16 juin 2022

Guillaume Musso : L'Inconnue de la Seine



Lu L'Inconnue de la Seine, le dernier roman de Guillaume Musso, sans grand plaisir, je dois le reconnaître. Je n'ai aucun a priori négatif à l'encontre de Guillaume Musso, et j'avais plutôt apprécié La Jeune Fille et la nuit. Mais là Musso retombe dans tous ses travers, on dirait une somme parodique de tout ce qu'il fait de pire. Tout y est : les personnages antipathiques, à la fois mesquins et agressifs, la haine larvée de la France (« le pays était à la fois surtaxé et suradministré »), la frénésie de l'intrigue, son caractère embrouillé, invraisemblable à un point jamais atteint auparavant. Pour la première fois je suis sorti d'un livre de Musso en n'ayant rien compris des motivations des méchants, c'est un incroyable fatras de policière mise au placard injustement (on n'explique jamais pourquoi), de substitution d'identités, de pianiste lesbienne, de grossesse réalisée sans le consentement du père (pourquoi ?), de cold case à base d'adultère et de mort d'enfant (pourquoi ?), de revenant (oui oui), de secte dionysiaque et anticapitaliste, de sacrifice rituel (!), etc., etc. À un tel niveau de confusion, il y a vraiment de quoi s'interroger sur la santé mentale de l'auteur. Et rien n'est original, les ficelles sont tellement grosses qu'on les voit à des kilomètres : le crash du vol AF 229 est calqué sur celui du vol AF 447 de 2009, le nom de la pianiste Milena Bergman vient des actrices Milena Kunis et Ingrid Bergman, le point de départ du livre vient directement de L'Outsider de Stephen King (un personnage présent à deux endroits à la fois), etc. C'est une succession de clichés romanesques dont le seul but est de sidérer le lecteur, qui est considéré comme une andouille manipulable et dépourvue d'esprit critique. Avec une telle mécanique narrative, plus le roman avance, plus il s'enfonce dans le grand-guignol, c'est fatal. Mais le pire c'est vraiment l'inconsistance des personnages, qui n'existent qu'en fonction de l'intrigue et sont dépourvus de toute qualité humaine, de cette épaisseur et de cette empathie qui rendent la comparaison avec Stephen King d'autant plus cruelle pour Musso. Il n'y a vraiment aucune évolution chez lui par rapport à ses romans du début des années 2010, il y a même plutôt régression. Je ne vais pas m'étendre davantage. Disons que j'ai trouvé ce roman à peu près aussi mauvais qu'un roman peut l'être.

7 commentaires:

  1. "Sans grand plaisir", mais vous y revenez toujours, cher Laconique ! 🤣 À l'approche de l'été vous ne pouvez pas vous empêcher de vous dévergonder dans le roman de gare. Je serais pas étonné que vous nous chroniquiez bientôt un p'tit Nicolas Rey...

    Sinon, pour ce qui est de "la haine de la France" dont fait preuve Musso, j'ai plutôt l'impression, d'après la phrase que vous citez ( « le pays était à la fois surtaxé et suradministré ») qu'il s'agit juste de réalisme de sa part.

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    1. Vous avez raison, cher Marginal, j'aime bien lire de la littérature grand public de temps en temps, surtout du Musso, je le trouve fascinant dans son absence absolue de prétention, dans sa fidélité au pur roman « de gare » comme vous dites. Mais celui-là n'est vraiment pas très bon malheureusement... :-/

      Pour le reste, je ne suis pas d'accord avec vous. Musso est peut-être exact dans son constat sur la « France », il a peut-être raison, mais ce n'est pas son rôle de dire ça. C'est un entertainer, merde ! Quand il n'arrête pas de cracher sur la saleté de Paris, sur « les pissotières de la mère Hidalgo » (sic), on sent le fils de bourgeois, friand de luxe et de confort (c'était évident dans ses premiers romans, depuis il s'est un peu calmé), qui n'arrive pas à contenir ses bouffées d'aigreur et de dégoût. Ça n'apporte rien à l'histoire. Stephen King a grandi dans la misère, lui, et il n'a pas du tout le même regard sur ces choses-là, il ne se permettrait pas de telles réflexions à tout bout de champ. Si Musso est vraiment scandalisé par ce qui se passe en France, qu'il s'engage en politique, qu'il se présente aux élections, alors il aura la légitimité pour écrire ce genre de choses. Je ne l'ai pas entendu en 2007 que je sache. Mais là on lui file du fric pour écrire de bonnes histoires dans sa chambre, et il est encore trop délicat pour supporter sans se plaindre les lenteurs administratives ou la saleté urbaine. Il n'a aucune légitimité sur ces sujets. C'est complètement déplacé.

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  2. Je n'ai jamais lu Musso (pourquoi pas un jour, surtout que depuis quelque temps je me suis mise à apprécier les comédies romantiques, j'aime beaucoup celles de Jenny Colgan, c'est toujours la même trame stéréotypée d'un livre à l'autre, mais ça se lit bien, c'est bien écrit/traduit, c'est frais et c'est honnête et solide), mais rien qu'à lire votre chronique, je me dis que de tels artifices narratifs ne lui ressemblent pas, à ce bon vieux Guillaume. Mais qu'est-ce qu'il nous fait ?

    Au fond c'est difficile d'être un auteur de best-sellers : c'est votre boulot, il faut écrire sans cesse pour vendre et gagner sa croûte. Rien de pire qu'être un auteur de commande, que d'être attendu au tournant. Je me demande comment font tous ces gens pour accepter que leur passion soit devenue leurs fers. C'est logique en un sens qu'au rythme d'un roman par année (ce que je lis sur Wikipédia), il finisse par devenir très médiocre. C'est le syndrome Amélie Nothomb...

    Au Marginal : le jour où notre Laconique national chroniquera du Aurélie Valognes, là vous pourrez vous inquiéter. ;p

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    1. Merci pour votre commentaire, chère miss Flint. Le point que vous soulevez est très intéressant. À vrai dire je ne pense pas que ce soit une question de quantité, mais c'est plutôt le côté « stéréotypé », comme vous dites, qui fait problème. Stephen King par exemple a sorti plus d'un livre par an depuis cinquante ans, mais ce sont des ouvrages très variés : il y a de gros romans, des petits, des sagas en plusieurs tomes, des recueils de nouvelles, etc. C'est une littérature sincère, de passionné, où la forme se met au service de l'histoire et non l'inverse. Et il reste très bon : j'ai lu son dernier roman Après, c'est très bon, et le suivant, Billy Summers, est très bon aussi à ce qu'il paraît. Le problème de Nothomb, de Musso, c'est qu'ils sortent un bouquin par an, comme des métronomes, et des romans formatés, toujours à peu près la même taille, etc. C'est la forme qui prend le pas sur l'art, comme dans le vaudeville au dix-neuvième, parce qu'ils veulent à tout prix s'adapter aux attentes supposées du public. Et tant qu'ils vendent, pourquoi changer ? Les Américains sont plus libres d'esprit, la liberté, l'indépendance sont des valeurs fortes et constitutives là-bas, j'ai l'impression que nous sommes beaucoup plus conformistes.

      Je ne connaît pas du tout Aurélie Valognes, mais je n'ai aucun a priori négatif envers quiconque !

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    3. Je ne connaissais pas Aurélie Valognes, mais après quelques recherches j'ai l'impression que ça n'a pas l'air si mauvais que ça, ce qu'elle fait, et elle est plutôt mignonne d'après les photos que j'ai vues...

      Et ne provoquez pas trop "notre Laconique national", il est capable de tout en terme de lectures !

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    4. Oui vous avez raison cher Laconique, il convenait de nuancer mon analyse (qui vaut ce qu'elle vaut). Après, je suis sûre qu'on trouve aussi aux Etats-Unis des auteurs qui font dans le formaté comme ce que vous décriviez, et qu'il faut juste chercher. Mais c'est vrai qu'en France, la littérature "mainstream" est très lisse dans son calibrage, il y a quelque chose de très français là-dedans... Après bon, est-ce qu'on peut vraiment comparer Stephen King à nos mascottes de rentrées littéraires ? Je ne l'ai jamais lu mais j'ai du respect et de l'affection pour lui, et je pense qu'il est loin devant.

      Quant à Aurélie Valognes je n'ai rien contre elle, au contraire c'était plus une petite pique par rapport au fait qu'elle donne elle aussi dans ce marché littéraire d'où rien ne dépasse. Après, elle a un gros public, elle écrit des romans "feel good" et des chroniques de la vie courante dans lesquels beaucoup de gens se retrouvent, elle a l'air d'être sympathique et pas prétentieuse pour un sou, elle reconnaît faire ça pour son plaisir et avoir des défauts certains dans son art (j'allais lu ça dans une de ses interviews...) et en fait, c'est le principal reproche que ses critiques lui adressent : ça manque de style, de chair littéraire. Mais peut-être a-t-elle évolué entre ces tout premiers romans et maintenant.

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