4 octobre 2018

Michel Houellebecq : Extension du domaine de la lutte



Lu, pour la première fois de manière suivie et intégrale il me semble, Extension du domaine de la lutte, de Michel Houellebecq. Je m’en souvenais du reste fort bien. Je l'ai relu avec plaisir, intérêt, admiration même. C’est là un classique de notre époque, à n’en pas douter. Lucidité, netteté du style, humour désabusé toujours sous-jacent, le meilleur de Houellebecq, fécondé par la souffrance et le combat, avant qu’il ne tombe dans ses confortables et un peu vaines rengaines réactionnaires.
Ce qui ressort de manière flagrante du roman, c’est l’absolue inadéquation entre le monde moderne et les aspirations réelles de l’homme. Houellebecq appuie sans cesse, et avec un art consommé, sur le prosaïsme intégral et destructeur du monde qui nous entoure. Il cite le Schéma directeur du plan informatique du ministère de l’Agriculture, les boîtes de thon Saupiquet, etc. Rien qui parle à l’homme, rien qui offre le moindre sens à son existence. Et dans cet univers où les valeurs ont été éradiquées, une seule force subsiste, un seul horizon demeure, le désir, pure mécanique dans un monde mécanique, suprême aliénation dans un monde d’aliénations. Tout cela est très cohérent, plus que jamais actuel.
Au fond, Houellebecq est (ou était) un authentique humaniste. La formation chrétienne est patente. Mais, en plaçant le désir, la sexualité et l’« amour », puis, dans un second temps, la problématique identitaire au centre de son propos, il est retombé dans les obsessions de la société, il n’est pas allé au bout de son parcours d’affranchissement. Sans doute ses livres en sont-ils plus intéressants, sans doute cela lui fait-il gagner des lecteurs. Mais après avoir entrouvert la porte de la prison, et à l’instant où celle-ci est devenue pour lui plus confortable, il s’est empressé de s’y calfeutrer, au milieu des coussins et des effluves apaisants. Le monde libéral-libidinal est toujours aussi violent, toujours aussi inhumain, mais plus pour lui.

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