21 novembre 2019

Jean-Philippe Toussaint : Faire l'amour



Lu Faire l’amour (2002), de Jean-Philippe Toussaint, sans grand plaisir, je dois le reconnaître. Toute cette littérature me semble très artificielle. On a beau dire, le plus important, dans un roman, c’est la part de vérité qu’il contient. Je lis cette phrase : « Il y avait ceci, maintenant, dans notre amour, que, même si nous continuions à nous faire dans l’ensemble plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable », et cela me semble juste, je sens l’expérience vécue, parfaitement formulée. Mais pour une telle phrase, combien d’autres m’ont paru fausses, écrites. Celle-ci par exemple : « Rompre, je commençais à m’en rendre compte, c’était plutôt un état qu’une action, un deuil qu’une agonie. » Quand je lis cela, mon attention décroche, je sais que je suis dans un roman, et dans un roman à prétentions littéraires. Ou la dernière phrase du livre : « Il ne restait plus rien, qu’un cratère qui fumait dans la faible lumière du clair de lune, et le sentiment d’avoir été à l’origine de ce désastre infinitésimal. » Finir sur une figure de style, sur un oxymore… Le vrai style doit être invisible, c’est celui de Racine, de Houellebecq dans ses bonnes pages.
Tout cela révèle plus qu’il ne dissimule la vacuité totale du propos. Quand il n’y a pas de vision du monde, alors on se rabat sur le style, sur des détails insignifiants gonflés jusqu’à l’absurde, sur des états d’âme. Je connais ce monde que Toussaint décrit, c’est celui dans lequel j’ai vécu depuis des décennies, celui dans lequel, lorsque toute spiritualité, toute dimension religieuse ont été complètement abolies, deux choses demeurent et surgissent à la surface : la femme et la technologie. La femme et la technologie, tout est là, et dans ma vie je n’ai fréquenté que deux types d’hommes : ceux fascinés par les femmes, ceux fascinés par la technologie. L’essence de notre monde sous sa forme la plus basique, dans sa réalité la plus concrète, la plus aliénante. En cela, Faire l’amour n’est peut-être pas un mauvais roman, car il témoigne avec une singulière pureté, un grand dépouillement, de la fascination pour la femme, impulsive, souffrante et vénéneuse, et pour la modernité, à travers les néons, l’architecture futuriste, le luxe feutré, les multiples babioles de la communication contemporaine. Story of my life. Je ne crois pas que je lirai d’autres romans de cet auteur, du moins pas dans l’immédiat.

2 commentaires:

  1. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, cher Laconique, vous lisez des merdes aussi !

    Je vous conseille plutôt l'œuvre de Robert E. Howard, nouvellement rééditée en poche avec grand soin, et dont le dernier tome vient de paraître : vous y trouverez une vision noble du monde, loin de toute sensiblerie et autres états d'âme, sans technologie, mais avec des femmes traitées à leur juste valeur par Conan.

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  2. Hum, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, cher Marginal. Ce Jean-Philippe Toussaint m’intrigue, je crois que je lirai certains autres de ses bouquins un jour ou l’autre. C’est un joueur d’échecs, comme Kubrick, et on sent que ses livres sont un monde clos, verbal, presque abstrait, et ça m’intéresse.

    Pour Conan, je sais qu’il faudrait que je le lise, c’est pas l’envie qui manque, c’est le temps. Je comprends que ça vous plaise, j’ai lu des extraits. Ça va pas arranger votre cas. Mais au fond je suis plus civilisé que vous, je préfère lire Platon ou Jean-Paul II.

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