5 juin 2013

La Voie et l'obstacle

      Je lisais l’autre jour un article à propos du film The Immigrant de James Gray, présenté en compétition officielle au festival de Cannes. La critique était assez sévère et, à en croire le journaliste, la réaction des spectateurs plutôt mitigée : « A la sortie, ses aficionados se faisaient discrets, rentraient les épaules, affichaient des mines fuyantes. » Cette phrase agit sur moi comme un koan zen : d’un coup l’illumination se fit dans mon esprit, et l’espace d’un instant je pus saisir l’essence de la Voie. Il m’apparut que la Voie, c’était très exactement le contraire du film The Immigrant de James Gray. The Immigrant s’adresse aux sens, la Voie ignore les sens ; The Immigrant est une aliénation, la Voie est une libération ; The Immigrant promet beaucoup et offre peu, la Voie ne promet rien et offre tout.
      Parce que j’avais rencontré la nature de l’obstacle, la nature de la Voie m’était donnée dans le même mouvement. Je compris alors que la Voie ne naissait pas d’un acte de volonté : c’est la présence de l’obstacle qui la fait émerger du néant.
      Le désir engendre l’obstacle ; l’obstacle engendre la Voie ; l’ordre du monde est immuable.

17 commentaires:

  1. Éh, cher Laconique, je vois que votre intérêt pour le cinéma, cet art que vous décriez tant, ne faiblit pas ! James Gray n'est pas mauvais : j'ai eu l'occasion de voir ses films parmi lesquels on peut distinguer "Little Odessa" et "Two Lovers", deux drames intimistes plutôt réussis, que j'ai appréciés pour la qualité d'interprétation des acteurs et la finesse des analyses psychologiques mettant en lumière avec justesse les mécanismes moteurs des actions humaines.

    C'est pourquoi je vous trouve dur avec ce réalisateur et son dernier film "The Immigrant", que vous n'avez pas vu et que vous jugez carrément comme l'antithèse exacte de "la Voie", sorte de sagesse ultime, de marche à suivre en ce monde afin d'atteindre une espèce d'état supérieur entre la catharsis et la béatitude.

    Il faut néanmoins comprendre que vous ne vous attaquez pas à James Gray et à son film directement, exemple chu aléatoirement entre les griffes de votre sagacité par le biais d'un article, mais que vous auriez pu choisir n'importe quel film pour illustrer votre brillant, concis et nouveau texte. C'est en effet bien au cinéma dans son ensemble, art que vous jugez futile, vain et purement sensoriel, que vous opposez "la Voie". Et encore le cinéma ne constitue-t-il qu'un prétexte pour nous aider à saisir l'essence de cette "Voie" en même temps que vous l'explorez.

    Pour ce qui est du cinéma je pense qu'il offre d'autres plaisirs que ceux des sens, des plaisirs intellectuels ou esthétiques par exemple qui peuvent conduire l'âme à l'élévation spirituelle. Mais nous sommes d'accord : les films entrant dans cette catégorie sont rares.

    Concernant cette mystérieuse "Voie" qu'"engendre" l'"obstacle", j'aurais tendance à être d'accord : c'est dans la lutte et la difficulté qu'apparaissent la rigueur, la fermeté, parme d'autres qualités, du moins pour les âmes nobles, dont nous faisons partie.

    Voilà, cher Laconique, les pensées me venant spontanément après consultation de votre article, pensées qui mériteraient d'être creusées, j'en ai conscience, et qui sont déjà complétées par d'autres dans mon esprit au moment même où je boucle ce commentaire que je ne souhaite pas trop long, afin de ne pas décourager vos innombrables lecteurs dans leur désir de le lire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous m'aurez compris, je voulais dire à propos de "la Voie" : espèce d'état supérieur entre l'ATARAXIE et la béatitude.

      Supprimer
  2. Hé bien, cher Marginal, votre culture cinématographique m’épatera toujours. Décidément rien n’échappe à votre curiosité (et à votre sagacité) dans ce domaine ! Comme en plus votre culture littéraire et artistique est au moins équivalente, cela forme une somme proprement étourdissante soigneusement renfermée entre les parois de votre crâne ! Et ce qui est admirable, c’est que loin d’engendrer de la pédanterie ou de l’infatuation, tout cela n’a pas entamé votre fraîcheur et votre authenticité dont se délectent les myriades de lecteurs assidus du Marginal Magnifique !

    Oui, vous l’avez deviné, « The Immigrant » est un prétexte, puisque je n’ai pas vu ce film, ni aucun autre de James Gray d’ailleurs. C’est bien le cinéma dans son ensemble qui est visé ici. Je suis d’accord avec vous, il y a des chefs-d’œuvre du septième art qui dépassent largement le domaine de la simple stimulation sensorielle. Je n’irais tout de même pas jusqu’à parler de dimension « spirituelle » à leur propos. Même les meilleurs films de tous les temps, les « Starship Troopers », les « Natural born killers », s’ils nous transportent et génèrent en nous une euphorie légitime, ne fortifient pas et ne consolident pas l’âme comme pourrait le faire une demi-heure d’entrainement spirituel ou physique. Au contraire, même les meilleurs films rendent l’âme mobile, influençable, et au fond vulnérable. Comme vous le dites, il faut qu’il y ait de la lutte pour qu’il y ait du progrès. Mais c’est là une vieille controverse entre nous, et je me délecte toujours à aborder ce sujet avec vous, car je sais qu’il y a du répondant !

    Qu’est-ce que la Voie ? Au fond, chacun doit trouver la sienne. Ce que j’ai voulu dire, c’est qu’il est plus facile de discerner ce que l’on juge mauvais, néfaste, et de déterminer ainsi, en creux, ce que l’on croit bon et bénéfique. Ma foi, si cela a pu générer quelques pensées supplémentaires dans votre esprit qui n’en manque pas (c’est le moins que l’on puisse dire), je suis comblé. Je sais que la moindre stimulation suffit pour décupler l’activité de votre cerveau, comme de vos autres organes d’ailleurs !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous êtes un coquin, cher Laconique, votre conclusion me tend la perche ! Mes envolées lubriques vous manque-t-elle à ce point pour que vous cherchiez à me relancer ? Je me suis calmé ces derniers temps, modérant ma fougue légendaire, ce qui n'est pas sans me coûter de grands efforts comme vous vous en doutez... Faites attention, cher Laconique, ne réveillez pas la bête qui sommeille !!!

      Supprimer
    2. Vous avez beau vous modérer cher Marginal, ce n'est qu'une sobriété de surface ! Je sais ce qui couve en dessous, c'est pour ça que je titille votre véritable nature !

      Supprimer
    3. *Mes envolées lubriques vous manquent-t-elles

      Je suis un distrait, il faut vraiment que je me relise, cher Laconique !

      Supprimer
  3. *vous manquent-elles !!!

    Mais que faites-vous, cher Laconique ? Faites donc régner l'ordre orthographique et grammatical sur votre brillant site !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On n'est plus sur "unblog", on peut plus toucher le contenu des commentaires ici. C'est à vous à vous relire, cher Marginal ! Mais quelles que soient les coquilles, personne ne mettra en doute vos capacités grammaticales, on sait que cela vient de votre vivacité légendaire !

      Supprimer
    2. Qu'"unblog" reste où il est, avec ses pubs, ses tarifs exorbitants et ses tentatives pour créer de l'addiction ! Nous sommes mieux dans nos locaux actuels,cher Laconique ! Et pour ma "vivacité", "légendaire" oui, et toujours là !

      Supprimer
  4. Donc plus simplement, comme pour apprécier la chaleur il faut avoir connu le froid, c'est l'adversité qui ouvre à la voie, une symbolique forte car elle incarne l'atteinte d'un équilibre, d'une sérénité et est la clé d'une part de bonheur. Mais pour accéder à cette voie, il faut trouver son chemin dans le labyrinthe des difficultés de la vie personnelle et sociale pour apprendre à se connaître et orienter ses choix en fonction de ses propensions profondes. Chercher sa voie, telle une quête d'identité et l'accomplir dans la ligne de conduite qu'elle trace, voilà le noble but. Votre texte si intéressant à lire fait rêver de pureté et de paix, c'est du moins mon interprétation, l'homme ayant et les pieds sur terre et la tête dans les étoiles avec en lui cette dualité entre ses sens et ses tendances spirituelles.
    Se pencher sur vos textes comme sur ceux du Marginal et lire vos commentaires à tous deux est toujours un savoureux moment de lecture tant vous êtes pertinents, érudits et originaux dans votre verve. Bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C’est tout un programme de vie que vous nous tracez là ! Oui, trouver et suivre sa voie, il n’y a pas de plus « noble but ». Encore que certains pourraient critiquer une telle vision des choses : se cantonner ainsi rigidement à un comportement immuable, n’est-ce pas un signe d’étroitesse d’esprit ou de frilosité ? Bah, la perfection n’existe pas en ce bas-monde, et du moment qu’on ne fait pas trop de dégâts autour de soi et qu’on est plus ou moins en paix avec soi-même, c’est déjà une belle réussite.
      Oui, on forme presque un duo comique avec le Marginal, comme Laurel et Hardy. On est les Laurel et Hardy de la littérature !

      Supprimer
    2. On est Levy et Houellebecq en mieux ! (moi je suis Houellebecq :-))

      Supprimer
  5. Vous êtes deux oiseaux rares et précieux, pétillants d'esprit et d'intelligence. Bonne continuation.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah là là... Quand on flatte son ego, le Marginal pointe le bout de son nez. Il faut dire que ces éloges sont tout à fait justifiés.

      Supprimer