3 janvier 2019

Jean-Paul II : La Splendeur de la vérité



J’aime beaucoup les émotions, me dit-il. C’est vraiment ce que je préfère dans la vie. Se sentir bien, confiant, joyeux, il n’y a rien de tel. Mais enfin, force est de constater que si tout le monde est comme cela, cela aboutit à une société invivable. Les individus ne sont plus alors que des automates mus par leurs affects. Toute relation, toute communication se réduit à la recherche d’effets à produire sur l’autre. Il n’y a plus rien d’objectif, chacun est dans sa bulle, livré à ses penchants. Il est vrai que c’est là, en grande partie, une peinture fidèle du monde actuel.
Aussi, c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu La Splendeur de la vérité (1993), l’encyclique de Jean-Paul II consacrée à la morale. Affirmer que la morale repose en dernier ressort non sur des sentiments subjectifs ou intersubjectifs, mais sur la vérité, c’est, dans le monde dans lequel nous vivons, accomplir un acte révolutionnaire, d’une formidable portée émancipatrice. « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres », affirme l’Évangile (Jean, 8, 32). « S’il existe un droit à être respecté dans son propre itinéraire de recherche de la vérité, il existe encore antérieurement l’obligation morale grave pour tous de rechercher la vérité et, une fois qu’elle est connue, d’y adhérer », écrit Jean-Paul II (34). Il fustige les trois grands travers moraux du monde contemporain : le subjectivisme (« Le bien, c’est ce que je sens être tel »), le relativisme (« Il n’y a pas de bien ni de mal absolus, il faut s’adapter aux circonstances »), l’utilitarisme (« Le bien, c’est ce qui est utile »). En fondant la morale sur une réalité extérieure à l’homme, il nous libère de cette effroyable mécanique émotionnelle qui nous détruit à petit feu. Il trace une voie claire et humaine pour agir, pour vivre tout simplement. Le monde moderne, obnubilé par la liberté, ne génère en réalité que des individus désemparés, souffrants, agressifs et agressés. En lieu et place de la liberté promise, nous avons l’aliénation totale.
J’aime beaucoup les émotions. C’est ce que je préfère dans la vie. Mais aucune émotion au monde n’est comparable à la liberté profonde que l’on ressent lorsque l’on reconnaît qu’il y a quelque chose au-dessus des émotions.

2 commentaires:

  1. Vous voyez cher Laconique, ce n'est quand même pas si mal qu'il y ait une réalité objective et que ce soit à la conscience subjective de s'ordonner à la nature des choses. Là dessus, des gens aussi divergeant qu'Aristote, St. Thomas d'Aquin, Ayn Rand et certains matérialistes, peuvent tomber d'accord.

    Reste à savoir (entre autres) s'il cohérent de penser ça ET de soutenir qu'il existe une entité divine qui pourrait, si elle en avait la fantaisie, faire que deux et deux ne fasse pas quatre, comme dit Descartes dans les Méditations métaphysiques...

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  2. Hé, bonne année, cher Johnathan Razorback !

    Je vois que vous avez une lecture très philosophique de la chose. Je ne suis pas autant versé que vous dans les distinctions de cette discipline, mais il me semble qu’il n’y a pas grand-chose de commun, effectivement, entre le réalisme matérialiste spontané (« La réalité est telle que je la perçois »), et le réalisme théo-centré de la doctrine catholique (« Nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles », 2 Corinthiens, 4, 18). Et pour répondre à votre objection, le Dieu de Descartes ou de Spinoza (soumis au fond à la nécessité) n’a pas grand-chose à voir avec le Dieu de la Bible…

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