21 janvier 2022

Michel Houellebecq : Anéantir



Lu Anéantir, le dernier roman de Michel Houellebecq, sans grand plaisir, je dois le reconnaître. Lecture pénible, et ouvrage que j'ai trouvé mauvais, à la fois sur le plan littéraire et sur celui des idées.
Sur le plan littéraire, le roman est mal fichu, ennuyeux, interminable, bourré d'erreurs et de contradictions internes, comme s'il n'avait pas été relu par l'éditeur. Houellebecq est une star, il peut donc tout se permettre, il semble que le travail éditorial de base ne s'applique plus à son sujet. Les intrigues sont inintéressantes (des manœuvres familiales autour d'un vieil homme en Ephad, une campagne présidentielle jouée d'avance, un groupe terroriste aux motivations floues), et surtout elles n'aboutissent pas, Houellebecq lance des pistes et les abandonne au fil de ses divagations, il n'obéit à aucune contrainte ni à aucune logique. Cela pourrait se justifier si le propos était brillant, mais étant donné le ton neutre, plat, sérieux et concerné du livre (comme si ce qu'il écrivait était de la plus haute importance), cela crée une pénible impression d'inachevé et de contrat non tenu. On se demande sans arrêt : « À quoi bon écrire cela ? Quel intérêt ? » Houellebecq vit dans le luxe et l'oisiveté, tous ses romans manquent de nerf depuis dix ans (depuis La Carte et le Territoire), et cela ne fait que s'aggraver de livre en livre.
Sur le plan des idées, l'ouvrage, qui est présenté comme un réquisitoire impitoyable du monde actuel par une certaine critique, est d'une pauvreté consternante. Aucune analyse politique (Bruno Le Maire étant décrit comme « le plus grand ministre de l'Économie depuis Colbert » (sic)), aucune vision globale d'ordre philosophique. Quelques brefs et rares passages un peu théoriques sur la Révolution, sur les statuts respectifs de la jeunesse et de la vieillesse dans notre société, guère plus. Sur sept cents pages, cela fait très mince. On ne retrouve plus du tout ces considérations d'ensemble sur la société, comme dans Les Particules élémentaires ou La Possibilité d'une île, le monde actuel convient très bien à Michel Houellebecq qui touche son chèque à la fin du mois et ronronne depuis son duplex du treizième arrondissement.
Malgré son ampleur, Anéantir est un livre à peu près insignifiant. Houellebecq a définitivement adopté un style paresseux et péremptoire, un style de troll, réglant le compte de Jean-Jacques Rousseau ou du christianisme en une demi-ligne, comme sur le premier forum internet venu. Il rencontre son public, car sa vision technicienne et désenchantée du monde reflète celle de l'époque (j'y reviendrai). Mais dans ce cas à quoi bon écrire ? Autant lire des diagnostics de cancérologues ou les pages économie du Figaro. J'ai trouvé ce livre atroce, littéralement, d'une vacuité et d'une prétention insupportables, et j'ai éprouvé une véritable souffrance physique à la lecture de ses dernières pages.

8 commentaires:

  1. Éh ben, cher Laconique, j'ai l'impression que vous avez pas trop aimé le dernier Houellebecq !

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    1. Bah, ça reste toujours un événement, quoi qu'on en dise, cher Marginal. Et j'ai été le premier à débourser les vingt-six euros pour me le procurer...

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    2. Vous devez être maso, cher Laconique, pour vous imposer de telles souffrances !

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  2. Je goûte assez la blague sur Bruno Le Maire. Pour le reste, je me contenterais peut-être, finalement, de la version PDF.

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    1. Le problème, chère Colimasson, c'est qu'il semble bien que le propos de Houellebecq sur Bruno Le Maire ne soit pas une blague... :-/

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    2. Le problème consiste peut-être en ce que nous ne le saurons jamais... et que ce doute soit possible.

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    3. Je confirme finalement que ce roman était assez poussif.

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    4. Heureux de vous l'entendre dire ! Une lecture très pénible en effet...

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