesse, et on le trouve formulé, dans les mêmes termes quasiment, dans toutes les traditions spirituelles, chez Platon, chez les Indiens, chez les Chinois, etc. Il est d’ailleurs extrêmement surprenant de constater que pendant des siècles les controverses philosophiques ont fait rage, opposant matérialistes et idéalistes, positivistes, sceptiques et mille autres écoles, alors que le fin mot de la sagesse est tout simple, et qu’il a déjà été énoncé il y a bien longtemps : « Se couper de ses sens, raffermir son âme ».
          Comme les progrès de l’esprit humain sont lents, si l’on considère qu’entre tous les livres qui se publient chaque semaine, il n’y en a pas un sur cent, pas un sur mille qui contienne ce précepte fondamental !

7 commentaires:

  1. Il est là ! De retour ! Le puissant Laconique pond ses brillants articles à un rythme soutenu afin de régaler ses infiniment innombrables lecteurs qui sucent ses écrits avec autant d'avidité que la plus dévergondée des actrices de hard prodigue les gorges profondes !

    Bon allez, trêve de plaisanteries, vous le savez bien, cher Laconique, je suis absolument fan de Sénèque et s'il y a bien des philosophes pour lesquels j'ai un peu de respect ce sont les stoïciens, car loin de la pure branlette intellectuelle, leur réflexion est en prise avec le monde concret : ils sont les premiers auteurs de développement personnel en quelque sorte...

    Pour ce qui est de la phrase sur laquelle est centrée votre article, on peut se poser une question, très basique et toujours la même quand on parle de sagesse finalement : est-ce qu'en se "coupant des sens", on ne se prive pas également de beaucoup de grandes joies ? je vous vois venir : "Le sage obtient des joies bien supérieurs à celles procurées par les sens". Bof, j'en sais rien, à vrai dire, Cher Laconique, on a qu'une vie aussi, la sagesse est-elle la voie ? Ce qui compte c'est de faire le boulot comme on peut, tout se vaut au final, celui qui nique à tour de bras n'a pas plus tort que l'ascète, sage ou pas sage on est tous égaux quand on se fait bouffer par les vers...

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  2. Je vois que vous êtes en forme, cher Marginal, et je ne peux que saluer, une fois de plus, la liberté et la pertinence avec laquelle vous usez des comparaisons, comparaisons qui révèlent un univers mental ma foi très intéressant !

    Cela ne m’étonne pas que le Marginal magnifique ressente certaines affinités avec la pensée stoïcienne : c’est une école qui prône l’indépendance, la noblesse, le mépris absolu de toutes les aliénations sociales, autant de thèmes que vous avez maintes fois brillamment illustrés sur votre célèbre site ! Et Sénèque se distingue tout particulièrement par sa véhémence et sa force de conviction, ce qui rend impardonnable le fait que ce soit un des derniers philosophes antiques auxquels je me sois attaqué…

    C’est une question très importante que vous soulevez dans votre commentaire, cher Marginal : tous les modes de vie se valent-ils ? La prétendue sagesse est-elle préférable en fin de compte ? Puisque la même issue nous attend tous, ne vaut-il pas mieux rechercher la jouissance avant tout ? Ma foi, c’est une grande question, millénaire, et je ne prétendrai pas vous répondre définitivement ici. J’évoquerai juste deux points qui me viennent à l’esprit :

    1° Qui vous dit que la mort soit la même pour tous ? D’après des traditions spirituelles très diverses, l’après-vie est multiple, et directement conditionnée par le comportement durant l’existence. Après tout, lorsque vous partouzez gaiement en galante compagnie, ou que vous regardez un film déstabilisant comme « Cannibal Holocaust », la qualité de votre sommeil est-elle la même que lorsque vous avez passé une journée au grand air, à batifoler dans les montagnes ? Qui dit qu’il n’en est pas de même pour la mort, et que nos actes, qui ont une répercussion directe sur notre vie inconsciente, ne prolongent pas leur influence bien au-delà de ce que nous en voyons ? Mais je sais que le Marginal est un matérialiste convaincu...

    2° Tout se vaut-il vraiment ? Je crois que l’expérience nous prouverait aisément le contraire, et que si l’on imposait à n’importe quel individu normalement constitué trois années consécutives de débauche sadienne, suivies de trois années de méditation au Tibet, cet individu verrait rapidement où se situe non seulement son intérêt, mais son confort.

    Mais, dans votre infinie sagacité, vous aviez déjà anticipé toutes ces objections, cher Marginal, et ce n’est que pour le plaisir de partager un peu plus votre compagnie que je les ai formulées !

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  3. Je suis très sagace, cher Laconique, comme garçon et mon univers mental, je n'en fais pas un mystère, se compose uniquement de clitoris rutilants et d'anus délicatement ourlés, comme le prouvent toutes ces comparaisons dont vous êtes friand, petit coquinou !

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  4. Aïe aïe aïe, vous allez effaroucher mes prudes lecteurs avec votre verdeur sans limite, et ce n'est que parce qu'elle est soutenue par une puissance également illimitée que je suis contraint de la tolérer !

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    1. Oh, ne faites pas le bégueule, cher Laconique ! Ne vous inquiétez pas : vos innombrables lecteurs sont trop fidèles justement pour s'effaroucher d'un peu de grivoiserie... Je suis le sel sur les brillants plats que vous nous servez.

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  5. Vous mettez à l'honneur avec une éloquente pertinence l'illustre Sénèque dont beaucoup de citations sont des leçons de vie. En ce qui concerne celle que vous évoquez, la paix, la sagesse oui mais à quel prix ? Les passions donnent un sens à nos jours. L'idéal serait d'en tirer les joies qu'elles sont susceptibles de procurer mais lorsqu'elles deviennent perturbatrices faire preuve de stoïcisme. Un grand travail à faire sur soi. Mais bravo pour ce "principe suprême" qui se savoure avec intérêt et plaisir.

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  6. Merci pour cette réflexion qui pose bien les termes du problème. Vous mettez le doigt sur l’enjeu essentiel de la question, à savoir la passion ; et en effet, une vie serait-elle concevable sans passion ? J’entends bien la solution que vous préconisez : prendre les passions dans ce qu’elles offrent de bénéfique, se couper d’elles dès qu’elles deviennent toxiques. C’est un peu jouer avec le feu, et comme vous le dites, cela représente « un grand travail à faire sur soi ». Mais au fond je pense comme vous : plutôt que de fuir ses passions, mieux vaut les dominer car, comme disait Platon « la victoire sur soi-même est de toutes les victoires la première et la plus belle ».

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