29 juillet 2016

Guillaume Musso : Central Park


        Lu Central Park, de Guillaume Musso. C’est le troisième roman de cet auteur que je lis, quelque chose me pousse toujours à y revenir en été. Ce qu’il y a de fascinant chez Guillaume Musso, c’est la pureté absolue de sa vision du monde. Il n’est encombré par aucun idéal, par aucune considération d’ordre moral, social ou métaphysique. Son univers est régi par des lois primaires, seuls les plaisirs des sens émergent à la surface de la vie et lui donnent sa signification. C’est le moins ascète des romanciers. Il suffit d’ailleurs de noter les emplois exercés par ses personnages masculins pour avoir une idée des préoccupations fondamentales de cet auteur : ceux-ci sont cuisinier (L’Appel de l’ange), gynécologue (Central Park), etc. Quand on lit un livre de Guillaume Musso, tout devient plus simple, on n’a qu’une envie : s’installer à la terrasse d’un café de Manhattan ou de San Francisco, déguster des « huîtres et des langoustines » (mais en aucune façon les « graines pour oiseau » ou le « quinoa dégueulasse » des végétariens), boire des « Bacari Mojitos », des « Bombay tonics » ou des « Château-Margaux 2000 », manger des « cheesecakes » ou des gâteaux au chocolat de « Pierre Hermé » avant de surfer sans fin sur son « smartphone » ou de peloter des « fesses rebondies »… Par contre, on se sent pris d’une haine et d’un dégoût infinis pour les pauvres, les « drogués », les « prostituées », les vieux, les malades « bouffant de la compote les yeux dans le vague », etc., on a juste envie que tous ces gens indésirables cessent d’exister et de nous empêcher de profiter comme il se doit des couchers de soleil sur la baie californienne.
       Je crois que ce qui peut expliquer le succès de Guillaume Musso, c’est qu’il est merveilleusement représentatif de la mentalité de notre époque, une époque où la conscience politique n’existe pas et où, pour se consoler d’avoir laissé élire sans réagir un psychopathe et un demeuré, on accompagne le déclin inexorable en buvant des cocktails et en surfant ad nauseam sur son « smartphone ». Mais l’antique Justice Divine veille, et les soubresauts actuels indiquent que ce moment fangeux touche à sa fin, que l’ère des nihilistes jouisseurs s’achève, et que le grand Renouveau séculaire approche enfin.

12 commentaires:

  1. Éh cher Laconique, je me doutais que j'allais vous revoir sous peu poster du nouveau ! On dirait que je vous flaire à des lieues à la ronde ! Puis j'ai remarqué que le vendredi c'est votre jour. Décidément, même pendant les vacances vous maintenez la cadence, afin de satisfaire vos innombrables lecteurs. Et il se pourrait bien que moi-même sorte plus tôt que prévu de ma retraite estivale, car j'ai mitonné un petit truc que je publierai peut-être si j'en ai le courage...

    Aujourd'hui c'est avec Musso que vous nous revenez et, comme vous le dites, ce n'est pas la première fois que vous vous attaquez à cet auteur. Je me rappelle d'ailleurs très clairement avoir commenté auparavant ici un compte-rendu de lecture de ce même Musso et après quelques recherches j'ai pu retrouver cet article, dont la date de juillet 2013 confirme que l'été est une période durant laquelle vous aimez frayer avec Musso. Vous dites avoir déjà lu trois romans de cet auteur, peut-être lui avez-vous donc consacré sur ce site un troisième article ? Ce ne serait pas étonnant, mais impossible de mettre la main dessus... En tout cas, si vous continuez ainsi, cher Laconique, vous allez finir par vous faire toute l'œuvre de Musso ! Merde alors, sacré palmarès ! Et pourtant, pourtant, cher Laconique, vous n'êtes pas tendre avec celui que vous qualifiez de "moins ascète des romanciers" ! En fait, peut-être êtes-vous même trop doux, si l'on se fie à votre article qui serait propre à me faire gerber, et me pousse à fuir à toutes jambes les livres de ce jouisseur bas du plafond. Quelle horreur, cher Laconique ! J'ai par exemple frémi en lisant le mot de "quinoa" associé à l'adjectif "dégueulasse". Et taquin comme vous l'êtes, j'imagine que vous avez dû bien vous marrer en m'adressant indirectement cette petite pique !

    J'admire en revanche la constance de votre opinion, qui peut surprendre toutefois compte tenu de votre fidélité à cet auteur. Il y a trois ans vous écriviez : "Toute œuvre littéraire est le reflet de son époque. Celle de Guillaume Musso, agitée, tape-à-l’œil, dénuée de toute compassion et de tout idéal, est sans doute à l’image de la nôtre" et aujourd'hui : "je crois que ce qui peut expliquer le succès de Guillaume Musso, c’est qu’il est merveilleusement représentatif de la mentalité de notre époque, une époque où la conscience politique n’existe pas". Ou encore vous parliez avant à son sujet de "matérialisme un peu crasse, un peu primaire" et maintenant d'un "univers régi par des lois primaires", où "seuls les plaisirs des sens émergent à la surface de la vie et lui donnent sa signification".

    Bouh, cher Laconique, n'en jetez plus, je retourne à mon quinoa, mon riz complet, ma discipline de fer et, par pitié, ne profitez pas d'un texte sur cet enfoiré de Musso pour nous glisser une ou deux de vos obsessions politiques, dont les occurrences sur ce site abondent déjà suffisamment.

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  2. Eh oui, cher Marginal, vous connaissez mes petites habitudes ! Je n’ai pas vraiment de règle, pas de rythme imposé, mais c’est vrai que j’essaie de poster deux articles par mois, généralement en fin de semaine, à partir du mercredi. Et je ne compte pas prendre de vacances, je suivrai mon inspiration, on verra si elle sera fertile ou pas. En tout cas ça fait plaisir de vous voir ici, Le Marginal Magnifique manque au Net, et si vous pouviez nous sortir une petite surprise de votre chapeau prochainement ça ajouterai un peu de piment à notre été, même si je suppose que le trafic doit être un peu ralenti sur la toile en cette saison.

    Ah ! là là, votre mémoire ne vous joue pas de tour, j’ai en effet publié un article sur cet auteur il y a maintenant trois ans (et pour trouver un article sur ce site, pas besoin de se casser la tête, il suffit de taper le mot-clé dans la petite case blanche en haut à gauche). Que voulez-vous, je dois lui reconnaître un indéniable potentiel d’attraction à ce Musso. Il fait du pur divertissement, il assume, ce sont des romans ultra formatés, quatre cents pages à chaque fois sans rien qui dépasse, aucune opinion personnelle qui sortirait des clous, des chapitres de moins de dix pages, des dialogues vifs et serrés, une action qui ne ralentit jamais, une flopée de twists plus invraisemblables les uns que les autres… Il ne faudrait pas croire que j’ai du mépris pour lui, c’est un honnête artisan, besogneux et « bas du plafond », voilà tout. Et c’est vrai que je me répète dans cette critique, mais c’est tout simplement parce que ses livres se répètent aussi, c’est toujours le même schéma : une jeune femme et un bel homme qui se rencontrent et qui courent frénétiquement à Manhattan ou à San Francisco. Je ne sais pas combien de temps il pourra tenir la formule, mais pour l’instant ça tient, un volume par an, aussi régulier que Nothomb ou Woody Allen. A mon avis il réussira à se renouveler, il est jeune encore, les romanciers arrivent généralement sur le tard à la maturité.

    Mais c’est vrai qu’il y a quelque chose qui m’irrite au plus haut point chez lui, une certaine vulgarité des instincts qu’il essaie de recouvrir sous le clinquant de la technologie et du luxe, mais qui ressort quand même. Je savais que le passage sur le quinoa allait vous plaire ! C’est dans le bouquin, je l’ai retranscrit textuellement. Bon, pour la nourriture je ne suis pas encore aussi discipliné que vous, cher Marginal… Que voulez-vous, moi non plus je ne mange pas beaucoup de quinoa, et pour aggraver mon cas je lis des romans de Guillaume Musso, mais j’en paie le prix, ça ne me réussit pas : je tombe souvent malade après avoir ingurgité une pizza ou un double cheese, et je me sens un peu tiré vers le bas quand je lis cet auteur. La discipline, y a que ça pour rendre heureux en fin de compte, ce n’est pas vous qui me contredirez, cher Marginal !

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  3. Savannah Flint3 août 2016 à 18:56

    Ah zut alors, j'ai raté votre billet de quelques jours, cher Laconique ! Et sans rire, au début, quand j'en ai commencé la lecture, je me suis demandé ce que vous aviez fumé (un joint au quinoa peut-être ;p ?) pour lire du Guillaume Musso, jusqu'à ce que j'arrive à la fin du billet ainsi qu'à votre échange avec le Marginal Magnifique et que je comprenne que vous aviez tout de même un point de vue critique sur cet auteur. Cela dit, je comprends aussi que vous reveniez à cet auteur en période estivale. C'est le genre de chose qu'on lit pour s'alléger, pour se vider la tête, comme on dit (et quelle meilleure saison pour ça que l'été, justement ?) ; on apprécie sans pour autant être dupe.

    Je ne veux pas être casse-bonbon, mais je pense bien cependant que vous aurez bien plus de plaisir à la lecture des "Chroniques de San Francisco" ! Armistead Maupin est un auteur très humain, et qui me semble largement plus nuancé et plus talentueux que Musso, du moins d'après ce que vous écrivez à propos de ce dernier. À vous Guillaume Musso, à moi E.L. James, à qui j'ai réglé son compte, comme vous le savez.

    Sur ce, je laisse le Marginal Magnifique à son quinoa, vous à votre pizza et quant à moi, je retourne à mon hubris alimentaire du moment : un pot de glace Ben & Jerry's. L'épée de Dame Némésis est d'ores et déjà suspendue au-dessus de ma tête : même pas peur !

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  4. Eh, chère Miss Flint, je suis bien plus éclectique que vous ne pensez ! Musso est tout de même le romancier français le plus lu depuis des années, ça suscite ma curiosité et ça vaut la peine de se pencher un peu dessus. Ca ne m’empêche pas de lire d’autres choses, y compris « Les Chroniques de San Francisco » d’Armistead Maupin, qui sont une véritable découverte pour moi : c’est très spirituel, très enlevé, les dialogues sont menés avec une maestria que je n’ai encore jamais rencontrée ailleurs, ça sonne tellement juste qu’on s’y croirait. Mais je ne parle pas ici de tous les livres que je lis, quand je n’ai rien de nouveau ou d’intéressant à en dire je préfère m’abstenir. Et il y a quand même quelque chose qui me fascine chez Musso, c’est qu’il fait du pur divertissement. C’est très rare, la plupart des auteurs se croient autorisés à donner leur point de vue sur la vie, même Marc Lévy regorge d’aphorismes philosophiques. Tandis que Musso, il s’en fout carrément, il n’a aucune prétention, il ne pense qu’à bâtir une histoire palpitante pour vendre le plus possible et assouvir sans scrupules ses penchants primaires. Du coup, ça donne une littérature d’un genre très pur, je n’en vois pas un autre comme ça en France actuellement, et je peux d’ores et déjà vous annoncer que j’en lirai d’autres à l’avenir, ne vous déplaise ! Quant à E.L. James, ce que vous avez écrit à son propos m’a presque donné envie de la lire (un livre qui génère une critique aussi caustique ne peut pas être complètement inintéressant), mais bon, je n’ai pas fait vœu de lire tous les best-sellers de mon époque non plus !

    Le Marginal a beau se nourrir de quinoa, il n’en est pas moins pourvu de nombreux autres vices, croyez-moi ! Et je crois qu’il ne faut pas être trop exigeant avec soi-même, c’est peut-être ça la véritable hubris, de prétendre tout contrôler. En tout cas j’espère que Dame Némésis vous oubliera pour porter ses coups ailleurs, il y a bien des gens qui les méritent plus que vous, chère Miss Flint. Et puis merde, c’est l’été, l’automne qui arrive va être tellement glauque politiquement qu’on a bien le droit de souffler un peu !

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    1. Savannah Flint5 août 2016 à 11:42

      Mais je n'ai jamais douté de votre éclectisme, cher Laconique ! C'est bien plutôt que mes préjugés sur Guillaume Musso -- que par ailleurs j'admets n'avoir jamais lu -- ont parlé pour moi dans mon précédent commentaire. Or, la curiosité en matière de littérature n'a rien d'un vilain défaut, et c'est justement ce que vous nous avez brillamment démontré. Votre chronique et vos commentaires ont permis d'éclairer ma lanterne sur Musso et ses livres, et de voir en quoi il se distinguait d'un Marc Lévy par exemple (parce que bien sûr, je les mettais tous les deux dans le même panier). Somme toute, Musso semble ne pas vouloir se donner un genre, et c'est tout à son honneur.

      Le best-seller d'E.L. James est pour moi inintéressant au possible en matière de qualité littéraire, puisqu'il en est complètement dépourvu. Tout au contraire, ce qu'il y a d'intéressant là-dedans, c'est d'essayer de comprendre en quoi un tel ratage a pu connaître un tel succès. J'ai tenté d'y répondre dans ma chronique, mais malgré cela, je crois que le mystère reste complet ! Ça relève presque du paranormal, si vous voulez mon avis.

      Sinon, je suis ravie que "Les Chroniques de San Francisco" vous plaisent à ce point ! Vous ne serez pas déçu des tomes suivants non plus, si vous choisissez de les lire.

      Concernant les vices alimentaires, vous m'avez convaincue : faisons donc quelques réserves de gras, de sucré et de salé bien industriels pour affronter les sombres bouleversements qui s'annoncent. J'espère qu'on pourra quand même se marrer un peu, avec les deux clowns qui s'affrontent pour le top du classement outre-Atlantique, y'a de quoi rire quand même (jaune, certes).

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    2. Ah putain, cher Marginal ! Je vais finir par vous censurer pour de bon !

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    3. J'avoue m'être un peu lâché sur ce coup-là, mais je me suis bien marré aussi !!! J'aurais pu faire plus soft...

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    4. Enfin, je remarque que vous ne postez jamais ces cochonneries sur votre site à vous. Il faut croire que le mien s'y prête mieux...

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    5. Mais vous me provoquez, cher Laconique ! Je suis bien obligé de fournir de l'eau à votre moulin lorsque vous dites que je suis "pourvu de nombreux autres vices".

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  5. Je vais peut-être lire du Musso, je croyais que seules des secrétaires expertes en brushing et nail art l'emportaient pour le feuilleter à la plage...En revanche je salue votre lyrisme hugolien et votre goût pour les musées.J'étais récemment au Louvre pour savourer la poésie des ruines d'Hubert Robert, la prochaine fois que vous y allez n'hésitez pas à me le dire sans vouloir vous importuner, j'aime écrire à des visages familiers.

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    1. Je dois avoir des goûts de secrétaire alors, chère Orfeenix ! C’est de la littérature populaire, ça fait parfois un peu « gerber » sur les bords, comme dit le Marginal, mais disons que c’est assumé et que « ça ne pète pas plus haut que son cul » (si vous me permettez l’expression). Je suis heureux que le petit poème vous ait plu, venant de vous c’est un adoubement qui a tout son prix. Vous aimez bien la peinture du dix-huitième siècle, après Elisabeth Vigée Le Brun, Hubert Robert. Moi je suis un gros béotien en peinture, mais si j’ai l’occasion de retourner au Louvre ou dans un grand musée parisien, ce sera un plaisir pour moi de solliciter vos lumières et de pouvoir mettre un visage et une voix sur une plume que j’ai toujours appréciée !

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