30 septembre 2015

Marc Aurèle oui, Cicéron non


      S’il y a un auteur qui a tout me plaire, c’est bien Cicéron. Il y a là tout ce qui me parle : une conception austère de la vertu, l’évocation constante du passé glorieux de Rome, les longues périodes qui rendent un son mat et altier. Un soir, je me suis donc plongé dans son chef-d’œuvre, le Traité des devoirs, rédigé quelques mois avant sa fin tragique, et dédié à son fils Marcus. La nuit qui suivit fut agitée, peuplée de visions absurdes.
      J’ai toujours été très attentif à la qualité de mon sommeil. On ne plaisante pas avec ça. Les Anciens y voyaient une porte d’accès vers les puissances supérieures, un moyen pour les divinités de délivrer leurs messages aux mortels. Et je compris que ce sommeil troublé, c’était comme si une divinité s’était adressée à moi et m’avait déclaré : « Ô mon pieux ami, dégage-toi de cette voie. Sépare-toi de ce qui t’es le plus cher, la sublime vertu romaine, la souveraine puissance du discours, car c’est une illusion, un chemin qui ne mène nulle part. L’attachement au devoir, à la patrie, à l’honneur, si noble soit-il, reste un attachement malgré tout. Il ne conduit en définitive qu’au désarroi et reste infiniment inférieur au détachement véritable. Mets-toi à l’école de Marc Aurèle, de celui qui, maître du monde, a pu déclarer : “Alexandre de Macédoine et son muletier, une fois morts, reviennent au même état.” Quitte tout, abandonne tout, et tu trouveras la Lumière. »
      C’est là une injonction qui pourrait s’adresser à chacun. Nous sommes tous appelés à nous affranchir de nos passions les plus profondément enracinées, pour nous engager dans le mystérieux parcours d’évolution et de métamorphose auquel la nature nous convie. Saurai-je préférer ce dénuement à tous les prestiges de la langue et de l’histoire ?

14 commentaires:

  1. Cela fait quelques temps que vous ne donniez plus signe de vie, cher Laconique, je commençais à être inquiet. Et je dois dire que ce que je vois ici n’est pas pour me rassurer. Qu’est-ce que cette encore que cette apologie du renoncement qui vous a été chuchoté par quelque entité démoniaque ? Et comment le désintéressement pourrait-il être une vertu, alors que la vertu devrait au contraire nous intéresser (et même au plus haut degré) ?!

    C’est tout de même incroyable cette obstination des religions à organiser le sacrifice de tout ce qui pourrait rendre la vie supportable (« Sépare-toi de ce qui t’es le plus cher »). Autant de doctrines de l’équarrissage. Et on connaît le résultat, des individus dévitalisés, quasi-réduit aux fonctions végétatives. Aucune tension féconde, le néant. Les dieux nous en préservent (« Il faut dominer les passions et non point les affaiblir ou les extirper ! » -Nietzsche, La Volonté de puissance).

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    1. Eh bien, cher ami, je vois que vous êtes un expert en démonologie ! Je me souviens aussi de votre brillant article sur la « République » de Cicéron, qui montre que vous avez été pleinement réceptif à cet idéal mâle et héroïque que seule Rome en son âge d’or pouvait exprimer. J’ai beaucoup d’estime pour la voie âpre et solaire que vous semblez avoir choisie, mais c’est une école de pensée de laquelle je me suis toujours senti éloigné. « Le monde passe, avec ses convoitises » (1 Jean 2, 17), et la vie ne me semble nullement, contrairement à Nietzsche, constituer un absolu en soi. « Que vous le vouliez ou non, il vous faudra un jour être séparé de tout », comme le professait un célèbre traité de dévotion occidental. Celui qui ne se prépare pas à ce moment, le seul dont nous soyons certain, me semble bien irresponsable. Mais vous pourriez me citer Spinoza : « L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie. » Que voulez-vous, ce sont deux écoles, et j’ai toujours préféré Racine à Sade, Baudelaire à Rimbaud, Platon à Epicure. (Par ailleurs, votre assimilation du monachisme bouddhique à la dévitalisation et au sommeil est caricaturale : Le sage est « vigilant parmi les négligents, éveillé parmi les endormis ». « Dhammapada », 29).

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    2. Mais...je ne visais pas les bouddhistes en particulier. Regarder l'Église de Rome. C'est bien l'une des rares organisations humaines où la déchéance physique et la fragilité semblent des critères valides de promotion (Jean-Paul II étant l'illustration paradigmatique, avec tout le respect que l'on doit aux morts). Mais à la limite, je n'ai pas d'hostilité réelle contre la foi, c'est surtout la louange de la souffrance et du sacrifice que je trouve atterrante (et ne me dites pas que ce masochisme n'est pas dans le christianisme. Ce n'est pas un hasard si son emblème est un instrument de torture ou si cette religion représente avec tant de complaisante le martyr de son Dieu, encore et encore, ad nauseam...Ce n'est pas sain...Il y aurait là un thème qui ferait les beaux jours des psychanalystes).

      Par ailleurs, vous oubliez que pour Nietzsche, la vie ne vaut qu'en tant qu'elle est mouvement vers le dépassement de soi, le Surhumain. D'où le trop fameux « Les faibles et les ratés doivent périr : c'est le premier principe de notre charité. Et on devrait les aider en cela. »

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    3. Ne croyez pas que je prenne plaisir à vous contredire, cher Johnathan Razorback, mais votre exemple sur Jean-Paul II est un contresens (« déchéance physique comme critère de promotion ») : il a été élu très jeune, à 58 ans, c’était un sportif accompli (football, ski, randonnée), de haute taille (presque 1,80 m), et il renvoyait précisément l’image inverse de celle que vous sous-entendez, une image de vigueur et de vitalité (en grande partie pour effacer l’impression de Jean-Paul Ier, mort après 33 jours de règne). Il a ensuite été victime d’un attentat, de maladie, du grand âge, mais un pape ne démissionnait pas à l’époque. Nulle apologie de la souffrance dans le cas de Jean-Paul II donc…

      Des courants du christianisme se sont sans aucun doute complus dans un dolorisme exagéré. Mais le symbole de la croix renvoie à une notion très précise, que vous semblez dénigrer, et qui est celle de sacrifice. C’est un concept central dans toutes les religions antiques et modernes, j’y avais consacré un court billet naguère, et il en sera à nouveau question ici très prochainement. Pour le moment, je vous invite juste à vous interroger sur les questions suivantes : est-il rationnel de penser que toutes les civilisations antiques, sans exception, se soient livrées pendant des millénaires à une pratique qui aurait été néfaste pour elles ? Notre société qui, à votre image, juge la notion de sacrifice comme aberrante, se porte-t-elle bien au point de vue de sa cohésion, de ses valeurs, de ses perspectives ?

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    4. Soit, je vous accorde le point sur Jean-Paul II, ce n'était pas un exemple pertinent de ce que je voulais souligner, et que vous reconnaissez d'ailleurs bien volontiers.

      "Est-il rationnel de penser que toutes les civilisations antiques, sans exception, se soient livrées pendant des millénaires à une pratique qui aurait été néfaste pour elles ?"

      Mais oui, absolument, et d'ailleurs vous le savez déjà si vous vous rappelez de mon dernier billet. L'esclavage est un bon exemple de pratique irrationnelle courante chez les gréco-romains, les égyptiens, et qui était acceptée dans l'Ancien Testament ("C'est des nations qui vous entourent que tu prendras ton esclave et ta servante qui t'appartiendront, c'est d'elles que vous achèterez l'esclave et la servante." - Lévitique, chapitre 25, verset 44), mais aussi par des chrétiens de la période moderne (« Les maîtres ont intérêt à avoir des esclaves, qui obéissent en toutes choses à leurs maîtres selon la chair, non pas seulement sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes, mais avec simplicité de cœur, dans la crainte du Seigneur. La liberté de l'Évangile est compatible avec la servitude terrestre, et les esclaves ne pourront que devenir de meilleurs esclaves en devenant chrétiens » - Berkeley, prêche d'octobre 1729 à Newport). Or l'esclavage n'est pas simplement immoral, il est aussi totalement irrationnel en terme de développement économique, c'est un lourd frein à la prospérité.

      Quant à notre société, « On ne saurait juger une telle époque de bouleversement sur l’idée qu’elle se fait d’elle-même. » (Marx). Le fait que la notion de sacrifice ne soit guère présente dans le discours public ne change rien au fait que toutes sortes de gens sont sacrifiés de toutes sortes de façons, qu'il faudra bien étudier et stopper le moment venu.

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    5. Je ne peux qu’admettre la pertinence de votre contre-exemple, et je ne me risquerai pas à justifier d’aucune manière la pratique de l’esclavage. Mais si vous avez raison dans le domaine éthico-économique, dont vous êtes spécialiste, une fois de plus vous vous fourvoyez du fait de votre rejet un peu primaire des traditions religieuses. La loi mosaïque constituait un progrès énorme dans la condition de l’esclave. Un esclave hébreu devait être libéré la septième année (« Exode », 21, 2), le maître n’avait pas le droit de vie et de mort sur son esclave, et le repos hebdomadaire du sabbat était sans équivalent dans le monde d’alors. Enfin vous êtes assez subtil pour comprendre que les propos d’un philosophe anglican du XVIIIe siècle ne sauraient engager le message évangélique ! (Il est vrai que vous sous-entendez la distinction entre monde le gréco-romain et la sphère biblique, en indiquant que l’esclavage était « pratique courante » dans le premier cas, et « accepté » dans le second.)

      Quant au sacrifice, votre exemple est irrecevable, puisque vous et moi n’entendons pas la même chose par ce mot. Quand je dis « sacrifice », je désigne une pratique rituelle, codifiée, pourvue d’une dimension sacramentelle, et pas autre chose.

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    6. C'est vrai que mon analogie sur le sacrifice n'était pas vraiment justifiée. Le philosophe Giorgio Agamben a d'ailleurs montré dans un ouvrage fort complexe que depuis la plus haute antiquité, le meurtre extra-juridique (dont les drones de guerre ne sont qu'une forme moderne parmi d'autres) et le meurtre rituel s'excluaient mutuellement:

      "Quand et comment une vie humaine a-t-elle été considérée pour la première fois comme sacrée en soi ? [...] Dans l'article Sacer mons de son traité Sur la signification des mots, Festus évoque une figure du droit romain archaïque dans laquelle la sacralité se rattache pour la première fois à une vie humaine comme telle." (p.77 et 81)

      "La spécificité de l'homo sacer: l'impunité pour qui le tue et l'interdiction de le sacrifier. [...] Qu'est-ce que la vie de l'homo sacer, si elle se situe au croisement d'un meurtre licite et d'un sacrifice interdit, en dehors aussi bien du droit humain que du droit divin ?" (p.83)

      "On dira souveraine la sphère dans laquelle on peut tuer sans commettre d'homicide et sans célébrer un sacrifice ; et sacrée, c'est-à-dire exposée au meurtre et insacrifiable, la vie qui a été capturée dans cette sphère. [...] La production de la vie nue devient, en ce sens, la prestation originaire de la souveraineté. Le caractère sacré de la vie que l'on tente aujourd'hui de faire valoir, comme droit humaine fondamental contre le pouvoir souverain, exprime au contraire, à l'origine, l'assujettissement de la vie à un pouvoir de mort, son exposition irrémédiable dans la relation d'abandon." (p.93)

      "La proximité entre la sphère de la souveraineté et celle du sacré, qui a été si souvent soulignée et diversement justifiée, n'est pas simplement le résidu sécularisé du caractère religieux originaire de tout pouvoir politique, ni une simple tentative visant à lui garantir le prestige d'une sanction théologique. [...] La vie est sacrée uniquement en tant qu'elle est prise dans l'exception souveraine ; et la confusion entre un phénomène juridico-politique (l'homo sacer, en tant qu'il est insacrifiable et exposé au meurtre) et un phénomène proprement religieux est à l'origine de toutes les équivoques qui, à notre époque, ont aussi bien marqué les études sur le sacré que celles sur la souveraineté." (p.94-95)

      -Giorgio Agamben, Homo Sacer I. Le pouvoir souverain et la vie nue, Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », février 1997 (1995 pour la première édition italienne), 216 pages.

      Chose dont je devrais me souvenir si je n'essayais pas de vous asticoter ;)

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    7. Décidément, vous vous intéressez à tout, cher Johnathan Razorback ! Je ne connaissais pas ce Giorgio Agamben, et vous me donnez des idées de lecture. C’est vrai que ça a l’air très compliqué, et je n’ai pas tout saisi… En tout cas je comprends que le fait de mêler la « sphère de la souveraineté » à cette réflexion sur le sacré vous parle, on rejoint la politique. Mon rapport au sacré passe par la fréquentation des textes originaux plutôt que des études contemporaines, ce qui fait que j’ai peut-être une vision « naïve » des choses. J’ai vu que René Girard s’est intéressé aussi à ce domaine, mais ce que j’en ai lu sur Wikipédia ne m’a pas convaincu, toutes ces hypothèses me semblent partielles et trop modernes justement. J’ai ma propre idée des choses.

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  2. @Laconique
    "Des courants du christianisme se sont sans aucun doute complus dans un dolorisme exagéré."

    Je ne suis pas expert, mais j'ai l'impression que ça vient de Paul de Tarse et d'Augustin d'Hippone plutôt que des évangiles. En fait je suis en train de lire un autre ouvrage de Giorgio Agamben (Le Règne et la Gloire. Pour une généalogie théologique de l'économie et du gouvernement. Homo Sacer, II, 2. Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », septembre 2008 (2007 pour la première édition italienne), 443 pages), et à la page 48 il commente l'épître de Paul aux Colossiens, dans laquelle on trouve un cas typique de glorification du martyr: "Je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du messie". Vous admettrez que ça craint cher Laconique, non moins que les Cent Vingt Journées de Sodome, qui reste elle une fiction.

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    1. Vous avez tout à fait raison sur ce coup ! Les Évangiles traitent de la vie, de la guérison, de la résurrection, tandis que Paul insiste sur ses propres souffrances, qu’il décrit comme inouïes («Cinq fois, j’ai reçu des Juifs les trente-neuf coups de fouet ; trois fois, j’ai subi la bastonnade ; une fois, j’ai été lapidé ; trois fois, j’ai fait naufrage et je suis resté vingt-quatre heures perdu en pleine mer. (…) Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et nudité. » «2 Corinthiens, 11, 24-27 »), et il répète à maintes reprises que pour vivre « dans le Christ » il faut souffrir et mourir avec le Christ. Paul a mauvaise réputation, et je l’ai toujours trouvé un peu tarabiscoté pour ma part. Un lecteur passionné de la Bible comme André Gide le détestait, et Nietzsche n’a pas de mots assez durs contre lui (« La "Bonne nouvelle" fut suivie de près par la pire de toutes : celle de saint Paul. En saint Paul s’incarne le type opposé à la "Bonne nouvelle", le génie dans la haine, dans la vision de la haine, dans l’implacable logique de la haine. » « Antéchrist », 42.) Quant à saint Augustin, c’est une figure considérable du christianisme, mais je n’ai jamais réussi à le lire («Nausée mystique », écrit Gide, « Journal » du 17 février 1945).

      Vous pouvez voir le film de Pasolini aussi sur les « 120 Journées de Sodome ». Je me rappelle d’une scène de dégustation pour le moins… iconoclaste.

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  3. Ah la la, j'arrive après la bataille, cher Laconique ! Peu de temps pour blogger et me branler le cerveau en ce moment, bien que j'aie lu votre article, vous vous en doutez, cher Laconique, dès sa parution et avant, j'imagine, la plupart de vos innombrables lecteurs !
    De toute façon, je vois que le très féroce sanglier est de retour, qu'il ne chôme pas et qu'il livre rude bataille argumentative. Il envoie, le cochon ! J'ai même décroché du fil de vos échanges...

    Pour ma part, je vais faire court : je constate que votre article témoigne lui-même de "ce mystérieux parcours d’évolution et de métamorphose auquel la nature nous convie", on sent une remise en question et le souhait d'évoluer vers la sérénité et la sagesse. Votre désir d'émancipation vers une pureté accrue est noble, cher Laconique, cependant je ne mettrais pas sur le même plan les trois types d'"attachements" auxquels vous faites référence : si l'on peut chier abondamment sur "le devoir" et "la patrie", il me semble que garder en ligne de mire "l'honneur" est primordial, car au contraire des deux autres il ne prend pas source dans la vanité et le conditionnement social. Enfin, tout dépend aussi de ce qu'on met dans ces mots et j'ai la flemme d'approfondir et d'affiner une réflexion qui mériterait de l'être...

    Pour ce qui est des stoïciens, c'est vrai qu'on n'a pas fait mieux, mais pas besoin de dénuement ultime et de renoncement total pour les appliquer. D'ailleurs la philosophie stoïcienne (et toutes les philosophies antiques avec elle) peut-elle s'appliquer à la lettre à notre époque ? Ça me semble compliqué... qu'elle soit donc juste une aide, une façon d'avoir du recul et d'apprécier la vie à sa juste mesure, un aide sur le chemin du bonheur et de la plénitude en somme.

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    1. Ma foi cher Marginal, pour un commentaire qui se veut « court » et succinct, vous avez fait du bon boulot ! Une réflexion dense et précise, argumentée, qui prouve que cet article est tombé sur un terrain fertile, nourri par l’engrais de la réflexion et d’une ligne de vie solidement établie.

      Oui, une certaine remise en question, un désir d’évolution, je ne vous le cache pas. Il m’apparaît depuis quelque temps que, si la lecture apporte d’indéniables fruits (c’est grâce à ma culture que je ne me suis pas fourvoyé en 2007 ni en 2012), la lecture seule ne développe pas ce qu’il y a de fondamental dans l’être, mais seulement l’intellectualité, la capacité d’expression. D’où un certain désir chez moi de m’abreuver à d’autres sources, plus immédiates, ce qui passe par un certain dépouillement de l’esprit. Je sais que le Marginal ne s’agenouille pas devant le drapeau, mais je renverserai votre analyse sur les autres termes en question : j’aurais dit pour ma part que l’honneur est subordonné au regard de la société, tandis que le devoir est un absolu indépendant de toute autre considération. De toute façon, comme vous le dites, on ne va pas chipoter sur les termes, puisque nous partageons la même opinion : seul compte l’accord avec soi-même et avec ses principes, le reste est en grande partie illusoire.

      Je crois qu’aucune doctrine ne doit être appliquée « à la lettre » aveuglément. Il faut que ça parte d’une conviction personnelle, sinon c’est quelque chose d’automatique. C’est d’autant plus le cas avec la doctrine stoïcienne, puisque les écrits que nous en avons (Sénèque, Marc Aurèle, Épictète) sont l’œuvre de penseurs « éclectiques », qui mêlent Zénon avec Socrate, Épicure et d’autres. Davantage qu’un système, ce sont leurs recherches qu’ils traduisent. Mais le fond, le fond vivace et vivant, vous le sentez aussi bien que moi cher Marginal, et il reste intact à chaque époque, même s’il est davantage recouvert par la bêtise et l’ignorance dans des époques de décadence et de désarroi comme la nôtre…

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  4. Merci pour cet article et ces échanges savants, mon avis sera trivial et empirique: vous renoncerez au renoncement car il me semble que vous avez une nature passionnée , il faut du courage, et je parie que vous n' en manquez pas, pour user de tout ce qui est bon sans en abuser, je n' ai pas encore trouvé la mesure mais ce n' est pas dans le renoncement que je la chercherai!

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    1. Eh, chère Orfeenix, qui n’a pas une nature passionnée ? C’est là notre racine, on naît avec et on meurt avec… Ma fréquentation très assidue des textes bouddhiques me pousse vers le renoncement, mais le marasme de notre pays y est pour beaucoup, et je ne jure pas que cela ne changera pas lorsque la France reviendra sur la Voie. Je vous avoue même que j’appréhende ce moment, le pli de la résignation s’imprime à force, comment réagirai-je lorsque les incapables partiront et que le grand air de l’Avenir entrera à nouveau par les fenêtres ? En tout cas merci pour votre commentaire, et ne cherchez pas trop la mesure, ce n’est pas là un aliment pour les émules d’Orphée…

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