6 juillet 2016

Lumen in nocte


La brume s’étendait sur l’abîme sans fond.
Mon esprit s’enfonçait dans un rêve profond,
Et les flots murmuraient à mon âme pensive
Ces mots évocateurs qui montent de la rive.
Je tentais de saisir cet ultime secret
Que Dieu a recouvert sous l’auguste alphabet
Du jour et de la nuit, des rayons et des ombres.
Des nuées se pressaient au cœur des gouffres sombres.
La terre était sans bruit, l’horizon était noir,
Et je sentais en moi ressusciter l’espoir,
Quand mon regard tomba sur un épais ouvrage
Dont j’avais, étant jeune, adulé chaque page.
Je déchiffrai, tremblant, empli d’émotions,
Ce titre terrifiant : Les Contemplations.
Et je compris alors que ces obscurs mystères
Que j’avais cru percer en mes veilles austères
Avaient déjà trouvé, du fait de cet auteur,
Une solution empreinte de grandeur.

Victor ! Victor ! Victor Hugo ! Toi qui révèles
Aux siècles effarés les choses immortelles
Et les transcris pour nous dans un langage pur,
Ah ! que ton nom est grand, et que te suivre est dur !
Tu m’as pris mon destin, tu as écrit mon livre,
Tu as vécu la vie que seul j’aurais dû vivre !
Et lorsque je demande aux étoiles des cieux
Quel est l’usurpateur qui, au festin des dieux,
Est entré avant moi et occupe ma place,
C’est ton front monstrueux qui surgit de l’espace !

8 commentaires:

  1. Vous êtes là, cher Laconique ! Et vous allez surprendre plus d'un de vos innombrables lecteurs avec cette nouvelle publication, qui n'est rien de moins qu'un long poème de deux strophes en alexandrins qui, pour évoquer Hugo, pastiche talentueusement ses vers. C'est du bon boulot ! Je ne vais pas m'étendre, car vous savez que durant l'été je limite le net, mais sachez que cette lecture a été jouissive pour moi.

    Bel hommage à Hugo que vous donnez-là ! J'aime quand vous revenez de la sorte à vos premières amours, loin de toutes ces considérations politiques et autres délires trop philosophiques. La littérature, cher Laconique, la littérature ! Et ses grands noms que nous avons adulés, qui nous ont forgés ! Qu'il est dur de suivre leurs traces ! Mais en visant les étoiles, peut-être atteindrons-nous au moins la lune...

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  2. Eh oui, cher Marginal, j’ai innové un peu sur ce coup-là… Il n’y a pas grand-chose à dire, sinon que je me suis vraiment amusé à écrire ce pastiche. Ca m’a ramené au temps où j’écrivais des poèmes dans la veine de Baudelaire ou Mallarmé. C’est très plaisant, c’est plus artistique que la prose, ça me donnerait presque envie de m’y remettre, mais le problème c’est que je n’ai jamais vraiment su m’affranchir de ces modèles du dix-neuvième siècle, alors ça n’a un intérêt que très limité au final. En tout cas je suis content que ça vous ait plu, vous êtes un expert et votre avis sur la question ne saurait guère être remis en cause. Et puis, comme vous l’avez dit, c’était une occasion de rendre hommage à Hugo, qui m’a « forgé » effectivement, avec lui on dépasse le cadre de la simple littérature pour atteindre la pure spéculation métaphysique, mais on en a déjà parlé ici.

    Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas tort, l’été se prête peut-être plus à la littérature qu’aux sujets plus sérieux. Il est bon de se maintenir dans la sphère esthétique de temps en temps, mais les « considérations philosophiques et politiques » (FB gouvernera) reviendront en leur temps, ça fait également partie de la vie, cher Marginal, et le sage doit contempler d’autres choses aussi que la « lune »…

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    1. Ça m'étonnerait que Mark Zuckerberg gouverne un jour, cher Laconique ! En tout cas, vous êtes extrêmement doué pour forger des poèmes dans le style du dix-neuvième siècle. J'espère en voir d'autres par ici...

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  3. Comme le dit bien l'une de mes amies, grande amatrice des Contemplations, "Joli pastiche !", cher Laconique ;)

    Le choix des adjectifs est particulièrement judicieux, notamment le "monstrueux" final, typiquement hugolien.

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    1. J'aime bien aussi "l’auguste alphabet"...

      Sinon, mon cher Sanglier puissant, une question me taraude : ne faites-vous que parler des Contemplations, avec votre "amie", ou l'invitez-vous parfois à goûter d'autres délices ?

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    2. Lol. Ca y est, ça dégénère, ça n'a pas traîné...

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    3. Ne faites pas le bégueule, cher Laconique, vous adorez ça !

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  4. Merci pour cet avis éclairé ! Je vois que j’ai affaire à un connaisseur. Mais cela ne m’étonne pas de vous, cher Johnathan Razorback, je sais que le lyrisme héroïco-fantastique vous est aussi familier que les théories les plus aiguës du pouvoir politique. En tout cas votre amie qui apprécie « Les Contemplations » s’y connaît en poésie, c’est sans conteste le sommet, l’Himalaya du massif hugolien.

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