Parcouru avec une certaine tristesse la préface d’Yves Bonnefoy aux Poésies de Mallarmé. Décidément ce vingtième siècle sera passé à côté de la littérature, et se sera enferré dans la glose prétentieuse et inutile. Il me semble que le meilleur moyen de définir la poésie de Mallarmé, ce n’est pas de s’interroger sur ses supposées idées métaphysiques, mais de décrire tout simplement ce qui fait que l’on éprouve du plaisir à le lire. Les choses, alors, s’éclairent tout naturellement.
La poésie de Mallarmé, comme toute poésie, est faite de l’alliance de trois éléments :
– Le vocabulaire. Le vocabulaire de Mallarmé est splendide, d’une richesse et d’une précision sans égales. Chaque mot rayonne de sa lumière propre et propage ses ondes à travers tout le poème. Chaque poème engendre son propre vocabulaire, et très peu de termes sont repris d’une pièce à l’autre (on peut toutefois penser à « hiver », « solitude », « astre »).
– La syntaxe. La syntaxe de Mallarmé, comme celle de Racine, Hugo et Baudelaire, et à l’inverse de celle de Verlaine ou de Rimbaud, vise une chose avant tout : la fluidité. Même dans ses derniers poèmes, et alors que la densité confine parfois à l’hermétisme, la phrase coule d’un vers à l’autre, aisément, sans accroc.
– La science du vers et de la rime. Mallarmé a poussé jusqu’à son terme l’évolution qui consiste à faire du vers l’unité de base de la poésie. Certains de ses vers sont si pleins, si majestueux, si rutilants de feux divers, qu’on peut les apprécier indépendamment de ce qui les entoure. Quant à la rime, elle est savante et variée, tantôt compacte et mate comme un minéral, tantôt languide et prolongée.
C’est la réunion de ces trois éléments, un vocabulaire recherché, une syntaxe harmonieuse et un art souverain du vers et de la rime, qui est à l’origine de la beauté des poèmes de Mallarmé. Plus il évoluera, plus il tendra vers une poésie purement verbale. Les mots seuls demeureront, et la magie de leurs combinaisons mystérieuses. Est-il donc si compliqué de le dire ?
– Le vocabulaire. Le vocabulaire de Mallarmé est splendide, d’une richesse et d’une précision sans égales. Chaque mot rayonne de sa lumière propre et propage ses ondes à travers tout le poème. Chaque poème engendre son propre vocabulaire, et très peu de termes sont repris d’une pièce à l’autre (on peut toutefois penser à « hiver », « solitude », « astre »).
– La syntaxe. La syntaxe de Mallarmé, comme celle de Racine, Hugo et Baudelaire, et à l’inverse de celle de Verlaine ou de Rimbaud, vise une chose avant tout : la fluidité. Même dans ses derniers poèmes, et alors que la densité confine parfois à l’hermétisme, la phrase coule d’un vers à l’autre, aisément, sans accroc.
– La science du vers et de la rime. Mallarmé a poussé jusqu’à son terme l’évolution qui consiste à faire du vers l’unité de base de la poésie. Certains de ses vers sont si pleins, si majestueux, si rutilants de feux divers, qu’on peut les apprécier indépendamment de ce qui les entoure. Quant à la rime, elle est savante et variée, tantôt compacte et mate comme un minéral, tantôt languide et prolongée.
C’est la réunion de ces trois éléments, un vocabulaire recherché, une syntaxe harmonieuse et un art souverain du vers et de la rime, qui est à l’origine de la beauté des poèmes de Mallarmé. Plus il évoluera, plus il tendra vers une poésie purement verbale. Les mots seuls demeureront, et la magie de leurs combinaisons mystérieuses. Est-il donc si compliqué de le dire ?
Ah, cher Laconique, excusez mon retard, mais je finis par le commenter, ce nouvel article du Goût des lettres ! Il faut dire que vous m'avez pris au dépourvu en rompant ce qui était devenu un rythme de publication habituel, équivalent à peu près au mien, c'est-à-dire un article par mois. Cela démontre que vous connaissez toutes les techniques du mal dominant, que vous êtes par ailleurs, dont l'une des plus efficaces sur la gente féminine et sur les gens en général : être imprévisible !
RépondreSupprimerBref, j'ai été déstabilisé, mais pas au point que les récents délices de votre plume ne m'échappent. J'ai donc lu cet article sur le Prince des poètes relativement tôt, contrairement à ce que l'absence de commentaire de ma part eût pu laisser penser. J'imagine que vos innombrables lecteurs sont dans le même cas que moi, impatients qu'ils sont de découvrir ce que vous leur réservez à chaque nouvelle publication !
En tout cas, ça aurait été un comble que le seul article que je ne commente pas soit précisément celui consacré à Mallarmé, l'un de mes poètes, voire écrivains, préféré ! On peut quasiment dire que je le porte aux nues ; longtemps sa poésie et lui-même ont exercé une fascination sur moi, tant ils représentent un idéal inatteignable. Vous n'êtes d'ailleurs pas sans savoir que je lui ai dédié un poème : "Pardonne-moi Stéphane".
Pour l'heure, vous avez choisi de vous attarder sur l'aspect purement linguistique et grammatical de son œuvre, ce que vous faites très bien, de façon concise et amoureusement. Il est vrai qu'en poésie le langage est matière artistique et que c'est lui qui importe en premier lieu. Il est dont normal, en bon expert de tous les genres littéraires, que vous vous focalisiez sur lui. Je ne doute cependant pas que vous brilleriez tout autant dans une étude thématique de l'œuvre de Mallarmé, comme dans celle du Marginal Magnifique.
Pour ce qui est de vos remarques, je n'ai pas grand chose à en dire, si ce n'est que je les partage. J'apprécie tout particulièrement le paragraphe consacré au vocabulaire, qui me renvoie à ma fascination et me donne à lui seul l'envie de relire des poèmes du maître : vous avez donc réussi votre coup !
En ce qui concerne Bonnefoy, pour finir, les sensations qu'il m'évoquent sont tout simplement l'inverse de celle éprouvées lorsque je pense à Mallarmé : j'ai envie de gerber. Vous imaginez donc que je ne suis pas prêt de lire sa préface !
Bon, il convient quand même de finir sur des sensations positives, alors place au maître, avec mon classique, sans surprises, bien que cette strophe n'illustre pas complètement son œuvre :
"Il roule par la brume, ancien et traverse
Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr ;
Où fuir dans la révolte inutile et perverse ?
Je suis hanté. L'Azur ! l'Azur ! l'Azur ! l'Azur !"
Ma foi, cher Marginal, je suis ravi de vous retrouver sur ce site, même si, vous le savez, internet est le domaine de la liberté (et souvent du n’importe quoi), et vous pouvez répondre quand vous le souhaitez, autant de lignes que vous le souhaitez. S’il y a bien un endroit où on ne doit pas être lié, c’est bien ici ! Prenez vos aises, ici comme sur votre sulfureux site, toute contrainte doit être bannie !
RépondreSupprimerJe suis à mon tour un peu surpris par votre surprise. Je publie en moyenne toutes les trois semaines. Par exemple du 13 mars au 2 avril ça fait trois semaines, du 2 avril au 23 avril ça fait trois semaines, et là, du 21 mai au 11 juin ça fait pile trois semaines. Il est vrai que j’ai été plus long la dernière fois, du 23 avril au 21 mai, et c’est sans doute ce qui vous a induit en erreur, mais c’était exceptionnel. Non, cher Marginal, je ne suis pas encore assez Mâle Dominant pour changer mon rythme et brusquer mon sensible lectorat, j’essaie de me tenir à ce rythme de trois semaines, ce qui porterait le prochain coup de couperet, si je compte bien et si l’inspiration me vient d’ici là, aux alentours du 2 juillet…
Oui, je sais que vous êtes fan de Mallarmé, plus que moi encore sans doute, comme le montre votre excellent poème Pardonne-moi Stéphane, qui témoigne d’une connaissance intuitive de son œuvre et dans lequel vous tournez très ingénieusement ses vers à votre sauce ("Lâche jusqu'au bout des ongles/Très bas dédiant/Leur penaud onyx/J'ai cédé/J'ai choisi la vie/Pour ne pas crever"). Mais il est vrai que sur moi aussi nombre de ses vers ont exercé une véritable fascination, il représente pour moi la quintessence de la littérature, dans ce qu’elle a de plus beau, mais aussi de plus vain (dans le bon sens du terme).
Vous observez que je me limite à l’aspect linguistique et grammatical de sa poésie. C’est en réaction à cette préface de Bonnefoy que j’ai parcourue et qui prend la poésie de Mallarmé sous l’angle métaphysique, cherchant à l’éclairer par, je cite : « les grandes structures de la pensée archaïque ». Il y a bien une pensée chez Mallarmé, mais il me semble que ce n’est pas l’essentiel, que son originalité se situe ailleurs, dans un rapport tout particulier au langage, et c’est ce que j’ai essayé de dire…
Ah ! là ! là ! grâce à vous cher Marginal j’ai pu évoquer encore un peu cet univers de Mallarmé qui nous est cher… Entre deux matches de foot et les multiples contraintes de l’existence, ça fait du bien ! Je vous reconnais bien dans les vers que vous citez, c’est un peu le programme de votre propre poésie ! Moi je crois que c’est « Hérodiade » que je préfère :
Mais qui me toucherait, des lions respectée ?
Du reste, je ne veux rien d’humain et, sculptée,
Si tu me vois les yeux perdus aux paradis,
C’est quand je me souviens de ton lait bu jadis.
Je trouve pour ma part qu'"Hérodiade" manque de fluidité puis qu'il est trop long. Je n'aime pas trop ce genre bâtard mi-poème mi-théâtre, j'aime les choses claires !
RépondreSupprimerJe corrige au passage quelques-unes de mes fautes quand même que j'ai repérées en relisant mon commentaire pour me remettre dans le bain avant de m'attaquer à votre réponse. Que voulez-vous, la vie me fait offense, je n'ai pas toujours tous mes esprits !
* mÂLE dominant
* qu'il m'évoquE sont tout simplement l'inverse de celleS éprouvées
On ne se mettra pas d’accord sur « Hérodiade »… Disons que les goûts en poésie c’est très subjectif !
RépondreSupprimerVous devriez vous relire avant de poster. Moi je trouve toujours des fautes en me relisant. Il est vrai qu’il est difficile d’avoir l’esprit clair après avoir fréquenté ses congénères toute une journée. Comme disait le Bouddha : « Mieux vaut vivre dans la solitude : il n’y a point de société avec les sots. »
Et pourtant je me relis, cher Laconique !
SupprimerTroublante , difficile mais magique poésie que celle du grand Mallarmé hanté par la stérilité poétique et une quête angoissée de l'idéal. Sa syntaxe élaborée qui reflète l'exigence de sa recherche de perfection nous entraîne dans une féerie grisante, de mots et expressions qui égarent notre compréhension entre rêve et réalité. La quête élitiste d'absolu de ce génie de la littératue, dont vous évoquez et analysez dans votre texte l'art d'expression, mérite bien une place dans votre "goût des lettres" si élevé culturellement. Et il est vrai qu'en le lisant on s'attarde plus volontiers sur ses tourments existentiels comme dans le tortueux "l'Azur" au lieu de savourer tout simplement le charme surprenant et envoutant des lignes. Bonne soirée.
RépondreSupprimerVous évoquez Mallarmé avec densité et précision. Il y a en effet de la « magie » chez lui, de la « féerie », on se sent grisé par une telle liberté du langage. Et en même temps, comme vous le dites, tout cela est un peu « tortueux », il n’y a pas d’abandon chez lui, la pensée est concentrée à l’extrême, jusqu’à l’étouffement parfois. Mais lorsque l’étincelle se produit, cela donne naissance à des vers inoubliables… C’est pourquoi je préfère ses premiers poèmes, « Apparition », « Renouveau », « Hérodiade », qui sont quand même plus fluides que ses derniers sonnets. Et puis, Mallarmé c’est aussi l’incarnation de cette esthétique symboliste qui est un peu oubliée aujourd’hui, alors qu’elle recèle des trésors de finesse et de beauté dont notre époque aurait bien besoin…
RépondreSupprimerBonne journée à vous.