26 octobre 2016

Michel Onfray : Cosmos

        
       Acheté et parcouru Cosmos. Une ontologie matérialiste, de Michel Onfray. Bien que divergeant radicalement de toutes ses conceptions fondamentales, j’éprouve une certaine sympathie pour Michel Onfray. Il défend son matérialisme intransigeant avec probité, et il y a dans son parcours de fils des classes modestes fondant l’Université populaire de Caen et conspuant sans relâche l’hypocrisie des élites parisiennes une indéniable cohérence. Son antichristianisme primaire est souvent caricatural, ainsi que sa vision binaire de la philosophie qui le fait passer à côté de tout un pan de la pensée humaine, mais c’est un tribun de la plèbe, têtu et besogneux, comme on en voyait jadis, à l’époque où l’on prenait encore les choses intellectuelles au sérieux. Mais ce n’est pas sur le plan des idées que ce Cosmos me met un peu mal à l’aise.
       Cosmos est le premier volume d’une « Brève encyclopédie du monde » qui est appelée à compter encore deux volumes supplémentaires (intitulés respectivement Décadence et Sagesse). Cosmos fait sept cents pages. En partant sur les mêmes bases, l’ensemble devrait avoisiner les deux mille cent pages. Michel Onfray a rédigé, d’après sa bibliographie, pas moins de quatre-vingts ouvrages. En comptant, selon une fourchette basse, trois cents pages par ouvrage, Michel Onfray aurait donc écrit pas moins de vingt-quatre mille pages (et sans doute le double) dans sa carrière. Il me semble que rien n’est plus éloigné du génie français que cette propension à la profusion, que l’on trouve également chez un Yann Moix, auteur de Naissance, prix Renaudot 2013, mille quatre cent vingt-sept pages. Tout l’effort du classicisme français, ce fruit le plus subtil et le plus parfait de l’intelligence humaine, a tendu dans le sens contraire, vers toujours plus de concision et de limpidité. Et cela vient de loin, des lettres grecques et latines, d’un certain idéal d’harmonie et de maîtrise de ses forces tel que l’Antiquité nous l’a transmis. Si je devais citer les trois plus éminents représentants de cette école classique française, je dirais qu’il s’agit de Jean Racine, de Voltaire et d’André Gide. Combien de temps faut-il pour lire une pièce de Racine, un conte de Voltaire ou un récit de Gide ? Quelques dizaines de minutes, quelques heures tout au plus. Et pourtant tout est dit, l’intelligibilité du monde et des rapports humains y est totale, avec juste ce qu’il faut de blanc et de silence pour laisser à l’imagination du lecteur la liberté de se déployer. Ah ! antique Muse française, fille de la douce Vénus et de la sévère Minerve, n’entendrons-nous jamais plus tes graves et mélodieux accords retentir sur la lyre du bon goût français ?

14 commentaires:

  1. Ceux qui ont eu l'abnégation de se pencher sur les dernières œuvres de sieur Onfray l'ont souligné: Onfray n'est pas matérialiste, mais vitaliste. Il prétend que la vie est une "force" qui échappe à la matière (et à la rationalité, comme par hasard) ; à partir de là, nous avons affaires à un dualisme ontologique (et toutes ses tirades contre le platonisme et le christianisme n'y changeront rien). Derrière l'athéisme libertaire, le mysticisme écologisant est bien présent (visiblement Pierre Rabhi n'a pas encore saturé ce segment de marché intellectuel...). C'est de la "pensée" pour les cadres et les couches urbaines moyennes "de gauche", fatigués par le mode de vie moderne et qui, à défaut de vouloir en sortir politiquement (cf les attaques permanentes d'Onfray contre les communistes et Mélenchon), consomme un substitut hallucinatoire ("ah les indiens d'Amazonie, comme ils doivent être plus heureux que nous !"...). De là le style assertif et l'absence d'argumentation, au profit de slogans vides propices à la communion idéologique ("vivre en relation avec le cosmos"). C'est la forme sophistiquée du "développement personnel". On est à un pas du "devenez bouddhiste pour supporter la crise" que vous dénonciez à juste titre chez Attali...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh, cher Johathan Razorback, je ne connaissais pas ce Pierre Rabhi, mais l’article de Mediapart suffit à me donner une idée de la probité du personnage. Vous avez tout à fait raison, Onfray n’attend plus rien du système politique, il a renoncé à lutter (s’il l’a jamais fait) sur ce terrain-là, et il se pose, comme bien d’autres, comme Soral aussi d’une certaine manière, en promoteur d’un modèle « alternatif ». L’intérêt qu’il manifeste pour les Cyniques grecs ne doit pas être étranger à cette volonté de créer des sortes de niches préservées du monde extérieur, comme l’Université populaire de Caen. En politique, chacun a son opinion, mais il me semble que cette posture du « tous pourris » (Onfray a annoncé je crois qu’il ne voterait pas ou qu’il voterait blanc en 2017) constitue pour moi un des plus sûr moyens pour que le système actuel à bout de souffle se perpétue indéfiniment. Malheureusement on observe de plus en plus de gens qui en sont arrivés là. Et ce qui est amusant, c’est que cette posture apolitique lui permet d’observer les choses avec beaucoup de lucidité, il a deviné, tout comme moi et quelques autres, le résultat de la prochaine élection présidentielle, c’est assez bluffant…

      Supprimer
  2. Éh bien, cher Laconique, vous êtes un marrant, vous prenez vos innombrables lecteurs à rebours ! On s'attend à une chronique littéraire telle que vous en avez l'habitude et nous avec, et, après un rapide mais avisé et fin avis sur Michel Onfray, vous nous désarçonnez en livrant une réflexion sur le lien que l'on peut établir entre la profusion d'une œuvre et, en somme, sa qualité, ce que vous nommez "le génie français". J'aurais tendance à vous suivre, si l'on considère qu'il faut du temps pour pondre du chef-d'œuvre et que "concision" et "limpidité" sont des qualités hautement honorables.

    Cependant les contre-exemples abondent, cher Laconique. Le premier qui me vient à l'esprit est Bukowski : il était très prolifique et pourtant son œuvre est puissante ! Mais OK, c'est un ricain, c'était juste pour vous chauffer tranquillement... Un autre maintenant, bien français celui-là, dont je ne suis pas fan mais cité comme l'un des fleurons des écrivains de notre pays : Marcel P. Vous voyez de qui je veux parler ? Et le superbe Zola ? Sans oublier la star des romanciers du dix-neuvième siècle, Balzac, dont je ne suis pas fan non plus, mais qui a construit un monument littéraire et qui, à mon sens, reflète pour beaucoup ce "génie français".

    Mais c'est sûr que si vous nous citez Moix comme représentant de cette "propension à la profusion", alors on a envie de crier : "il a raison ce bon vieux Laconique ! Cet enculé de bâtard de Moix, avec sa gueule de lèche-cul pleurnichard libidineux, produit de la merde sur des centaines et des centaines de pages en se répétant, sans qu'il n'en sorte rien de valable, c'est un vrai tocard qui a passé toute sa putain d'adolescence à s'astiquer férocement et déraisonnablement (ce qu'il a souvent expliqué sans la moindre pudeur dans ses livres de merde ou en interviews), et qui, une fois adulte, continue la branlette sans vergogne (on ne perd pas une habitude tenace) en couchant sur papier des milliers de lettres inutiles et qui n'ont rien demandé, les pauvres, du coup c'est sûr, rien n'est plus éloigné de la bonne littérature et "du bon goût français" que la profusion, FUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUCK !!!!!!!!!!!!!!!!! "

    Sinon, pour Onfray, d'après ce que j'en ai vu à la télé, c'est vrai qu'il fait très "tribun de la plèbe, têtu et besogneux". Puis il paraît authentique, pas consensuel et il ne baisse pas son froc, ce qui est toujours appréciable.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh bien, cher Marginal, tout d’abord je ne peux qu’être admiratif devant l’heure à laquelle vous avez posté ce commentaire. 4 h 55, diantre, c’est ce qui s’appelle être matinal ! Quelle hygiène de vie irréprochable est la vôtre, vous me faites honte de mon indolence, moi qui n’ai jamais été matinal. Vous devez vous coucher bien tôt pour être debout avant l’aurore, vous faites concurrence au Dalaï-lama qui se lève tous les jours à cinq heures pour méditer. Mais je vais essayer de suivre vos traces, finis les abus, vivre avec le jour et le soleil, il n’y a que ça de vrai !

      Eh oui, une fois de plus vous avez l’œil, vous avez parfaitement saisi le mouvement volontairement déceptif de mon article, qui s’annonce comme une critique intellectuelle d’un ouvrage de philosophie, et qui part malicieusement sur tout autre chose, sur un éloge lyrique et ampoulé du classicisme français. Que voulez-vous, en partie à cause de vous je lis trop de poésie, je ne peux plus m’astreindre à de la théorie pure, seul le jeu des mots m’amuse vraiment. Mais si je préfère éviter le terrain trop intellectuel, je ne dénigre pas pour autant cet Onfray, il est sérieux, il travaille, et ses idées, mis à part son antispiritualisme qui tourne à l’obsession, sont estimables (je pense notamment à un long chapitre très pertinent sur les droits des animaux et la barrière problématique humanité/animalité, ainsi qu’une diatribe très éloquente et très convaincante contre la corrida et ses défenseurs (Hemingway, Montherlant, Leiris, Picasso, etc.)).

      Supprimer
    2. Bon, pour le débat sur la profusion, je crois que notre divergence provient, comme presque toujours dans ces cas-là, d’un malentendu sémantique. Tout d’abord, je ne trouve pas Bukowski tellement profus. Il écrit des phrases courtes, impeccables, sans un mot de trop, et ses ouvrages ne sont pas si longs que ça. Mais là où j’ai pu prêter à confusion, effectivement, c’est en employant l’expression de « génie français », un peu vague à vrai dire. Je voulais parler spécifiquement du classicisme français, et plus spécifiquement encore de ce qu’Ilias Yocaris désigne dans son ouvrage Style et semiosis littéraire du terme technique d’« atticisme » (mot employé par Gide dans son Journal et qui dérive de l’Attique, région de la Grèce). En un mot, ce n’est pas tout ce qui est français que je loue, mais cette école classique, un peu sèche et lumineuse, dont les tragédies de Racine et certains récits de Gide offrent le type le plus abouti. Pour le reste, vous avez bien raison, Balzac et Marcel P. sont d’incontestables et prestigieux représentants du « génie français », mais la profusion de leurs textes est sans doute la cause du fait que je n’ai jamais accroché à leurs œuvres. (Et Marcel P. j’ai donné, j’ai lu l’œuvre du premier mot (« Longtemps ») au dernier (« …dans le temps. »), et j’ai morflé putain, Platon et Kant c’est de la rigolade à côté.) Quant à Zola, je sais que vous êtes fan, je n’aime pas me citer mais pour faire court j’ai dit ce que je pensais de son œuvre dans un texte précisément intitulé Zola n’est pas un classique.

      Ah ! là là cher Marginal, mais tout cela n’est rien à côté de la jubilation que m’a causée votre envolée anti-Yann Moix. Tout est dit sur ce chancre habitué des zones humides et fangeuses ! Il est drôle parfois, mais quelle bassesse, on le sent prêt à toutes les compromissions pour percer, il est l’auteur d’éloges éhontés (et nullement sincères, c’est ça le pire, car il est lucide le bougre) de Bernard-Henri Lévy et de Philippe Sollers, il se courbe devant tout ce qui est un peu influent dans le monde de l’édition, et il tape sur les faibles ou les isolés comme Angelo Rinaldi ou Pierre Michon. Et toute cette libidinalité qui suinte de chacune de ses pages... En tout cas, il y a du Céline chez vous, le style des pamphlets, on sent que le dégoût vous donne des ailes, et ce n’est pas pour rien que Céline était un des écrivains préférés de Bukowski…

      Supprimer
    3. Hum, vous êtes un taquin, cher Laconique ! Vous savez bien que je suis davantage marginal que matinal. Je n'ai jamais aimé me lever avec les chants des oiseaux, je préfère qu'ils me bercent avant de rejoindre Morphée. Puis que voulez-vous, c'est de votre faute merde, je me vois dans l'obligation de commenter vos brillants articles dès que possible, au mépris de ma santé et de la rectitude de mon hygiène de vie. Et encore, dites-vous que vous voyez seulement la partie émergée de l'iceberg, car si j'étais sur le net à cinq heures du mat, vous pouvez aisément imaginer que je n'en suis pas resté là... Et tant pis si ma gueule ressemble à Verdun ! Mais en fait même pas, c'est si bon d'être libre, en faisant exploser toutes les barrières, que ça me réussit : j'affiche belle mine ! c'est ça le pire. Je crois d'ailleurs que je vais aller à contre-courant de la mode actuelle et écrire un manuel d'indéveloppement personnel, dans lequel j'expliquerai comment et pourquoi ne pas de devenir le gendre idéal merveilleusement adapté à la société qui fait tout bien comme il faut dans le but d'atteindre une vaine et illusoire perfection.

      Sinon vous savez me prendre par les sentiments avec ce Onfray, ma sympathie pour lui se confirme s'il prend parti pour les animaux avec "un long chapitre très pertinent" sur leurs droits et "une diatribe très éloquente et très convaincante contre la corrida et ses défenseurs". Défenseurs d'ailleurs qui ne m'inspirent que mépris : Hemingway est ainsi non seulement un piètre écrivain (je ne comprendrai jamais sa renommée), mais un détestable être humain.

      Et vous avez raison, il y a souvent "malentendu sémantique". Comme vous produisez des articles érudits et riches sur le plan de la réflexion, on peut souvent beaucoup discuter selon la façon dont on comprend les mots que vous employez, les niveaux de lecture et de sens sont nombreux, j'ai souvent l'impression qu'il y a du flottement autour des termes et qu'il faudrait les définir avant d'entamer tout débat.

      Supprimer
    4. Hé, ne vous plaignez pas cher Marginal, je ne vous sollicite pas tant que ça… Sinon, pour le manuel « d’indéveloppement personnel », je crois qu’il y a déjà pas mal de matière dans Panache et Nonchalance, avec des inédits qui m’ont bien fait marrer, comme « Le pied à l’étrier » (« Mais si jamais je mets le pied à l’étrier/Je ferai la grande chevauchée jusqu’au bout ») ou « Big Bang theory » (« Je veux faire des comas éthyliques/Me coucher à quatorze heures du mat(…)/Traiter d’enculé mon patron coincé(…)/Bref je veux que ma vie soit un Big Bang »). Il faut croire que nous étions faits pour nous entendre, puisque j’avais écrit à l’âge de vingt ans un sonnet sobrement intitulé Hard Rock, que je vous livre ici en exclusivité (vous suscitez de l’émulation chez moi avec vos poèmes hardcore, je veux vous montrer que je peux aller aussi loin que vous !).

      Supprimer
    5. Hum, il me semble déjà connaître ce sonnet, cher Laconique ! Peut-être l'ai-je lu dans une vie antérieure.... et un poème aussi bon que celui-ci ne s'oublie pas, même après métempsycose. Gageons que je m'en souviendrai encore pour toutes les vies qui me restent.

      En tout cas, on comprend en lisant ça pourquoi on se comprend justement, cher Laconique ! Ne vous gênez donc pas d'envoyer ce genre de trucs ici ou ailleurs. Et pour ce qui est de vous "réveiller couvert de sperme", je vous fais confiance, d'ailleurs vous ne serez pas le premier, mais de grâce, cher Laconique, essayez donc plutôt de faire les choses proprement !

      Supprimer
  3. Eh bien, c'est un texte surprenant que vous nous avez concocté là cher Laconique ! Vous nous régalez ! Je m'attendais à un billet totalement consacré à "Cosmos" et son auteur, mais paf, au moment où l'on s'y attend le moins, vous nous emportez dans une réflexion riche sur le classicisme français et cela, en partant justement de l'œuvre foisonnante de Onfray tout en évoquant, au passage, celle de cet horrible Yann Moix -- un type que je ne lirai jamais, ses interventions télévisées dans la célèbre émission de Ruquier m'ayant convaincue que c'était un gros guignol nuisible, frustré et sadique, se faisant passer pour un vertueux gauchiste combattant du Bien Suprême et ayant pour cela le droit d'écraser bassement tous ceux dont il ne partage pas la pensée et de donner des leçons de morale de bobo-gaucho à tour de bras... M'enfin bon, je ne suis pas franchement objective car pour moi, tous les gauchistes bien-pensants se croyant appartenir au "camp du Bien" sont en réalité de gros blaireaux qui concentrent en eux ce que l'humanité a de pire... C'est même ça la marque de fabrique psychologique et ontologique de la gauche à mon sens, mais fi de mon... antigauchisme primaire ! En tout cas, moi aussi j'ai jubilé à la lecture de "[l']envolée anti-Moix" de notre Matinal Magnifique national :) .

    Quant à Onfray, je dirai que je n'arrive décidément pas à le cerner. Lui non plus, je ne l'ai jamais lu, mais c'est que je me suis toujours méfiée de son "antichristianisme primaire [...] souvent caricatural, ainsi que sa vision binaire de la philosophie qui le fait passer à côté de tout un pan de la pensée humaine", que j'avais devinés chez lui sans même avoir jamais plongé le nez dans l'un de ses livres. Je l'ai toujours vu comme un démagogue, un "tribun" auteur de best-sellers vendus en tête de gondole, flattant justement le peuple avec une pensée à l'emporte-pièce ne possédant pas la moindre nuance et ne pouvant par conséquent pas être appelée "philosophie". J'ai aussi eu l'occasion de m'interroger sur sa probité intellectuelle lorsque dans l'une de ses interviews il déclarait qu'il avait lu l'œuvre de Freud en un été (!) et que c'était suite à cela qu'il avait rédigé son pamphlet "Le Crépuscule d'une idole". Connaissant la psychanalyse autant en théorie qu'en pratique, je n'aime pas ceux qui l'attaquent sans être jamais passés par le cabinet d'un ou de plusieurs analystes, qu'ils soient freudiens ou d'une autre école. Cette discipline résolument spéculative et littéraire (et non scientifique, cela va de soi) qu'est la psychanalyse ne peut pas être considérée comme un bloc ; elle mérite assurément d'être jugée avec une infinie précaution et un sens de la nuance très développé. Il y a en elle du bon et du mauvais, des concepts opérants et d'autres inopérant et dépassés, à bannir des cures de toute urgence si ce n'est déjà fait, tout comme en son sein se regroupent des analystes excellents et d'autres qu'il convient de fuir absolument...

    Bref, j'ai l'impression que Onfray est un fumiste (ah ! le nietzschéisme de gauche...), qui retourne en plus facilement sa veste politique et philosophique quand ça l'arrange. Paradoxalement cela dit, je sens aussi que c'est un type intelligent, doué des meilleures intentions et loin d'être incohérent en toute chose, mais qu'il ne se sert pas assez de sa raison, et que son impulsion le fait tomber dans de basses œuvres. C'est dommage... Cependant, je salue la fondation de l'université populaire de Caen. C'est une belle initiative, même si ce n'est pas moi qui y mettrais les pieds, qu'on se le tienne pour dit !

    Bon, pour en revenir à vous, vous m'intriguez avec votre poème "Hard Rock", je vais aller lire ça, de là d'ailleurs à vous (re)convertir à ce genre musical ;p ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah purée, mais c'est qu'il claque votre "Hard Rock" ! Comment avez-vous pu nous cacher ça aussi longtemps, Laconique ? C'est court mais ça va droit à l'essentiel et c'est incisif, avec une référence vachement bien trouvée à AC/DC. En tout cas, on constate que vous êtes désormais passé de l'"highway to Hell" au "stairway to Heaven" ! Mais rien n'est perdu, je sais que vous avez apprécié Therion dont je vous avais parlé il y a quelques mois, alors avec un peu de chance, si vous persévérez, d'ici quelque temps, je pourrai vous conseiller du goregrind bien dégueulasse ! Enfin, si je puis vous donner un conseil de graphie, il conviendrait que le groupe "Streptocoque" (que vous avez au fond toujours envie de fonder, ne le niez pas) s'écrivît "Streptocock" (ou Streptocockus, pour aller jusqu'au bout de l'anglicisme), ça sera d'un meilleur effet quand vous posterez les paroles de vos futurs albums sur le site Dark Lyrics. Puis Streptocock, ça fait très goregrind comme nom.

      De rien, ne me remerciez pas, c'est gratuit :) .

      Supprimer
    2. Hé bien, chère miss Flint, on dirait que Yann Moix vous inspire plus encore que Michel Onfray ! J’ai lu quelques-uns de ses livres, jamais avec un grand enthousiasme je dois le reconnaître (même si certains passages sont parfois assez marrants), et, contrairement au Marginal, je me couche trop tôt pour suivre ses interventions du samedi soir. En tout cas je suis assez surpris, je vous l’avoue, de vous voir le traiter de « gauchiste ». Ce n’est pas du tout l’image que je me faisais de Moix (mais peut-être que je me trompe). D’après un entretien, Moix n’aurait voté qu’une seule fois de sa vie, en 1988 pour Chirac, et il déclare : « Je suis une vraie girouette, je n’ai aucune colonne vertébrale politique. » Mais je crois comprendre ce que vous voulez dire, c’est son côté donneur de leçons, humaniste de pacotille qui vous agace. D’après moi, Moix n’a qu’une seule cause authentique, celle qu’il proclame dans son roman « Partouz » : « Sincèrement, je pense réellement être un des plus grands masturbateurs que la planète Terre ait comptés. Si on pouvait être célèbre en se branlant, j’aurais la notoriété du Christ, de Karl Marx ou de Mao Tsé Toung. » (« Partouz », p. 179.) Enfin, je n’ai pas trop envie non plus de m’attarder sur la prose de Yann Moix, et la phrase la plus juste à ce propos semble avoir été écrite par Moix lui-même au début de son roman « Naissance » : « La vie est trop courte pour lire la vie trop longue de quelqu’un comme Moix. » (« Naissance », p. 17.) Bon, je n’arrive pas à le détester complètement, il y a un certain côté obsessionnel chez lui, un côté freak qui me le rend sympathique. Et il a beaucoup lu, on ne peut pas lui enlever ça, même si ce ne sont pas toujours les meilleurs auteurs.

      Pour Onfray, c’est vrai que cette absence de nuance est assez rédhibitoire pour moi aussi. A la limite il a le droit de jeter les religions aux orties, mais sa haine obsessionnelle envers Platon réduit quand même singulièrement la portée de sa réflexion, ce n’est pas très sérieux, ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Du coup je comprends le reproche que vous lui adressez quant à sa désinvolture à l’égard de la psychanalyse. Il faut reconnaître à sa décharge que son livre sur Freud lui a valu des tombereaux d’insultes et de dénigrements comme j’en ai rarement vus dans la vie intellectuelle française. Enfin, c’est une prose utilitaire, correcte, élégante, mais totalement dénuée de cette tension poétique qui est la chose la plus précieuse pour moi, et c’est là surtout ce que j’ai voulu dire dans cet article. Je crains que cette raideur « attique » ne se perde, alors qu’elle a longtemps été l’axe central de la littérature française.

      Content que le poème vous ait plu ! J’ai fait du chemin, vous pouvez le constater. Mais j’ai été un vrai fan de hard rock dans ma jeunesse, j’écoutais plein de groupes, avec une prédilection quand même pour Iron Maiden. C’est vrai que le hard rock un peu symphonique et épique comme Thérion, ou Rhapsody auparavant, est la variété que je préfère. Mais je suis sage maintenant, j’ai changé de camp, je préfère les côtés ennuyeux de la vie, même si quelques résidus du poison ancien doivent toujours sommeiller quelque part au fond de moi. Et merci pour vos conseils onomastiques, vous avez le sens de ces choses-là, si jamais je me lance je saurai profiter de vos avis pour ne pas faire de faux pas en terme de marketing. (Quant au goregrind, je vous promets de faire des recherches, mais quelque chose me dit que je suis trop candide et trop gourd pour ça, cela conviendrait mieux à quelqu’un comme le Marginal.)

      Supprimer
    3. Ah là là non mais, si avoir les mains sales est la "seule cause authentique" de ce monsieur ainsi que vous l'écriviez Laconique, alors le mal est plus grave que ce que je pensais (lol) ! Bon, je garde son interview de côté pour le moment, parce que j'ai eu ma dose de tristes sires pour la journée, et que je n'ai pas envie pour ce soir d'en rajouter une couche. Sinon, pour l'étiquette politique que je lui ai attribuée, cela vient de ce qu'il représentait le chroniqueur de gauche chez Ruquier, en opposition à sa collègue Natacha Polony, la chroniqueuse de droite (poste qu'occupait Eric Zemmour avant elle)... Mais je n'ai jamais été une fidèle de cette émission, dont j'ai suivi quelques passages seulement sur YouTube, puisque cela fait une douzaine d'années que j'ai cessé de regarder la télévision. Par conséquent je peux très bien me tromper sur le compte de Y. Moix, je ne suis pas à sa place, il est vrai, pour dire s'il se situe politiquement ou non et si oui, où exactement sur l'échiquier français. Mais je dois avouer cependant que pour moi, tout bien-pensant, "donneur de leçons" ou "humaniste de pacotille" est un gauchiste. Des fois moi non plus, je ne m'embarrasse pas de nuances, je le reconnais.

      J'ai souvent remarqué que Platon déchaînait les passions chez pas mal de philosophes, et que certains d'entre eux l'accusaient d'être à l'origine de bien des maux (pêle-mêle, le concept de dictature voire de totalitarisme, puis le monothéisme et ses fanatiques dérives à travers l'histoire, en opposition au paganisme si idéalisé de nos jours... Dit comme ça, c'est sûr que c'est gros comme accusation, surtout quand on se targue d'être philosophe !). Je ne connais pratiquement rien de Platon contrairement à vous, mais je crois comprendre qu'il semble difficile pour beaucoup de penseurs d'avoir une vision nuancée de sa philosophie.

      Quant aux réactions violentes et démesurées que le livre "anti-Freud" de Onfray a suscitées, je n'en suis pas étonnée : la France est l'un des tout derniers bastions forts de la psychanalyse, avec des écoles extrêmement sectaires... Et je puis attester que même les psychanalystes les plus humains et les plus intelligents s'enflamment dès que l'on vient à remettre en question la psychanalyse et donc, leur pratique et leur profession au quotidien. Cela étant, bien que je sois plus encline à défendre la psychanalyse que le contraire, je dois dire que ce genre d'attitude me la rend plus antipathique qu'autre chose.

      Héhé, à mon tour de vous dire que je suis contente que Therion vous plaise ! Je n'ai jamais été fan de Rhapsody pour ma part, le power metal n'étant pas ma tasse de thé en général. Sinon, pour le goregrind, je plaisantais, parce qu'il va de soi que je ne vous enjoins en aucune manière de jeter une oreille là-dessus. Et puis dites-vous que même pour moi c'est insupportable, mais je n'ai pas le choix d'en écouter de temps à autre, vivant avec une personne qui est fan de cette soupe cacophonique...

      Bon tout de même, je pense que cette nouvelle version très subversive de "Highway to Hell" saura vous convaincre qu'il y a du bon au "poison ancien" ;) ! https://www.youtube.com/watch?v=9G3zhxBHK3Q

      Supprimer
    4. Ah ! d’accord, maintenant je comprends pourquoi vous écrivez bien, chère miss Flint : c’est parce que vous n’avez pas la télé. Tout s’explique ! Vous ne perdez pas grand-chose… Platon n’est pas si dogmatique qu’on le dit, c’est une pensée en dialogue, en progression, même si on n’est pas d’accord il nous fait réfléchir par nous-mêmes. Après c’est sûr que si on le prend au pied de la lettre sa société est franchement totalitaire, mais il faut bien comprendre que tout est métaphorique chez lui : la société idéale est l’image d’une âme bien ordonnée. Pour Freud, que j’ai un peu lu, je vous avoue que j’ai des réserves. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il vaut mieux se tourner vers le monde plutôt que vers soi, vers l’avenir plutôt que vers le passé, vers la liberté plutôt que vers les aliénations, d’ordre sexuel ou autre. Autant sur Therion vous pouvez me convertir, autant sur la psychanalyse je suis plus réfractaire ! Au fait merci pour la vidéo. Apparemment je ne suis pas le seul à avoir été inspiré par AC/DC, Enrico Macias aussi ! Bah, la soupe c’est bon pour la santé, il faut être indulgent pour son entourage, sinon on ne s’en sort pas…

      Supprimer
    5. Détrompez-vous cher Laconique : j'écrivais déjà "bien" même du temps où je me gavais de télévision des heures durant, pendant mon enfance. Alors vous savez, je crois que l'un n'empêche pas l'autre ;) . Mais c'est que je lisais déjà beaucoup aussi. Que je ne perde pas grand-chose à l'heure actuelle, je n'en doute pas un seul instant, d'ailleurs je suis toujours surprise par la vulgarité et l'indigence de nombreux programmes de notre temps quand il me prend d'y jeter un œil via YouTube, avec la désagréable impression d'avoir des dizaines de trains de retard. Mais bon, tout n'est pas tout noir : des internautes sympas y postent aussi des émissions télé intéressantes, récentes ou non, et qui valent vraiment d'être vues.

      Je vous remercie pour vos observations sur Platon, qui éclairent ma lanterne. C'est vrai qu'il fait toujours avoir cette idée de métaphore et de monde idéal chez lui, et finalement les penseurs qui le décrient n'ont-ils pas une lecture "réaliste", donc déformée, de sa philosophie ?

      Quant à Freud, les psychanalystes et la psychanalyse en général, je ne cherche pas à vous convaincre de quoi que ce soit là encore, surtout qu'à la base j'avais évoqué le sujet par rapport à Michel Onfray, mais je dois dire que je suis toujours sceptique lorsque l'on juge la psychanalyse sur la base seule des écrits qui constituent, il faut bien sûr l'admettre, une part extrêmement importante, sinon fondamentale, de cette discipline. Après, moi aussi j'émets des réserves à l'égard de cette dernière, mais avec la différence de quelques années de "pratique" au compteur :) .

      Supprimer